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IV Les Potyvirus

V. Le mouvement en systémie

V-1. De la feuille inoculée à la feuille systémique

Le transport de virus dans le phloème est une étape essentielle dans l'infection complète d'une plante hôte (Fig. 8). Après une première étape de réplication dans les premières cellules, les virus se propagent de cellule à cellule à travers des cellules du mésophylle jusqu'à atteindre le système vasculaire, où ils se déplacent rapidement vers des sites distants afin d'établir l'infection de la plante entière. Cette dernière étape est appelée transport systémique, ou mouvement à longue distance, et implique la traversée de plusieurs barrières cellulaires par le virus : gaine de faisceau, parenchyme vasculaire et cellules compagnes puis chargement du virus dans les tubes criblés du phloème (Sieve Elements, SE). On ne sait pas encore sous quelle forme (complexes RNP ou particules virales entières) circulent les virus en systémie (Hipper et al. 2013). Les entités virales sont transportées dans le flux de photo-assimilats dans le tube criblé du phloème, des sources vers les tissus-puits au niveau desquels ils sont déchargés (Voir figure 8). L'entité virale se charge dans les SE du phloème par l'intermédiaire de PD spécialisés appelé unités de pores plasmodesmiques (PPU) qui connectent les tubes criblés et des cellules compagnes (CC). Ces PPU sont constitués de plusieurs canaux du côté CC et d’un canal unique orienté vers le SE (Oparka and Turgeon 1999). Les PPU présentent une limite SEL plus élevée et sont donc plus permissifs que les PD entre les cellules du mésophylle, ce qui suggère que certaines macromolécules, telles que les protéines ou les ARN, peuvent diffuser vers le SE sans régulation spécifique (Oparka and Turgeon 2007; Stadler et al. 2005). Toutefois, une telle diffusion passive ne peut s’appliquer ni aux particules virales (icosaédriques ou filamenteuses), ni même aux complexes infectieux de RNP, formés par l’association du génome viral à des protéines cellulaires et / ou virales, car ils sont trop gros pour se déplacer librement à travers les PPU, suggérant l’implication des protéines hôtes ou virales impliquées dans le mouvement systémique. Plusieurs virus ou genres viraux ont été localisés dans les éléments conducteurs du xylème mais pour autant le mouvement systémique en tant que tel n’a pas encore été observé. Ainsi des virus comme par exemple le Soil-borne wheat mosaic virus (SBWMV) (Verchot et al. 2001) ou le Beet necrotic yellow vein

Figure 8 : Mouvement de cellule à cellule et à longue distance des virus dans les tissus végétaux. Après inoculation dans les cellules épidermiques ou du mésophylle, les virions sont désassemblés pour la traduction et la réplication du génome viral (1). Les protéines virales, parfois associées aux facteurs cellulaires, interagissent avec le génome viral pour former les complexes de transport (complexes de virions ou de RNP), permettant ainsi la circulation du virus d’une cellule à l’autre via les plasmodesmes (1). La réplication virale et le mouvement de cellule à cellule se poursuivent dans et entre les cellules de phloème nucléées, c'est-à-dire la gaine périvasculaire, le parenchyme vasculaire et les cellules compagnes (2). Ensuite, les complexes de transport (sous forme de virions ou de RNP) sont chargés dans le tube criblé du phloème pour un mouvement à longue distance (Sieve Elements) (2), avant d'être finalement libérés dans des tissus systémiques pour créer de nouveaux sites d'infection (3). Figure de (Hipper et al., 2013)

virus (BNYVV) (Kaufmann, Koenig, and Lesemann 1992) pénétrant dans leur hôte par les racines ont été localisés dans le xylème mais aussi dans le phloème.

Dans les plantes infectées par le TuMV, des coupes cryo-histologiques, suivies d'immuno-histolocalisation par microscopie confocale ont montré la présence de complexes de réplication associés aux membranes et induits par la protéine 6K2 dans tous les types cellulaires y compris les tissus vasculaires tels que les tubes criblés du phloème et dans les vaisseaux du xylème (Wan et al. 2015). Ces vésicules observées dans les vaisseaux du xylème rappellent celles du cytoplasme (Grangeon et al., 2013), qui contiennent des complexes de réplication virale et qui sont également les vecteurs du mouvement intracellulaire et intercellulaire de l' ARN viral. L'observation de la présence des facteurs d'initiation de la traduction de l'hôte eIFiso4E (C. Beauchemin and Laliberte 2007) dans de la sève de xylème infectée conforte l’idée selon laquelle les usines virales se retrouvent dans des tubes vasculaires. La présence d'usines virales dans le phloème et le xylème pourrait ne pas être limitée au TuMV : en effet des ARNv non encapsidés associés à des membranes ont également été observés chez des plantes infectées par le PVX (Wan et al. 2015).

Ces études indiquent que les usines de réplication virale peuvent se retrouver dans le phloème et le xylème, suggérant ainsi que la réplication virale et le mouvement à longue distance sont deux évènements étroitement liés. Cependant, l’inaccessibilité des tissus profondément enfouis, difficiles à atteindre, à manipuler et à étudier explique le manque de connaissances actuelles sur les mécanismes moléculaires mis en jeu dans la propagation systémique.

V. 2 Facteurs viraux et facteurs de l’hôte impliqués dans le mouvement systémique des Potexvirus et Potyvirus

La plupart des virus nécessitent la présence de la protéine de capside pour la circulation systémique à travers le phloème, sous forme de virions ou de complexes RNP. Ainsi, pour les Potyvirus, le domaine N-terminal de la CP (CP-N) s’est avéré être un déterminant de mouvement à longue distance (V. Decroocq et al. 2009). La localisation stratégique de la CP à la surface du virion leur permettrait d’interagir

avec les facteurs de l’hôte facilitant le mouvement des cellules de l’épiderme au phloème (Salánki et al. 2011). Pour les Potexvirus, la propagation systémique tout comme le mouvement intercellulaire nécessitent l’action conjointe de TGB1 et de la CP (Verchot-Lubicz et al. 2010a). La TGB1 est co-transportée le long du tube criblé du phloème avec les virions (ou le complexe CP-RNP). Par ailleurs, des expériences de trans-complémentation et de greffage ont pu également mettre en lumière l’implication de TGB3 dans le mouvement à longue distance (Lough et al. 2001). La délétion de TGB3 de l'Alternanthera mosaic virus AltMV conduit à la limitation de l’infection par ce virus à l’épiderme foliaire (Lim et al. 2010). La TGB3 permettrait ainsi le passage du Potexvirus entre l’épiderme et le mésophylle.

Les facteurs de l’hôte interagissant de manière positive sur le mouvement viral peuve nt avoir une action à différents niveaux. Ils peuvent être nécessaires au chargement ou au déchargement dans le phloème, être impliqués directement dans la formation ou la stabilisation du complexe viral. Ils peuvent également être recrutés par le virus pour se protéger contre les défenses de la plante.

Certains facteurs cellulaires facilitent aussi le mouvement systémique des Potyvirus, comme le gène nommé SHA3 pour résistance à la sharka qui, quand il est muté, réduit spécifiquement le mouvement systémique du PPV (Pagny et al. 2012).

V.3 Facteurs cellulaires inhibant le mouvement viral dans le phloème Pour les Potyvirus comme le Tobacco Etch Virus (TEV), le PPV ou le Lettuce Mosaic Virus (LMV), il existe une famille de gènes, les gènes RTM (Restricted TEV movement) codant notamment pour les protéines RTM1, RTM2 et RTM3, capables d’impacter négativement le mouvement systémique de ces Potyvirus (Cosson et al. 2012; Véronique Decroocq et al. 2006; Mahajan et al. 1998; Revers et al. 2003; Whitham, Yamamoto, and Carrington 1999). Les mécanismes moléculaires sous-jacents ne sont pas encore caractérisés.

Pour les Potexvirus : il a été montré l’implication d’une co-chaperonne, la « suppresseur d’allèle G1» (SGT1) nécessaire à la stabilisation des complexes protéiques dans le mouvement systémique des Potexvirus. En effet, la TGBp3 du PVX induit l'expression de SGT1 et des études ont montré une augmentation de

Small Glutamine- rich tetratricopeptide - suppresseur d’allèle G1 pour SGT1 (C. M. Ye et al. 2012). Une protéine hôte qui interagit avec la CP du PVX, la PVX CP-Interacting Protein 1 (NbPCIP1) a été identifiée par criblage d'une banque d'ADNc

de N.benthamianaà l'aide du système de double hybride de levure (M. R. Park et al.

2009). NbPCIP1 augmente la réplication et le mouvement du PVX dans les plantes de N.benthamiana.

VI Défense des plantes : la contre-attaque des plantes