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I. Contexte, objectifs et démarche de l’étude

I.4. Accident de perte du réfrigérant primaire

I.4.2. Hydruration secondaire

L’hydruration secondaire lors d’un transitoire APRP est un phénomène consistant en une prise d’hydrogène significative, en général rapide et hétérogène, pouvant atteindre quelques milliers de ppm- mass. localement, observée à l’issue de l’oxydation sous vapeur d’eau à HT de gaines pré-éclatées lors de la première phase du transitoire APRP. Les premières observations de ce phénomène ont été reportées par JAEA21 en 1981 pour des gaines en Zy4 vierges (Uetsuka et al., 1981) et en 1980 par ANL22 (Chung

and Kassner, 1980). Dès les premières recherches, Uetsuka et al. (Uetsuka et al., 1981; Uetsuka et al., 1982; Uetsuka et al., 1983) ont mis en lien le niveau d’oxydation ECR avec la concentration de l’hydrogène absorbée, traduite par les pics d’hydruration secondaire illustrés par exemple sur la Figure I.8. En effet, la concentration globale d’hydrogène absorbée lors de l’hydruration secondaire est d’autant plus importante que, pour une même durée d’oxydation, la température d’oxydation est élevée, en d’autres termes, que le taux d’oxydation global (ECR) est élevé. Ces observations sont en accord avec les études plus récentes menées par JAEA sur des gaines en Zy4 vierges et préhydrurées (Nagase and Fuketa, 2005) ainsi qu’au KIT23 (Grosse et al., 2018), au CEA (Brachet et al., 2017) et à EDF R&D

(Thieurmel, 2018).

La Figure I.9 représente le résultat de tests de type « intégral mono-crayon » réalisés sur des portions de crayons avec gaines en Zy2 (Zircaloy-2) irradiées et corrodées en réacteur (teneur en hydrogène d’à peu près 70 ppm-mass., avec une couche de zircone d’environ 10 µm d’épaisseur (Billone et al., 2008; Yan et al., 2005)). La présence de deux pics de concentration de l’hydrogène, allant jusqu’à plus de 3000 ppm-mass., est observée à quelques centimètres de la zone ballonnée/éclatée. De plus, la concentration maximale de l’hydrogène serait plus ou moins symétrique par rapport à la position axiale de l’éclatement, là où, du fait des conditions d’oxydation double-face et de l’amincissement de la gaine, l’ECR atteint son maximum, de l’ordre de 18% dans le cas particulier présenté.

20 À la fin du 1973 Hearing, les commissaires de l’AEC ont écrit : « …Our selection of the 2200°F limit results primarily from our belief that retention of ductility in the Zircaloy is the best guarantee of its remaining intact during the hypothetical LOCA… »

21 Japan Atomic Energy Agency, anciennement JAERI (Japan Atomic Energy Research Institute) 22 Argonne National Laboratory, United States

I.4. Accident de perte du réfrigérant primaire 21

Figure I.8 : Distribution des teneurs en hydrogène absorbées (ppm-mass.) par des gaines oxydées à différentes températures après l’éclatement (durée d’oxydation de 240s) (Uetsuka et al., 1981)

Figure I.9 : (a) Distributions axiales de l’hydrogène et de l’ECR mesurées à l’issue de tests de type APRP « intégral mono-crayon » réalisés sur des gaines en Zy2 irradiées : oxydation de 300s à 1204°C, refroidissement à 3°C/s jusqu’à 800°C suivi d’un refroidissement lent (four coupé) jusqu’à

l’ambiante (ICL#2) ou refroidissement rapide de 800°C à 460°C (ICL#3) ; micrographies représentant la zone de ballonnement / éclatement des gaines (b) ICL#2 et (c) ICL#3 (Billone et al.,

2008)

Des études récentes du CEA sur le sujet (Brachet et al., 2017) ont également permis d’observer le phénomène d’hydruration secondaire grâce à un protocole « segmenté » chaînant une étape de ballonnement/rupture et une étape d’oxydation/trempe, mais dans deux installations différentes, contrairement aux essais semi-intégraux réalisés à ANL, JAEA et récemment à EDF (Thieurmel, 2018). Les résultats des essais effectués sur des gaines en M5Framatome avec noyau interne en alumine, pour

simuler le volume interne de la gaine occupé par les pastilles de combustible, sont cohérents avec les observations faites par ANL (Billone et al., 2008; Yan et al., 2005) et avec les résultats de

neutronographies effectuées par le KIT sur des gaines issues des essais QUENCH-LOCA de type semi- intégral multi-crayons (Grosse et al., 2015; Stuckert et al., 2013). En effet, sur la Figure I.10 et en plus des gradients axiaux, on observe également des gradients azimutaux importants de la concentration en hydrogène. Ces gradients ont tendance à diminuer lorsque l’on se rapproche de l’éclatement. La teneur en hydrogène maximale est de l’ordre de 3000 – 3500 ppm-mass. localement. Un résultat important sur ces essais est aussi la mise en évidence d’une corrélation entre les teneurs locales en hydrogène et en oxygène (provenant de l’oxydation à la fois externe et interne de la gaine) que l’on peut expliquer par un effet thermodynamique, l’hydrogène augmentant la solubilité de l’oxygène dans la phase βZr.

Le mécanisme supposé être à l’origine du phénomène d’hydruration secondaire est illustré sur la Figure I.11. Au début du transitoire de type APRP, la gaine peut ballonner et éclater sous l’effet de l’élévation de la température et de la différence entre la pression interne et la pression externe. À ce stade, la vapeur d’eau peut pénétrer à l’intérieur de la gaine via la zone d’ouverture de l’éclatement et s’écouler dans l’espace entre le combustible et la surface interne de la gaine (dont la taille varie selon le niveau de déformation de la gaine (Grosse et al., 2013)). Alors exposée à de la vapeur d’eau à HT, la surface interne de la gaine s’oxyde au voisinage de l’éclatement selon la réaction chimique suivante (Grosse et al., 2015) :

2 2 2

2 2 4(1 ) absorbé

Zr+ H OZrO + xH + −x H Équation I.1

Cela se traduit par la formation d’une couche d’oxyde, par la production d’hydrogène gazeux H2 et

potentiellement par l’absorption d’hydrogène par le matériau. L’étude du CEA a montré une hétérogénéité de l’épaisseur de la couche d’oxyde interne le long du tube éclaté après avoir été exposé à des tests APRP de type semi-intégral (Brachet et al., 2017). En effet, près de l’éclatement, l’épaisseur de la couche d’oxyde formée par l’oxydation interne est comparable à celle formée en face externe. Elle est plus mince à quelques centimètres de l’éclatement. À l’intérieur de la gaine dans le jeu entre la pastille (noyau) et la gaine, au fur et à mesure de l’oxydation, la vapeur est de plus en plus enrichie en hydrogène gazeux. Lorsque l’on s’éloigne de la zone éclatée, le ratio entre la pression partielle de l’hydrogène et celle de la vapeur augmente jusqu’à atteindre une valeur critique pour laquelle l’hydrogène peut être absorbé rapidement et en grande quantité par la gaine selon la loi de Sievert qui sera détaillée plus tard dans ce manuscrit. Par la méthode de neutrographie in-situ, Grosse et al. ont montré que l’absorption d’hydrogène a lieu de manière très rapide au début du phénomène lorsque l’épaisseur de la couche d’oxyde est encore faible (Grosse et al., 2018). À titre d’exemple, à 1100 – 1300°C, la teneur en hydrogène absorbée atteint une valeur maximale après une dizaine de secondes puis décroît progressivement en t-1/8, où t est le temps d’oxydation(Grosse et al., 2018), ce qui est

cohérent avec le modèle de Veshchunov et Berdyshev (Veshchunov and Berdyshev, 1998). Cela pourrait être expliqué par le fait que la pénétration d’hydrogène serait empêchée après quelques secondes par la couche d’oxyde interne qui se serait formée (Stuckert et al., 2013), moins rapidement qu’en face externe du fait de l’appauvrissement en oxygène dans la vapeur. Par ailleurs, on pourrait imaginer que la diffusion de l’hydrogène serait plus rapide que celle de la vapeur d’eau dans le volume libre à l’intérieur de la gaine. En effet, à 1000°C, le coefficient de diffusion de l’hydrogène gazeux dans le krypton est estimé à 5,58 cm2/s, tandis que celui de la vapeur d’eau serait de 1,88 cm2/s (Stuckert et al., 2013)

(Cussler, 1997; Hirschfelder et al., 1954). Ceci expliquerait que l’hydrogène puisse atteindre plus rapidement la surface métallique non oxydée que la vapeur d’eau.

I.4. Accident de perte du réfrigérant primaire 23

Figure I.10 : Cartographies de l’hydrogène obtenues par µ-ERDA (« Micro Elastic Recoil Detection Analysis ») et de Zr obtenues par analyses PIXE (« Particle-Induced X-ray Emission ») des tronçons

issus des essais APRP « segmentés » effectués au CEA (Brachet et al., 2012)

Figure I.11 : Schéma représentatif de l’hydruration secondaire de la gaine éclatée et oxydée sous vapeur d’eau à HT (Turque et al., 2018)