• Aucun résultat trouvé

Avant de passer à l’analyse empirique des modes de participation des descendants des immigrés en France et en Allemagne, quelques questions sur la méthodologie doivent être soulevées. Cette analyse étant centrée sur les descendants des immigrés, il s’agit de choisir une méthode adaptée

afin de les identifier dans les données exploitées.1 La tâche est plus difficile en ce qui concerne la

France qu’en ce qui concerne l’Allemagne. En effet, la majorité des descendants des immigrés ont acquis la nationalité française du fait de leur naissance sur le sol français alors que la majorité d’entre eux continue à avoir le statut d’étranger en Allemagne. L’histoire coloniale de la France « complique » également la tâche en France. Il est en effet difficile, dans les données françaises, de distinguer les enfants des rapatriés des enfants « d’immigrés d’origine étrangère ». Pourtant, Alba

et Silberman2 ont montré que ces deux groupes présentent des trajectoires d’incorporation assez

différentes et que le pays de naissance des parents peut, en particulier lorsqu’il s’agit d’identifier les immigrés originaires d’anciennes colonies, être un indicateur assez ambigu. Les rapatriés,

appelés les pieds noirs, dont la plupart sont venus d’Algérie mais aussi de Tunisie et du Maroc, ont

un niveau d’études plus élevé que les immigrés maghrébins et leurs enfants ne connaissent pas les « problèmes d’intégration » que connaissent beaucoup de jeunes issus de familles maghrébines. Pour identifier le plus précisément possible les descendants des immigrés dans les données françaises, des informations sur l’origine géographique des parents, et pour être encore plus précis, sur la nationalité de ces derniers à leur naissance sont nécessaires. Mais le manque d’informations relatives au passé migratoire des parents dans la statistique publique a pendant longtemps été un obstacle à la réalisation d’études quantitatives prenant pour objet les enfants des immigrés. Les enquêtes menées par l’Insee ne tiennent en effet pas toutes compte des éventuelles caractéristiques migratoires des individus. Seules certaines d’entre elles incluent des questions sur le lieu de

naissance des parents, l’année d’entrée en France, etc.3 L’Echantillon Démographique Permanent

(EDP) réalisé par l’INSEE contient par exemple ce type d’informations.4 Dans son travail sur ces

données, Richard regroupe dans la catégorie « enfants d’immigrés », les enfants dont le chef de

famille est étranger à la naissance.5 Tribalat quant à elle, a choisi une méthode différente. A partir

de l’enquête Mobilité Géographique et Insertion Sociale (MGIS), elle a construit deux indicateurs permettant d’identifier les « jeunes issus de l’immigration » : le premier étant le lieu de naissance

1

Pour une description des données exploitées, consulter l’annexe.

2

Cf. Richard Alba et Roxanne Silberman, 2002, « Decolonization, immigration and the social

origins of the second generation : the case of North Africans in France » International Migration

Review 36(4), p. 1169-1193.

3

Pour un aperçu des variables disponibles dans différentes enquêtes (la liste n’est pas exhaustive),

cf. Stéphanie Mas, Classifications ethniques et catégorisation de la mobilité professionnelle et

sociale, 8ème journée d’études Céreq, Marseille, 17 et 18 Mai 2001.

4

En France seulement moins de dix chercheurs exploitent actuellement l’EDP, voir là-dessus la

recommandation numéro 1 dans un rapport de la CNIL de cette année, cf. CNIL, Mesure de la

diversité et protection des données personnelles, Rapport présenté en séance plénière du 15 mai 2007.

5

Cf. Jean-Luc Richard, Partir ou rester ? Destinées des jeunes issus de l’immigration, PUF,

de l’enquêté et de ses parents, origine ethnique, et le second la langue maternelle, appartenance ethnique. Cette méthode de classification a d’ailleurs engendré un grand débat de fond dans le champ scientifique sur l’utilisation des catégories « ethniques ». Ainsi, l’ensemble des travaux sur le sujet en France montrent qu’il est indispensable, d’avoir au moins des informations sur le pays de naissance d’un des parents pour identifier les descendants d’immigrés dans les données. Les enquêtes utilisées dans ce travail pour le cas français, l’enquête « Histoire Familiale » (EHF) et

l’enquête « Histoire de Vie », contiennent cette information.1

Pour l’Allemagne, l’identification des descendants des immigrés est moins problématique d’un point de vue méthodologique. En raison de la législation sur l’acquisition de la nationalité qui fut en vigueur jusqu’en 2000, peu d’enfants d’immigrés sont devenus Allemands de naissance. C’est en 2000 seulement que des éléments du droit du sol ont été introduits dans la législation sur l’acquisition de la nationalité. Ainsi, les descendants d’immigrés sont soit de nationalité étrangère soit Allemands, et quand ils sont de nationalité allemande, ils le sont devenus majoritairement par acquisition. Il faut néanmoins prendre en compte les naturalisés puisque ceux-ci sont, en raison des critères de sélection pour la naturalisation (connaissance de la langue, emploi etc.), ceux qui sont les « mieux intégrés ». L’enquête du panel SOEP utilisée dans ce travail contient l’information sur la nationalité antérieure des naturalisés uniquement en 2002. C’est donc cette année du panel qui

est exploitée.2 Dans cette recherche, les descendants des immigrés sont ceux qui sont nés dans le

pays d’accueil mais qui ont un lien à l’immigration3 ou ceux qui ont immigré avant l’âge de 15

ans, i.e. alors qu’ils étaient encore mineurs. Par ailleurs, afin d’éviter les biais dus à l’âge, les analyses se rapportent, pour l’ensemble des groupes d’origine, aux jeunes adultes âgés de 18 à 40 ans.

Cette troisième partie comprend quatre chapitres. Le premier chapitre analyse les chances éducatives des natifs allemands et français et des descendants des immigrés, selon leur origine. Il a pour fin de montrer les effets de l’institution scolaire sur les chances de réussite des jeunes et sur la capacité des systèmes éducatifs respectifs à éradiquer ou à atténuer les effets de l’origine sociale et « immigrée ». Sont ensuite examinés les facteurs susceptibles d’expliquer les inégalités observées : importance de l’origine sociale, aspirations et pratiques institutionnelles discriminantes. Le second chapitre étudie la participation des descendants des immigrés aux marchés du travail respectifs et la place qu’ils occupent au sein de ces derniers. Les mutations du marché du travail, notamment la forte tertiarisation et la multiplication des emplois précaires, sont prises en compte dans cette analyse. Il

1

Les sources de données utilisées et la méthodologie sont présentées et décrites plus longuement dans l’annexe.

2

Ainsi, les données utilisées pour la comparaison ne se rapportent pas à la même année. Il s’agit de l’année 2002 pour l’Allemagne et de l’année 1999 pour la France en ce qui concerne l’enquête « Histoire Familiale » et 2003 en ce qui concerne l’enquête « Histoire de Vie ».

3

Soit du fait de l’immigration de leurs parents pour la France, soit parce qu’ils sont étrangers ou naturalisés Allemands pour l’Allemagne.

ressort des analyses empiriques deux types de mise à distance sociale qui sont abordés de manière théorique dans le troisième chapitre de cette partie. Ces processus de mise à distance sociale sont sous-tendus par des mécanismes institutionnels, économiques et symboliques qu’il s’agit alors d’étudier dans une perspective comparative. Enfin, le dernier chapitre est consacré d’une part à l’étude des formes d’appartenance des descendants des immigrés, d’une part au regard de leurs liens à différents types de communautés (communauté nationale, communauté d’origine, communauté locale) et, d’autre part, à leur lien de participation élective. Ceci permet de montrer que sur ces dimensions de la participation également, les descendants des immigrés turcs et maghrébins ont développé des liens différents aux différentes communautés. Ce chapitre se termine sur une approche des effets des expériences de discrimination et de l’insatisfaction à la fois sur l’intensité du lien de citoyenneté et sur la tendance au repli et à l’entre-soi.

7 Inégalités dans les systèmes éducatifs

Outline

Documents relatifs