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Pour contrer les attaques virales, les plantes ont mis en place un certain nombre de stratégies (voir introduction partie I) dont une est de limiter le mouvement intercellulaire au niveau des PD. En présence de virus, la SEL des PD est augmentée facilitant la propagation virale. Les réponses défensives des plantes permettent la diminution de la SEL, conséquence d’un dépôt de callose au niveau de l’entrée des PD (Zavaliev et al. 2011). Cependant, les événements moléculaires sous-jacents à l’homéostasie de ce dépôt de callose en contexte viral sont encore mal caractérisés.

Les travaux réalisés par l’équipe avant mon arrivée en master 2 en janvier 2016 ont montré que l’organisation fine et dynamique des nanodomaines liés à REM est un paramètre crucial pour la restriction de cellule à cellule du Potexvirus PVX (Perraki et al 2014, Gronnier et al ,2017). Plusieurs études portant sur différents groupes de REM ont montré l’effet agoniste ou antagoniste de ces protéines en réponse à divers pathogènes tels que phytovirus, bactéries, oomycètes et champignons (Voir revue Gouguet et al, Partie II Introduction). La plupart de ces fonctions sont liées à la régulation de la communication de cellule à cellule et aux dépôts de callose. Notre équipe s’intéresse plus particulièrement aux rémorines du groupe 1 pour plusieurs raisons : 1/ les rémorines du groupe 1 ont été découvertes en protéomique enrichies dans les Membranes Insolubles aux Détergents qui sont l’équivalent biochimique des domaines membranaires (Mongrand et a, 2004, Morel et al, 2006) ; 2/ historiquement la rémorine du groupe 1 isoforme 3 de Solanum tuberosum (StREM1.3) a été le premier membre de la famille découvert, décrit initialement comme une protéine phosphorylée lors d'un traitement par des oligogalacturonides, composants de la paroi des cellules végétales et inducteurs de la défense des plantes (Reymond et al. 1996). Cependant, la pertinence biologique de la phosphorylation de REM n'est pas connue pour les différentes rémorines. Des études suggèrent que l'activité de ces protéines pourrait être régulée par la phosphorylation lors d'interactions plante-microbe (Benschop et al. 2007; Widjaja et al. 2009) 3/ ce groupe est le plus abondamment exprimé dans tous les tissus ; 4/ les REM du groupe 1 colocalisent dans le même domaine (Jarsch et al. 2014) ; 5/ elles sont également présentes au niveau de la membrane bordant les PD (Gronnier et al, 2017) ; 6/ elles limitent la propagation intercellulaire du PVX sans affecter la réplication virale (S. Raffaele et al. 2009); 7/ même en l’absence de virus, elles sont

des régulateurs clé de la SEL des PD (Perraki et al, 2014) ; 8/ les remorines du groupe 1 d’Arabidopsis thaliana AtREM1.2 et AtREM1.3, de Solanacées StREM1.3 Solanum tuberosum, Nicotiana benthamiana NbREM1.1/1.2 et Nicotiania tabacum NtREM1.1/1.2 et de Solanum lycopersicum LeREM1.1 sont des protéines orthologues, avec des homologies de séquences élevées et des sites de phosphorylations putatifs conservés.

Dans ce contexte, de manière globale la question biologique de ma thèse a été de comprendre le rôle des rémorines du groupe 1 et l’impact de de leurs phosphorylations sur la propagation de cellule à cellule des phytovirus. Pour apporter de nouveaux éléments de réponse à cette question biologique, 3 grandes parties structurent mes travaux :

Partie I : Comprendre le rôle de la phosphorylation de StREM1.3 sur la propagation intercellulaire des Potexvirus et identifier la ou les kinases impliquée(s) dans cette phosphorylation.

Cette première partie s’inscrit dans le cadre de ma participation au travail intitulé « REM1.3's phospho-status defines its plasma membrane nanodomain organization and activity in restricting PVX cell-to-cellmovement » publié dans PLOS Pathogens en 2018, où je suis cinquième auteur sur 15.

De manière globale, ce travail nous a permis de répondre aux 5 questions biologiques suivantes :

-L’état de phosphorylation de StREM1.3 est-il modifié lors de l’interaction plante-PVX ?

- Quel est l’effet de la phosphorylation sur l’activité biologique de StREM1.3, notamment sur la propagation intercellulaire du PVX ?

- En absence et en présence de virus, la phosphorylation régule-t-elle l’organisation latérale et dynamique des nanodomaines liés à StREM1.3 à la membrane plasmique et à la membrane des PD-MP ?

- Lors de l’infection au PVX, StREM1.3 régule-t-elle le niveau de callose au niveau des PD ?

- Quelle est la ou les kinase(s) impliquée(s) dans la phosphorylation de StREM1.3 lors de la réponse au PVX ?

Ce travail démontre que les REM du groupe 1 sont différentiellement phosphorylées en réponse au PVX, et qu'une protéine kinase dépendante du calcium (CPK3) isoforme 3 du sous-groupe 2 d'Arabidopsis thaliana est capable de phosphoryler in vitro StREM1.3, et d'interagir in vivo avec StREM1.3. In planta, la surexpression de CPK3 est capable de restreindre la propagation de cellule à cellule d'une manière dépendante de REM. Ces travaux démontrent également que la phosphorylation au niveau de 3 sites prédictifs de phosphorylation de StREM1.3 est cruciale pour la fonction biologique de StREM1.3 et conduit à l’accumulation de callose au niveau des PD. De plus, il est démontré que ces événements de phosphorylations modifient le comportement dynamique de StREM1.3 au niveau de la MP. Ces données nous ont permis de développer un modèle de la réponse antivirale par StREM1.3 et son état de phosphorylation : après l’infection, un signal calcique activerait une protéine kinase dépendante du calcium du groupe 2 qui à son tour phosphorylerait StREM1.3, altérant ainsi sa conformation. Ce changement de conformation conféré par la phosphorylation aurait une incidence sur la capacité potentielle de StREM1.3 à interagir avec d’autres protéines, qui pourraient, à leur tour, être impliquées dans une voie de signalisation contribuant à l'accumulation de callose à l’entrée des PD, limitant ainsi la propagation de cellule à cellule du PVX.

Partie II : Développement d’un pathosystème chez Arabidopsis pour l’étude en système homologue des mécanismes moléculaires mis en jeu dans la fonction des rémorines du groupe 1 lors de la propagation virale des Potexvirus.

Les travaux effectués dans Perraki et al., 2018 ont été réalisés dans le pathosystème Nicotiana benthamiana / PVX. Nous avons travaillé avec une REM de Solanum tuberosum (StREM1.3) et une CPK d’Arabidopsis thaliana CPK3. Ce système d’étude est donc hétérologue et peut de ce fait induire des biais dans nos résultats. Par ailleurs, bien que facile à transformer transitoirement pour les études de localisations protéiques ou d’interactions protéine-protéine, Nicotiana benthamiana possède un génome complexe allotétraploïde, compliquant les études génétiques (même si l’utilisation du CRISPR-Cas9 commence à émerger).

N.benthamiana possède ainsi 36 isoformes de REMs et 34 isoformes de CPKs du sous-groupe II auquel appartient CPK3.

Afin de cibler de manière plus précise l’implication de chaque isoforme de REM du groupe 1, et les mécanismes moléculaires mis en jeu dans le mouvement de cellule à cellule des phytovirus, nous avons décidé de développer un pathosystème chez l’arabette, Arabidopsis thaliana de façon à pouvoir travailler en un système totalement homologue d'une part, et d'autre part pour la puissance de ses nombreux outils génétiques et moléculaires. En effet cela nous permet de bénéficier de de nombreuses ressources génétiques de REM et de CPK fournies par nos collaborateurs (Thomas Ott, université de Fribourg, et Marie Boudsocq, IPS2 Paris). Jusque-là, toutes les études ont été réalisées chez N. benthamiana car le PVX ne peut pas se propager dans Arabidopsis (sauf infections croisées avec un Tobravirus, (Jaubert et al. 2011)). En revanche, le Plantago Asiatica Mosaic Virus (PlAMV) est capable de l'infecter et de donner des symptômes visibles (Yamaji et al. 2012a). Dans ce travail qui a constitué le cœur de ma thèse, j’ai déployé le pathosystème PlAMV / Arabidopsis (Minato et al., 2014; Yamaji et al., 2012) avec pour objectif :

- de pouvoir suivre facilement le mouvement intercellulaire du virus par des

techniques d’imagerie,

- de pouvoir suivre la propagation du virus dans la plante en cinétique, donc

à l’aide d’une technique non invasive,

- d’évaluer si les résultats obtenus chez les plantes solanacées avec le PVX

étaient également observables pour un autre pathosystème, chez les Brassicacées.

Le déploiement et la validation de l'utilisation de ce pathosystème m'a permis de répondre aux questions suivantes :

- Sachant que la redondance fonctionnelle est assez importante pour ces familles multigéniques, quelle est l'implication des différentes REM du groupe 1 et des CPKs dans la réponse au PlAMV ?

- Ces protéines candidates sont-elles également impliquées dans la propagation systémique de ce Potexvirus ?

- Peut-on confirmer que la propagation virale en systémie est affectée ?

Partie III : L’effet antagoniste de REM est-il généralisable à d’autres genres viraux ? Objectif : Rôle des remorines du groupe 1 sur la propagation des Potyvirus.

L’ANR POTYMOVE (2016-2020) coordonnée par S.German-Retana vise à comprendre l’implication des facteurs de l’hôte dans le mouvement intercellulaire des Potyvirus. De manière intéressante, des études préliminaires réalisées par V. Simon durant mon stage de master 2 ont permis de mettre en évidence un effet agoniste des rémorines du groupe 1 sur la propagation de cellule à cellule d’un Potyvirus, le Turnip Mosaic Virus (TuMV) par expression transitoire de StREM1.3 chez N. benthamiana. Sachant que les Potexvirus et les Potyvirus ont un mode de propagation intercellulaire radicalement différent (voir introduction partie 1), il devient alors intéressant de comprendre comment se positionne la REM dans ce nouveau modèle.

Ces données nous ont amené à poser les questions suivantes :

-La phosphorylation de SREM1.3 aux trois sites nécessaires à sa fonction contre les Potexvirus joue-elle également un rôle lors de la propagation intercellulaire des Potyvirus ?

-La kinase dépendante du calcium CPK3 est-elle aussi impliquée dans la réponse aux Potyvirus ?

PARTIE I : COMPRENDRE LE ROLE DE LA