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I. Contexte, objectifs et démarche de l’étude

I.5. Objectifs et démarche de l’étude

Vis-à-vis des exigences de sûreté du réacteur, il est primordial que la gaine conserve une certaine résistance mécanique et une certaine ductilité résiduelles permettant de garantir son intégrité pendant et à l’issue d’un APRP. La gaine oxydée sous vapeur d’eau à HT est constituée de couches de zircone, de phase αZr(O) enrichie en oxygène et de phase (ex-)βZr. Il faut noter qu’à basse température, la couche de

zircone et celle de αZr(O) sont totalement fragiles macroscopiquement ; seule la couche ex-βZr peut, dans

certaines conditions, conserver une certaine ductilité résiduelle macroscopique (Cabrera Salcedo, 2012; Stern, 2007; Thieurmel, 2018). Ainsi, la résistance et la ductilité résiduelle de la gaine à la fin et après refroidissement/trempe sont principalement contrôlées par l’épaisseur résiduelle et le comportement

mécanique de la couche ex-βZr. Les propriétés mécaniques de cette couche dépendent de sa

microstructure et de sa composition chimique, en particulier de ses teneurs en oxygène et en hydrogène. En outre, selon la température depuis laquelle la trempe est effectuée et/ou de la vitesse de refroidissement avant la trempe, des phénomènes de ségrégations microchimiques (« partitioning ») lors du changement de phases allotropiques βZr → αZr interviennent et conduisent à des microstructures ex-

βZr hétérogènes présentant des propriétés particulières (Brachet et al., 2011; Nagase, 2012;

Vandenberghe et al., 2010). Enfin, le comportement mécanique du matériau dépend bien entendu de la température de sollicitation (Chosson et al., 2016; Stern et al., 2008; Turque et al., 2018).

Donc, la problématique posée est la suivante : quels sont les effets de l’hydrogène et de l’oxygène sur la

microstructure et le comportement mécanique de la structure (ex-)βZr pendant et à l’issue du

refroidissement et de la trempe depuis les HT, après que la gaine a subi les phases successives d’éclatement, d’oxydation à HT en vapeur d’eau et d’hydruration secondaire ?

Jusqu’à présent, les effets isolés de l’oxygène et de l’hydrogène sur les propriétés mécaniques et métallurgiques « à la trempe » et « post-trempe » de la gaine dans les conditions APRP ont été étudiés de manière approfondie. En particulier, via la mise en œuvre de « matériaux modèles » chargés en oxygène ou en hydrogène, les thèses réalisées au CEA en partenariat avec le Centre des Matériaux MINES ParisTech, comme celles de Stern (2007), Cabrera Salcedo (2012) et Chosson (2014) ont porté sur les effets de l’oxygène, et plus récemment celle de Turque (2016) a abordé les effets de fortes teneurs en hydrogène. À l’issue de ces travaux de thèse, nous disposons déjà de relativement bonnes connaissances sur les effets séparés des deux éléments, l’oxygène et l’hydrogène.

Par ailleurs, des études récentes réalisées au CEA, consistant en des essais APRP « segmentés » sur des gaines contenant de fortes teneurs en oxygène, jusqu’à plus de 1 %-mass., et de fortes teneurs en hydrogène, pouvant aller jusqu’à 3000 – 4000 ppm-mass., ont montré que l’hydrogène et l’oxygène pouvaient avoir des effets synergiques non additifs sur le durcissement de la phase ex-βZr (Brachet et al.,

2017). De plus, ces deux éléments possèdent des propriétés physiques très différentes et leurs effets couplés n’ont pas encore été investigués de manière systématique et approfondie. La Figure I.12 illustre par exemple le « partitioning » de l’oxygène et du fer (la répartition spatiale du fer est assez représentative de la répartition de l’hydrogène), à l’issue d’un refroidissement lent jusqu’à 800°C suivi d’une trempe, au sein d’un échantillon de gaine en Zy4 préhydrurée et oxydée pendant environ 1 min à 1200°C. La couche ex-βZr présente donc une microstructure « micro-composite » (Figure I.13).

I.5. Objectifs et démarche de l’étude 25

Figure I.12 : Cartographies X (EPMA, « Electron Probe Micro Analysis ») de l’oxygène (à gauche) et du fer (représentatif de l’hydrogène - à droite) au sein d’une gaine en Zy4 préhydrurée, oxydée 1 min

sous vapeur d’eau à 1200°C puis refroidie four coupé jusqu’à 800°C et trempée à l’eau (Vandenberghe et al., 2010)

Figure I.13 : Schéma de la microstructure micro-composite de la phase ex-βZr (hétérogène, du fait des

évolutions métallurgiques s’opérant au refroidissement depuis les HT) contenant des zones enrichies en oxygène et des zones enrichies en hydrogène (Brachet et al., 2013)

Les objectifs de la thèse, réalisée en partenariat avec EDF et Framatome, sont donc de compléter l’étude

des effets isolés de l’oxygène et de l’hydrogène (pour des teneurs allant jusqu’à des milliers de ppm- mass.) et d’évaluer leurs effets couplés sur les caractéristiques métallurgiques et le comportement mécanique de gaines en alliages de zirconium pendant et après refroidissement/trempe depuis les HT (domaine βZr), i.e. dans des conditions proches du scénario APRP. L’étude porte sur deux alliages : le Zircaloy-4 et le M5Framatome.

Dans un premier temps, il s’agissait d’élaborer des matériaux « modèles » chargés de manière homogène à différentes teneurs en oxygène et en hydrogène (jusqu’à plusieurs milliers de ppm-mass.), traités à HT. Dans un deuxième temps, les évolutions microstructurales s’opérant au sein de ces matériaux au cours du refroidissement depuis les HT (transformation de phases, précipitation des hydrures, ségrégation chimique) ont été caractérisées in-situ et post-facto par des techniques de caractérisation telles que la microscopie optique et électronique, la dilatométrie, la calorimétrie, la microsonde électronique, la microsonde nucléaire ou encore la diffraction de rayons X (DRX) et de neutrons. Les résultats ont été confrontés à des prévisions thermodynamiques, via la mise en œuvre de calculs Thermo-Calc® avec la

base de données thermodynamique « Zircobase », développée au CEA (Dupin et al., 1999) pour décrire les équilibres de phases dans les systèmes poly-constitués à base de zirconium.

Des essais mécaniques, notamment des essais de traction menés jusqu’à la rupture, ont également été effectués sur les échantillons chargés en oxygène et/ou en hydrogène, à différentes températures (entre 30 et 700°C typiquement) pendant et après le refroidissement depuis le domaine βZr. Les mécanismes

de déformation et les modes de rupture ont été examinés. Un premier essai de traction in-situ sous Microscope Électronique à Balayage (MEB) a été réalisé afin d’identifier à une échelle plus fine les mécanismes de déformation/rupture. Les propriétés mécaniques ont été ainsi mises en relation avec les caractéristiques métallurgiques.