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nationale et historique

3.3.1 Objectifs de l’analyse comparative et remarques sur la méthode

Le chercheur étant profondément influencé par sa propre culture, l’acte de la recherche portant sur des contextes culturels distincts l’amène à s’écarter du prisme à travers lequel il a l’habitude d’analyser le monde social. Le but de ce travail, qui est de comparer les modes de participation à la vie économique et sociale des descendants des immigrés en France et en Allemagne, me conduit inévitablement à exposer les fondements méthodologiques de la comparaison entreprise dans ce travail.

L’objectif typique de l’analyse comparative est d’identifier les causes conduisant à des

phénomènes ou résultats différents.1 C’est donc par le biais de l’analyse comparative poussée que

la continuité ou l’uniformité, assumée ou observée à un haut niveau de généralisation entre différents pays (deux au moins), qu’il est possible de découvrir la diversité considérable qui caractérise les cas et les phénomènes observés. Les processus généraux telles les mutations économiques ou les évolutions sur le marché du travail touchent en effet la plupart des pays dans

1

Cf. Charles C. Ragin, Constructing social research : the unity and diversity of method, Pine

le monde et il y a donc à première vue une convergence de ces processus et de leurs répercussions sur le monde social (chômage, rationalisation, différentiation sociale, pauvreté, insécurité de

l’emploi, etc.).1 Mais il suffit de regarder de plus près pour s’apercevoir que les mécanismes de

différentiation sociale sont différents d’un pays à l’autre puisque les modes d’organisation de l’Etat-providence mais aussi de régulation du marché du travail diffèrent d’un Etat à l’autre. Les effets nationaux, même s’ils s’inscrivent dans un processus économique global similaire, créent une configuration typiquement nationale aux répercussions spécifiques. C’est d’ailleurs sur cette

configuration des causes que Ragin met l’accent.2 Il s’agit donc dans l’analyse comparative de

comprendre et de montrer que le contexte, national dans ce travail, est le produit d’une imbrication d’éléments (institutionnels, historiques, politiques, économiques, culturels) et qu’il y a un lien de cause à effet entre la façon dont ces éléments dépendent les uns des autres et dont les acteurs agissent.

La démarche scientifique de comparaison des sociétés et de l’influence du contexte national sur les individus et les relations qu’ils entretiennent entre eux et avec le monde social peut être abordée selon trois approches. La première approche est l’approche fonctionnaliste. Elle est avant tout utilisée par les économistes et ne conçoit pas l’existence d’une interaction entre le cadre national (niveau macro) et la façon dont les acteurs agissent (niveau micro). Les différences qui apparaissent entre deux pays sont alors considérées comme marginales et n’étant pas forcément imputable au contexte. La deuxième approche, l’approche culturaliste, souligne en revanche la

forte influence de la culture nationale sur les phénomènes sociaux et l’action des individus.3 Dans

ce cas, les discontinuités observées sont le résultat de la culture nationale propre à chaque pays. Cette approche a un avantage néanmoins heuristique et permet de mieux comprendre les

phénomènes sociétaux.4 La troisième approche développée par Maurice, Sellier et Sylvestre5 est

celle de l’analyse sociétale. Cette approche conçoit chaque société comme un tout et met l’accent sur l’articulation entre les niveaux macro et micro. Le principe qui sous-tend l’analyse sociétale privilégie le lien social entre les acteurs et la société et permet de comparer un ensemble de phénomènes

« qui constituent dans leurs interdépendances des ‘cohérences’ nationales, propres à chaque pays. Le principe qui sous-tend l'analyse n'est pas ici la ‘rationalité’, ni la ‘culture

1

Cf. Duncan Gallie et Serge Paugam (eds.), Welfare regimes and the experience of unemployment

in Europe, Oxford, 2000.

2

Cf. Charles C. Ragin, Constructing social research, op. cit., p. 112.

3

Pour une analyse plus détaillée de ces approches voir Marc Maurice, « Méthode comparative et

analyse sociétale. Les implications théoriques des comparaisons internationales », Sociologie du

travail 2, 1989, p. 175-191.

4

Ibid., p. 181.

5

Cf. Marc Maurice, François Sellier et Jean-Jacques Silvestre, Politique d’éducation et

nationale’ ; mais plutôt le postulat de la construction des acteurs dans leur rapport à la

société. »1

L’approche sociétale se propose d’analyser l’influence des structurations institutionnelles sur les comportements des individus ainsi que la façon dont les individus participent à modifier ces structurations. L’approche de l’analyse sociétale semble être appropriée pour ce travail comparatif puisque l’analyse de l’intégration ou de la participation ne peut être réalisée sans prendre en compte les effets des structures économiques, sociales, politiques et institutionnelles spécifiques aux sociétés sur les opportunités des individus. De plus, il s’agit également d’analyser les rapports

sociaux qui constituent les « espaces » d'action des acteurs.2 En analysant par exemple les rapports

sociaux et intergroupes nés de l’histoire de l’immigration, propre à chaque pays, il est possible de découvrir dans quelle mesure la nature de la distance sociale influe sur les pratiques de démarcation et jouent par conséquent en faveur d’une reproduction des inégalités sociales. De plus, par leurs modes de participation sociale et politique, qui peuvent différer d’un pays à l’autre, les populations immigrées participent à changer la société, les représentations, la structure sociale, etc. Par ailleurs, je rejoins ici la thèse de Collet selon laquelle il est indispensable de recourir parallèlement à la méthode culturaliste de la comparaison afin de ne pas laisser de côté la dimension historique qui permet de « comprendre les survivances de conceptions politiques

nationales plus anciennes. »3 Une comparaison internationale se doit de rappeler les particularités

historiques propres à chaque nation. Ceci est d’autant plus important lorsqu’il s’agit du domaine de la sociologie de l’immigration étant donné qu’il n’est possible de comprendre comment les descendants des immigrés évoluent dans chaque société qu’en tenant compte des pratiques institutionnelles, symboliques et politiques de mise à distance sociale émanant de ce processus historique spécifiquement national.

Pour analyser les parcours des enfants d’immigrés et leur positionnement au sein du système d’inégalités sociales de la société d’accueil, l’approche adoptée dans ce travail est une approche

socio-structurelle qui tient compte de la structure d’opportunités.4 La structure d’opportunités est

1

Cf. Marc Maurice, « Méthode comparative et analyse sociétale... », op. cit., p. 182.

2

Pour Maurice, il existe une interdépendance entre les acteurs et l’espace qui se construisent conjointement. Cf. Marc Maurice, « Acteurs, règles et contexte : à propos des formes de la

régulation sociale et de leur mode de généralisation », Revue Française de Sociologie 35(4), 1994,

p. 645-658. Dans le contexte de l’immigration, il est possible cependant de dire ici que les acteurs privés de certains droits, notamment politiques dans le cas des étrangers extra-communautaires, ont de fait des possibilités limitées de construction de cet espace sociétal.

3

Cf. Beate Collet, Modes d’intégration nationale et mariage mixte en France et en Allemagne : à

propos d’un processus de construction de comparaison internationale, in Michel Lallement et Jan

Spurk (dir.), Stratégies de la comparaison internationale, CNRS Editions, Paris, 2003,

p. 233-247.

4

Le concept de structure d’opportunités renvoie à la théorie de la structure d’opportunités politiques développée par les sociologues qui étudient les mouvements sociaux. (Cf., en autres,

Sidney Tarrow, Power in movement : social movements, collective action, and politics, Cambridge

University Press, New York, 1994). L’environnement politique, les contraintes, les possibilités, les risques et les menaces sont autant d’éléments qui façonnent le cadre dans lequel l’action collective

définie par l’environnement social, économique, institutionnel et politique propre à chaque pays. Cette approche s’oppose en quelque sorte à une approche qui explique les variations des

« performances » par l’origine culturelle.1 L’approche socio-structurelle met donc l’accent sur les

variations institutionnelles et structurelles et sur leur effet sur les modes de participation des populations d’origine immigrée. Ce travail se propose donc de montrer quelles sont les variations nationales de ce contexte en analysant deux niveaux de régulation à l’intérieur de ce contexte : la régulation politique et institutionnelle nationale et la régulation économique nationale.

3.3.2 Déterminantes des modes de participation des

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