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VI Défense des plantes : la contre-attaque des plantes VI.1- Immunité des plantes : la course aux armements entre le virus et son

hôte

Malgré leur immobilité et apparente passivité face à leurs bio agresseurs, les plantes sont résistantes à la majorité des pathogènes et le développement de la maladie reste une exception (Kang, Yeam, and Jahn 2005). Depuis des millions d'années, les plantes s'adaptent en développant des stratégies défensives face à des pathogènes en constante évolution, dont le but ultime est de contourner ces résistances. Cette course aux armements illustrant la coévolution des plantes et des agents pathogènes bactériens et fongiques a été conceptualisée par le modèle en « zig-zag» proposé par Jones et Dangl (2006) (Fig 9).

Le PTI est elle applicable pour les virus ?

L’étape de PTI dans le modèle présenté en figure 9, applicable aux pathogènes fongiques ou bactériens a longtemps été controversée pour les virus du fait qu'ils ne synthétisent pas de PAMPs qui se caractérisent par une signature moléculaire hautement conservée au sein d’une même famille de pathogènes et par leur perception extracellulaire par la plante (Moon and Park 2016). Or le mode de multiplication intracellulaire et la variabilité élevée des génomes viraux rend difficile l’identification de telles molécules (Bent and Mackey 2007; Mandadi and Scholthof 2012). Néanmoins, des études suggèrent que le génome viral (ADN ou ARN) et notamment les formes ARN simple brin issues de la réplication des virus à ARN simple brin serait considérées comme des PAMPs dans l'activation du PTI (Boualem, Dogimont, and Bendahmane 2016; Nicaise 2017; de Ronde, Butterbach, and Kormelink 2014). D'autres études suggèrent également l'implication de certains

Figure 9 : Modèle en zig-zag de l’immunité des plantes. Dès la première attaque du pathogène fongique ou bactérien, la plante détecte des éliciteurs de réaction de défense appelés motifs moléculaires associés au pathogène ou microbe (Pathogen-associated molecular pattern PAMPs ou Microbe-associated molecular pattern MAMPs) grâce à des récepteurs membranaires. Cette résistance non spécifique et peu intense, dite résistance immunitaire basale, limite la progression de nombreux pathogènes par des renforcements pariétaux par exemple liés à un dépôt de callose ou encore la production d’éthylène, des chocs oxydatifs (ROS) ou l’induction de certains gènes liés aux mécanismes de défense (Ingle, Carstens, & Denby, 2006) : C'est le PTI ou PAMP-Triggered Immunity. En perpétuelle évolution, les pathogènes vont trouver le moyen de contourner cette première couche de résistance en codant pour des effecteurs qui interfèrent avec les voies du PTI, entrainant la sensibilité de l’hôte : cette phase est appelée ETS (Effector-Triggered Susceptibility). La plante réagit à son tour en induisant des mécanismes de reconnaissance intracellulaires (directs ou indirects) de ces effecteurs : les gènes de Résistance (gènes R) codant pour des protéines qui interagissent directement ou indirectement et de façon spécifique avec un facteur d'avirulence (Avr) du pathogène. Cette reconnaissance constitue la résistance spécifique « gène pour gène » également appelée immunité déclenchée par des effecteurs : ETI pour Effector-Triggered Immunity. Cette reconnaissance entraine souvent une réponse d’hypersensibilité (HR) liée à un phénomène de mort cellulaire rapide, la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) ainsi que d’acide salicylique (AS) et l’expression de gènes de défense (Win et al., 2012). Néanmoins, le pathogène peut encore évoluer pour échapper à la résistance en modifiant ses effecteurs déjà existants ou en créant de nouveaux effecteurs, rendant la plante de nouveau sensible : (seconde phase ETI). L’évolution favorise alors, chez les plantes, l’apparition de nouvelles protéines (R) qui reconnaissent ces effecteurs inédits. Ces zigzags se perpétuent tout au long de la co-évolution née de l’interaction entre la plante et ses pathogènes. D’après (Jones & Dangl, 2006).

récepteurs cellulaires , comme par exemple NIK1 (pour NSP (Nuclear Shuttle Protein Interacting Kinase 1), kinase hautement similaire à BAK1 (BRI1 : Brassinosteroid Intensive1- Associated Kinase 1) l’un des corécepteurs clefs des PAMPs (Julie KØrner et al. 2013) qui est impliquée dans la restriction du mouvement et de l’accumulation de geminivirus (Carvalho et al. 2008; Kumar 2019). Les virus déclenchent également des voies de signalisation conduisant à des réactions similaires aux autres pathogènes, comme par exemple la production de formes actives de l’oxygène (Reactive Oxygen Species, ROS) (Díaz-Vivancos et al. 2008), le dépôt de callose (Zavaliev et al. 2013) ou encore la production d’acide salicylique (AS) chez le tabac, la courge et Arabidopsis thaliana (Mayers et al. 2005). Enfin, les effecteurs viraux peuvent être également les protéines virales : par exemple la CP du PPV va jouer le rôle d'effecteur viral et va supprimer le PTI, entrainant la susceptibilité de l’hôte (Nicaise and Candresse 2017).

VI. 2 Les résistances dominantes contrôlées par des gènes de type R et les résistances récessives aux Phytovirus

En plus de la résistance basale les plantes ont mis au point un système de surveillance supplémentaire reposant sur des récepteurs intracellulaires particuliers, appelés protéines R, pour reconnaître directement ou indirectement les effecteurs microbiens utilisés pour subvertir le PTI et déclencher l’ immunité déclenchée par les effecteurs (ETI). La classe principale de ces gènes représente des gènes de résistance dominante.

La reconnaissance R-Avr est généralement associée à une induction (concomitante) d'une réponse de mort cellulaire programmée, comme en témoigne l'apparition rapide de lésions nécrotiques visibles (une réaction d'hypersensibilité, HR) ou, dans de rares cas, une résistance extrême au cours de laquelle aucune nécrose n'est observée. Une HR induite implique l'activation de l'expression et l’accumulation de AS, d'acide jasmonique (JA), de monoxyde d'azote (NO), d'éthylène, de ROS et de Ca2+, ainsi que l'expression de gènes "Pathogenesis Related (PR ) (Bashir et al. 2013). Le virus (et autres agents pathogènes) sont ainsi confinés au site d'entrée / invasion et les infections sont stoppées.

Le cas de résistance extrême est illustré par le gène Rx de résistance au PVX chez la pomme de terre (Bendahmane, Kanyuka, and Baulcombe 1999; Köhm et al.

1993). Le gène Rx confère une résistance au PVX par reconnaissance, pas forcément directe de la CP. La résistance médiée par Rx est induite tôt dans le cycle de l’infection virale et implique la suppression de l’accumulation de virus sans déclenchement de la HR.

Des gènes atypiques de résistance dominante aux virus ont été identifiés

chez A.thaliana, comme par exemple des protéines appartement à la famille des

lectines, les Restricted Tobacco etch virus Movement RTM : RTM1, RTM2 et RTM3 et empêchent la propagation systémique de plusieurs Potyvirus, comme le TEV par exemple. Dans ces cas-là, le virus ne peut pas être chargé dans le phloème pour se disséminer de manière systémique dans l'hôte. En outre, il n'y a pas non plus d'induction de HR ni de production d'acide salicylique (AS) (Cosson et al. 2012). Le fait que l’expression des gènes RTM1 et RTM2 ne soit limitée qu’ au compartiment phloémien et qu’une interaction entre RTM1 et RTM3 ait été mise en évidence en double-hydride et in planta ont permis d’émettre l’hypothèse de la formation par les produits des gènes RTM d’un complexe multi-protéique impliqué dans des mécanismes de résistance qui bloqueraient le mouvement en systémie des Potyvirus (Cosson et al. 2010). La perte de fonction de l'un ou l'autre membre du complexe entraîne la perte de la résistance, ce qui suggère que la résistance médiée par RTM1 dépend du complexe protéique (Cosson et al. 2010). Ce complexe protéique fonctionne probablement en ciblant la particule virale potyvirale ou le complexe ribonucléoprotéine contenant de la CP dans le phloème, car la CP est impliquée dans la perte de résistance induite par la RTM (Sofer et al. 2017).

Appartenant à la famille de RTM1, un autre gène a récemment été identifié, JAX1 (Jacalin type lectin required for Potexvirus résistance), en réponse à une infection virale des Potexvirus. JAX1 confère une résistance à large spectre aux Potexvirus au stade précoce de l'infection, en reconnaissant la RdRp et en inhibant son activité. Par ailleurs, JAX1 confère une résistance au niveau cellulaire au PlAMV lors des premières étapes de l’infection (Yamaji et al. 2012), contrairement à l’autre lectine RTM1 qui elle confère une résistance au virus à un stade avancé de l’infection virale.

La résistance récessive (Truniger and Aranda 2009) contre les virus repose sur l'observation selon laquelle ces parasites obligatoires ont besoin de facteurs de

l'hôte (également appelés facteurs de sensibilité ) pour mener à bien leur cycle infectieux. La mutation ou l’absence de l’un de ces facteurs peut entraîner une résistance passive de la plante au virus. On parle alors de perte de sensibilité. D’un point de vue génétique, le phénotype de résistance est obtenu quand les deux allèles du locus codant pour le facteur de sensibilité sont mutés. C’est pourquoi il s’agit d’une résistante dite récessive. La majorité des gènes de résistance récessive connus pour les Potyvirus (Kang, Yeam, and Jahn 2005) codent pour des facteurs d'initiation de la traduction eIF4E ou eIF4G (Truniger and Aranda 2009). Un autre gène de la famille des facteurs d’initiation de la traduction eucaryote 4E codant pour la protéine de liaison à la coiffe (novel cap binding protein, nCBp) a été aussi identifié comme un gène de résistance récessive chez Arabidopsis vis-à-vis de nombreux virus tels que les Potex-, Lola- et Carla-virus (Keima et al. 2017) et en particulier vis-à-vis du PlAMV. Ce gène n’est en revanche pas impliqué dans la résistance aux Potyvirus mais pour un autre genre au sein de la famille des potyviridae, les ipomovirus, son inactivation conduisant à une résistance au Cassava Brown Streak

Virus CBSV (Gomez et al. 2019). Le PlAMV est affecté dans son mouvement de

cellule à cellule dans les mutants d’Arabidopsis ncbp. Des tests de transfection de protoplastes n’ont révélé aucune différence significative entre les cellules mutées ncbp et Wild Type (WT) Col-0 dans l’accumulation des ARN génomiques et subgénomiques du PlAMV, montrant que nCBP n’est pas impliquée dans la réplication de ce virus. En revanche, l’accumulation des protéines de mouvement TGB2 et TGB3 diminue considérablement dans les feuilles des mutants ncbp: la diminution du mouvement serait donc due à l’action négative de ncbp sur la traduction de TGB2 et TGB3.

VI.3- Mécanismes et inhibition du RNA-silencing lors des interactions plante-virus

Pour parvenir à infecter les plantes, les phytovirus doivent également contrer le phénomène défensif de la plante nommé l’ARN silencing. L’ARN silencing est un mécanisme conservé chez les eucaryotes. Il se définit comme l'ensemble des mécanismes conduisant à la suppression de l’expression de gènes, au niveau transcriptionnel (appelé TGS) ou post-transcriptionnel (PTGS) via des interactions séquence-spécifiques médiées par l’ARN. Son rôle est essentiel dans un certain nombre de processus biologiques, le silencing permet ainsi la résistance des plantes

via le ciblage et la dégradation des ARN viraux. Il intervient également dans le contrôle de l’expression des gènes au cours du développement. Contrairement au PTI, le silencing n'initie pas de réponse immunitaire innée typique, telle que l'expression de gènes PR ou le développement de la HR, et est indépendant de petite molécule, telles que AS, les ROS ou les ions calcium, en tant que messagers secondaires pour amplification du signal (Prasad et al. 2019)

Le mécanisme d’ARN silencing est basé sur la détection d’ARN double brin (Gaffar and Koch 2019). Des ARN double brin sont souvent produits lors du cycle viral, que ce soit au cours de la réplication ou par la formation de structures secondaires dans l’ARN viral. Les virus à ARN sont donc principalement ciblés, bien que le silencing de virus à ADN possédant des intermédiaires de réplication ARN ait aussi été démontré (Covey and Al-Kaff 2000).

L’ARN viral double brin est reconnu par des protéines Dicer (Fig 10) (appelées Dicer-like [DCL] chez Arabidopsis thaliana) dont l’activité ribonucléase de classe III va générer des duplex de 21 à 24 nt, les short interfering RNA (siRNA). Les ARNs sont ensuite stabilisés à leur extrémité 3’ par des méthylations médiées par HUA Enhancer 1 (HEN1) (Boutet et al. 2003; Z. Yang et al. 2006). Un seul brin du duplex est incorporé dans un complexe ribonucléoprotéique, le RNA-induced silencing complex (RISC), où il servira de guide pour diriger le clivage des ARN viraux de manière séquence-spécifique (Kim, Maizel, and Chen 2014). L’autre brin sera dégradé. L’effecteur principal du complexe RISC est la protéine Argonaute (AGO) portant l’activité catalytique. En aval de l’action de la protéine AGO, une RdRp prend en charge les produits de clivage pour synthétiser de nouvelles molécules d’ARN double brin (Dalmay et al. 2000; Vaucheret, Mallory, and Bartel 2006). Ces ARN double brin néosynthétisés sont clivés à leur tour par les protéines DCL, ce qui donne naissance à une nouvelle population de siRNA, dénommés siRNA secondaires par opposition aux siRNA primaires initialement produits (fig 10). Ce processus de synthèse de nouveaux siRNA conduit à l’amplification du signal du RNA silencing. La reconnaissance de l’ARN ciblé par le complexe RISC peut également conduire à l’inhibition de la traduction de cet ARNm (Brodersen et al. 2008), mais cette activité n’a pas encore été signalée dans un processus antiviral.

Figure 10 : Mécanismes du silencing des ARN viraux chez Arabidopsis.

Le silencing des ARN est initié par la reconnaissance des ARN db viraux ou de structures secondaires dans l’ARN viral par des protéines de type Dicer (DCL2 / 3/4) chez Arabidopsis. Après méthylation par HEN1, les vsiRNAs sont chargés dans AGO1 / 2/4/5/7/10 formant un grand complexe de silencing induit par l'ARN (RISC) activé par HSP90, qui a probablement incorporé d'autres protéines à motif Glycine Tryptophane (GW/WG) contenant des interacteurs d’AGO. Ensuite, le RISC chargé de vsiRNA cible les ARN viraux en coupant l’ARN ou par inhibition de la traduction. Les vsiRNA secondaires sont produits dans une boucle d’amplification par l’action des ARN polymérases (RDR) et des cofacteurs (Suppressor of gene silencing SGS3 et Silencing Defective 5 SDE5) dépendants de l’ARN. Divers suppresseurs du silencing viraux (VSR) ciblent différentes étapes du silence antiviral, présenté ici pour Hc-Pro des Potyvirus et P25 (TGB1) des Potexvirus. Adaptée de (X. Zhang et al., 2015)

Le génome d' Arabidopsis thaliana, code pour 4 gène DCL (DCL1-4) (Bologna and Voinnet 2014), 10 membres d’Argonaute AGO (AGO1-10) (Mallory and Vaucheret 2010) et 6 RdRps (RDR1, 2, 3a, 3b, 3c et 6)(Wassenegger and Krczal 2006). Ces protéines ont des rôles partiellement redondants et se combinent les unes aux autres pour donner différentes classes de petits ARN et différentes sorties

effectrices des voies de silencing des ARN (Fig 10). La protéine DCL1

est responsable de la production de microRNA (miRNA), la voie post-transcriptionnelle régulant des gènes endogènes mais aucune activité dirigée contre les virus à ARN n’a été rapportée à ce jour, contrairement aux protéines DCL2, DCL3 et DCL4 qui génèrent les siRNA de 22nt, de 24nt et de 21nt respectivement (Chapman et al. 2004; Deleris et al. 2006). L’activité antivirale est principalement attribuée à DCL4, alors que DCL2 est une protéine de substitution en cas d’absence de DCL4. Des données montrent également la participation de DCL3 dans l’activité dirigée contre certains virus à ARN (Diaz-Pendon et al. 2007). Concernant les argonautes, AGO1 est l’acteur principal de la voie des miRNA, mais elle participe également de manière majoritaire à la voie antivirale du RNA silencing (X. S. Ding et al. 2004). L’activité de clivage endonucléasique n’a été démontrée jusqu’à présent que pour les protéines AGO1 et 4 (Vaucheret 2008). Par ailleurs, un rôle de substitution par la protéine AGO7 a été montré dans la défense contre le Turnip crinkle virus (TCV), en cas de déficience de la protéine AGO1 (Qu, Ye, and Morris 2008). Quant aux AGO 4 et 6, elles sont directement impliquées dans la méthylation de l’ADN et des histones.

L’ARN silencing a la capacité d’interférer également de façon systémique. En effet des études suggèrent que la molécule signal, probablement un siRNA est capable de se propager en systémie via les PD et le phloème : activée localement par l’introduction d’un virus, la séquence signal spécifique produite en réponse au pathogène va se propager vers l’ensemble de la plante, les prémunissant ainsi de l’infection à venir (Voinnet, Lederer, and Baulcombe 2000b).

VI-4. Suppression du silencing par les virus

Dans la bataille pour la survie, afin de contre-attaquer le mécanisme d’ARN silencing de nombreux virus de plantes produisent des protéines nommées « Viral Suppressor of RNA silencing » (VSR). Ces protéines suppriment le silencing de l'ARN à différents stades du mécanisme, et vont permettre aux virus d’envahir plus facilement la plante. La contre-attaque par les VSR peut être effectuée à quatre niveaux dans les voies du silencing : (1) liaison à l’ARNdb pour se protéger de l'activité de la DCL ; (2) dégradation ou séquestration des siRNA avant qu'ils ne se lient à leurs cibles complémentaires ; (3) inactivation des complexes RISC et protéines AGO ; et (4) limitation de la propagation systémique des facteurs du silencing (Wiezoreck et al 2014). A ce jour, chaque virus de plante code pour au moins un VSR, et ce, quel que soit la nature de son génome viral (ARN positif,

négatif ou double brin, ADN circulaire simple brin). Chez les Potexvirus, TGB1 (aussi

appelé P25), joue un double rôle dans la propagation intercellulaire et la suppression de silencing en tant que VSR. La protéine HcPro (Helper-Component proteinase) des Potyvirus, multifonctionnelle, est connue pour agir comme VSR, en plus de son rôle

clef dans la transmission par les pucerons ou encore la maturation de la polyprotéine

lors de la traduction.

La mutation ou l’élimination du suppresseur de silencing entraîne généralement une perte d’infectivité du virus muté correspondant. Par exemple, le TuMV dépourvu de HcPro ne peut plus infecter Arabidopsis; cependant, il retrouve son pouvoir infectieux chez un mutant d’Arabidopsis dont la voie de l’ARN silencing est altérée (Bhattacharjee et al. 2009). De plus, le phénomène de « guérison des symptômes » (symptom recovery) est étroitement associé à une augmentation du silencing de l'ARN et à un dysfonctionnement de l'activité de VSR ou la présence d’un VSR « faible » (Garcia-Ruiz et al. 2010).

Le RNA silencing pourrait donc être impliqué dans le déterminisme de la gamme d’hôte d’un virus. Un exemple illustrant ce point a été donné par Jaubert et al., 2011 avec le pathosystème PVX-Arabidopsis.

Bien que le PVX infecte plusieurs Solanacées, Arabidopsis est considérée comme une plante non hôte pour ce virus. Cependant, l’infection systémique du PVX chez Arabidopisis est rendue possible en cas de co-infection avec un tobravirus, le Pepper

Ringspot Virus (PepRSV). Le PepRSV code pour une VSR de 12 KDa qui est impliquée dans la suppression du silencing, qui permettrait l’infection par le PVX. De plus, le PVX est capable d’infecter le triple mutant dcl2 dcl3 dcl4, suggérant que l’ARN silencing serait à l’origine de la résistance non-hôte observée chez Arabidopsis. De manière cohérente la mutation d’AGO2 modifie la capacité du PVX à infecter Arabidopsis (Jaubert et al. 2011).

VI. 5- Défenses des plantes par la voie de l'autophagie

Face à ces suppresseurs de silencing, la plante organise une nouvelle fois sa contre défense. Les VSRs tels que HcPRO, la protéine 2B des cucumovrius ou BC1 des géminivirus semblent en effet être supprimés par autophagie (Haxim et al. 2017; Nakahara et al. 2012), inhibant de ce fait l’accumulation du virus. Dans un système de co-évolution, les virus des plantes peuvent exploiter les voies de l'ubiquitination et la dégradation ultérieure par le protéasome ainsi que de l'autophagie pour favoriser leur prolifération, en codant pour des protéines virales de type 'ubiquitine ligase’ ou des protéines adaptatrices moléculaires qui ciblent des facteurs de l'hôte spécifiques en vue de leur dégradation (Hafrén et al. 2018). Un grand nombre d'exemples de ce type ont été rapportés, dont récemment la PM du NSvc4 du Rice Stripe Virus (RSV). La NSvc4 interfère avec la S-acylation de la rémorine et induit sa dégradation autophagique pour faciliter l'infection par le virus (S. Fu et al. 2018).

Grâce à ces mécanismes de défense et contre défense mis en place par la plante et le virus successivement, une sorte de compromis épidémiologique entre le virus et son hôte peut apparaitre. Il permettrait à l’hôte de ne pas développer de symptômes trop sévères en conditions d’infection virale et de rester en « bonne forme » et au virus de ménager son hôte pour mener à bien son cycle d’infection.

INTRODUCTION- PARTIE II : LES REMORINES, PROTEINES