Chapitre 5 – Méthodologie d’analyse des effets de la perception de sculptures,
I- Objectifs du protocole et questions générales 95
sculptures, œuvres d’art et design dans un jardin sur les processus
psychologiques de sujets Alzheimer
Le protocole de recherche JAZ ART est une trois thèses inscrites dans un programme de recherche global JAZ (Jardin AlZheimer). Elles ont toutes pour point commun d’être conduites au Centre Paul Spillmann de l’hôpital Saint-Julien et sont issues d’une étroite collaboration entre le Groupe de recherche sur les communications (GRC) du laboratoire InterPsy de l’Université de Lorraine et le CHRU de Nancy. Les recherches ont également toutes pour objectif général de circonscrire les potentiels thérapeutiques du jardin sur ses différents usagers (les patients, leurs proches et leurs soignants).
La présente étude emploie une méthode d’analyse pragmatico-dialogique et des évaluations psychométriques approchant la sphère cognitive (processus mnésiques, attentionnels, langagiers, d’évaluation esthétique), émotionnelle, affective et thymique des participants (groupe de personnes atteinte de la maladie d’Alzheimer et Témoins) dans différents environnements de soins.
L’étude associe une approche neuropsychologique et artistique opérationnalisée selon une méthode d’analyse des interactions langagières et non-langagières dans l’environnement de soins (jardin et bureau). L’impact de la contemplation d’œuvres d’art sur les processus cognitifs et psycho-comportementaux des participants est modélisé depuis dans les interactions sujet-expérimentatrice (psychologue) et leurs modes d’accomplissement dans un contexte singulier (intérieur et extérieur).
I-‐ Objectifs du protocole et questions générales
L’objectif principal de l’étude est d’évaluer les effets de la contemplation d’œuvres artistiques (art visuel et design) dans un jardin sur l’évolution des jugements artistiques et des processus mnésiques de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit de comparer après plusieurs promenades la reconnaissance des œuvres d’art et de design du jardin préalablement perçues, les appréciations et jugements artistiques, l’humeur, la motivation et les
connaissances temporo-spatiales de l’environnement actuel d’un groupe de sujets atteints de la maladie d’Alzheimer à un groupe de sujets contrôles sains. D’autres groupes ont été constitués pour des comparaisons intra-groupales : un groupe témoin, un groupe Alzheimer suivi en ambulatoire et un groupe Alzheimer hospitalisé durant leur participation.
La présente étude vise ainsi à circonscrire quelles caractéristiques des œuvres seraient plus profitables aux patients atteints de la maladie d’Alzheimer et à leur proche en terme de rappel mnémonique et d’appréciations artistiques notamment. Nous émettons l’hypothèse générale, au-delà de l’apport sensoriel fourni par les composants artistiques du jardin, que certaines de leurs caractéristiques spécifiques (de forme d’art, de représentation, de genre, de motif et de style) apportent des bénéfices cognitifs, thymiques et émotionnels dans un environnement riche sur le plan interactif et social.
Les objectifs secondaires à la recherche, au-delà d'une meilleure compréhension de la pathologie concernent les retombées d'ordre thérapeutique en terme de prises en soin éco- psychosociales des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées. Les finalités qui découleront de l’étude clinico-expérimentale seront d’adapter les approches éco-psychosociales de prise en soins pour les patients Alzheimer en créant des méthodes d’évaluation de :
i) l’efficacité thérapeutique d’un environnement végétalisé et de ses éléments
d’aménagements. Une telle étude permettra en effet d'aller au-delà d'une simple dénomination
de « jardin thérapeutique » en mettant en évidence, de manière écologique, son potentiel d'ordre sensoriel, psycho-comportemental, émotionnel et cognitif (Yzoard, 2015). Etablir des recommandations générales d’aménagement artistique des jardins dans l’objectif de pallier leur méconnaissance, représentent les retombées pratiques de l’étude.
ii) la perception d’une dimension artistique dans l’environnement de vie des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer. La méthode créée, contribuera au développement du concept en faveur d’une intégration d’une dimension artistique au design de tels jardins si cela s’avère profitable auxdites personnes sur le plan comportemental, cognitif et psycho-affectif. Enfin, la recherche vise à apporter des perspectives d’applications d’ateliers utilisant la contemplation d’œuvres d’art à des fins thérapeutiques.
La problématique de la recherche fait état de deux constats, l’un étant associé aux troubles cognitifs engendrés par la pathologie et l’autre, lié aux effets du jardin et de l’art sur les
relations sociales et les processus psychologiques. Le jardin et l'art, conjointement associés lors d’une situation sociale ne peuvent-ils pas être des vecteurs à l'étayage psychologique des malades d'Alzheimer contribuant à décupler les effets bénéfiques ? Quelle influence exerce la perception des caractéristiques spécifiques des œuvres artistiques et de design sur les processus mnésiques et affectifs des sujets de notre étude ? Quelles sont les préférences esthétiques dans le domaine de l’art des sujets atteints de la maladie d’Alzheimer et sont-elles stables dans le temps ?
La recherche s’articule ainsi autour de cinq hypothèses générales :
H1 : La contemplation d'œuvres d'art, intégrées dans un jardin, sollicite chez le sujet des compétences cognitives, notamment mnémoniques, et favorise l'expression d'émotions positives.
H2 : Ce sont certaines caractéristiques spécifiques des œuvres d’art et de design (de formes, de style, de genre...) et leurs aménagement particulier dans l’environnement du jardin qui apportent des bénéfices cognitifs et psycho-comportementaux.
H3 : L'exposition répétée dans le jardin favorise la reconnaissance et le rappel des éléments artistiques de l’environnement
H4 : La fréquentation du jardin apporte un soutien pour une inscription plus adaptée dans le contexte temporo-spatial actuel.
H5 : La mise en situation d'interactions éveille la mémoire du jugement partagé en situation d’interactions sociales et met en évidence la constance des appréciations esthétiques.