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II. 4.2 « Partitioning » des éléments d’alliage

II.5. Effets de l’oxygène, de l’hydrogène et du scénario de refroidissement sur les propriétés

II.5.2. Influence de l’hydrogène

II.5.2.a. Aspects métallurgiques

L’hydrogène est un élément β-gène. D’un point de vue métallurgique, il a tendance à étendre le domaine d’existence en température de la phase βZr ou, autrement dit, à diminuer la température de transition αZr

/βZr. La Figure II.19 et la Figure II.20 représentent l’évolution en fonction de la teneur en hydrogène des

températures de transition αZr ↔αZr + βZr ↔ βZr du Zy4 durant le chauffage et le refroidissement en

conditions dynamiques (100°C/s), obtenue par dilatométrie, et en condition de quasi-équilibre (10°C/min), obtenue par calorimétrie. On observe que le transus inférieur est plus affecté par l’hydrogène que le transus supérieur. Par exemple, sur la Figure II.19, la température de transition αZr

↔ αZr + βZr diminue de manière quasi-linéaire depuis environ 800°C pour le Zy4 vierge à environ 650°C

pour le Zy4 préhydruré à 1000 ppm-mass..

Brachet et al. ont confirmé que la température de transition αZr ↔ αZr + βZr est plus faible dans des

conditions proches de l’équilibre pour le M5Framatome que pour le Zy4 (Brachet et al., 2002). En revanche,

en conditions dynamiques typiques de la première phase du transitoire APRP, avec une vitesse de chauffage comprise entre 10 à 200°C/s, la température de début de transformation de phases du M5Framatome est proche du celle de Zy4 (Brachet et al., 2002). Forgeron et al. ont supposé que cet effet de

la vitesse de chauffage sur la transformation de phases du M5Framatome est lié à la faible diffusivité

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Figure II.19 : Température de transition αZr ↔ βZr du Zy4 au cours du chauffage et du refroidissement

à 10°C/min en fonction de la teneur en hydrogène (essais de calorimétrie) (Brachet et al., 2002)

Figure II.20 : Température de transition αZr → βZr du Zy4 au cours du chauffage à 100°C/s en fonction

de la teneur en hydrogène (essais de dilatométrie) (Brachet et al., 2002)

Pshenichnikov et al. ont réalisé des analyses de DRX à température ambiante sur des tubes en Zy4 chargés à différentes teneurs en hydrogène, jusqu’à 4760 ppm-mass., à 627 – 827°C sous gaz d’argon hydrogéné puis refroidis à l’air à une vitesse de l’ordre de 5°C/s. En plus de la présence de pics relatifs aux hydrures γZrH en faible quantité, ils ont observé une augmentation de l’intensité des pics

correspondants aux hydrures δZrH2-x lorsque la teneur en hydrogène globale augmente (Pshenichnikov et

al., 2015a). Cela traduit une augmentation de la fraction d’hydrures précipités.

Turque (Turque, 2016) a réalisé des analyses de diffraction de neutrons in-situ en cours de refroidissement (~0,5°C/min) depuis 700°C sur des échantillons en Zy4 contenant environ 3000 ppm- mass. d’hydrogène. Des analyses en μ-ERDA et à la microsonde électronique à l’issue des expériences ont été également effectuées pour caractériser la distribution des éléments chimiques. Les résultats ont montré que :

− Le matériau contenant de telles teneurs en hydrogène est très majoritairement en phase βZr à

− Lors du refroidissement au-dessus de ~550°C, la phase βZr se transforme progressivement en

phase αZr, et un « partitioning » des éléments, de l’hydrogène et de l’oxygène notamment, se

produit entre les zones de phase αZr et de phase βZr.

− Une transformation « eutectoïde » βZr → αZr + δZrH2-x a été mise en évidence entre ~500 et 550°C.

− En dessous de cette température de transition, l’hydrogène précipite massivement sous la forme d’hydrures. Donc, différemment de ce qui est habituellement observé pour des teneurs en hydrogène inférieures à environ 1000 ppm-mass., les hydrures δZrH2-x précipitent essentiellement

via la transformation au « palier » eutectoïde.

− La précipitation des hydrures γZrH a été mise en évidence en-dessous d’environ 350°C, mais en

proportion beaucoup plus faible.

Par ailleurs, les résultats suggèrent qu’une certaine fraction d’hydrogène reste en solution solide en sursaturation dans la maille αZr après refroidissement, mais les auteurs indiquent que des investigations

supplémentaires seraient nécessaires pour le confirmer. Les résultats de Turque (Turque, 2016) semblent par ailleurs indiquer que les hydrures γZrH seraient également présents, à l’issue d’un refroidissement

depuis le domaine βZr, dans le cas des matériaux contenant moins d’hydrogène (quelques centaines de

ppm-mass.) mais cela reste à vérifier via des expériences dédiées.

En outre, une évolution des paramètres de maille de la phase αZr (hexagonale compacte) a été constatée

en fonction de la teneur moyenne en hydrogène (Pshenichnikov et al., 2015a; Turque, 2016) comme montré sur la Figure II.21. Une explication possible de cet effet serait qu’une partie importante de l’hydrogène ne se transforme pas en hydrures pendant le refroidissement rapide ; l’hydrogène restant en solution solide induirait alors l’effet de distorsion de la maille cristalline observée. Cependant les auteurs n’ont pas quantifié (ni a fortiori discuté) la part d’hydrogène non précipitée qui pourrait expliquer cet effet. Nous reviendrons sur ce point et cette question « ouverte » dans la suite de ce travail de thèse.

Figure II.21 : Évolution des paramètres de maille, a et c, de la phase αZr hexagonale compacte en

fonction de la teneur en hydrogène, à température ambiante (Pshenichnikov et al., 2015a)

II.5.2.b. Aspects mécaniques

D’un point de vue mécanique, l’hydrogène est connu pour son effet fragilisant « intrinsèque » sur les alliages de zirconium. Des études ont montré que l’hydrogène a un effet important sur la fragilisation et la rupture de la gaine en plus de l’effet de l’oxydation (Brachet et al., 2008; Kim et al., 2006; Nagase

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and Fuketa, 2005). En effet, lorsque la teneur locale en hydrogène dépasse 300 ppm-mass., le critère de l’ECR < 17% n’est plus assuré (Chung, 2005). Cependant, ces études restent focalisées sur les teneurs en hydrogène typiques de celles absorbées par la gaine en conditions nominales de fonctionnement ou un peu au-delà, jusqu’à 600 – 1000 ppm-mass.. Néanmoins, il existe quelques études récentes qui se sont intéressées à de plus fortes teneurs en hydrogène, par exemple (Turque et al., 2018), jusqu’à 3000 ppm-mass., ou (Pshenichnikov et al., 2015b; Pshenichnikov et al., 2015a) et (Stuckert et al., 2013). Au niveau macroscopique, Pshenichnikov et al. ont mis en évidence une perte de ductilité et une augmentation de la résistance mécanique à température ambiante du Zy4 après recuit à 627 – 927°C suivi d’un refroidissement à 5°C/s lorsque la teneur en hydrogène augmente de 722 ppm-mass. à 4850 ppm-mass. (Figure II.22) (Pshenichnikov et al., 2015a). De plus, les mêmes auteurs ont observé une rupture au cours du refroidissement à vitesse modérée et en l’absence de chargements mécaniques additionnels, de tubes fortement préhydrogénés à des teneurs supérieures à 15000 ppm-mass. à des températures supérieures à 827°C (Pshenichnikov et al., 2015a). Ce phénomène pourrait être expliqué par l’inhomogénéité de la répartition de l’hydrogène lors de la transformation de phases et l’expansion de volume lié à la formation massive des hydrures δZrH2-x intergranulaires.

Figure II.22 : Courbes contrainte-déformation du Zy4 contenant différentes teneurs en hydrogène, recuit à 727 °C puis refroidi à 5°C/s, testé en traction à température ambiante (Pshenichnikov et al.,

2015a)

Turque et al. (Turque et al., 2018) ont montré que l’effet de l’hydrogène, pour des teneurs de ~2000 – 3000 ppm-mass., sur le comportement mécanique de la structure (ex-)βZr (matériau « modèle » élaboré

à partir de tubes en Zy4) dépend fortement de la température de sollicitation (Figure II.23) :

− Au-dessous de 500°C, le matériau est fragilisé par l’hydrogène. Il devient macroscopiquement fragile à 135°C pour une teneur en hydrogène moyenne d’environ 2000 ppm-mass.. La température de transition ductile-fragile macroscopique est d’environ 350 – 400°C pour le matériau contenant environ 3000 ppm-mass. d’hydrogène en moyenne. À ces températures, l’hydrogène est en grande partie précipité sous la forme d’hydrures.

− L’effet de l’hydrogène sur la ductilité macroscopique diminue lorsque la température augmente. Il devient négligeable au-delà de 500°C. Cela est notamment lié au fait qu’au-dessus de ~550°C, l’hydrogène est en solution solide (principalement concentré dans la phase βZr).

Figure II.23 : Allongements plastiques à rupture en fonction de la température de sollicitation mesurés au refroidissement depuis 700°C, lors d’essais de traction réalisés sur matériaux « modèles »

(ex-)βZr élaborés à partir de tubes en Zy4 contenant différentes teneurs en hydrogène (jusqu’à

3200 ppm-mass.) (Turque et al., 2018)

L’effet fragilisant de l’hydrogène se manifeste aussi sur les faciès de rupture (Figure II.24) (Turque et al., 2018). Par exemple, après incursion dans le domaine βZr et avoir été testé à 135°C, le matériau non

préhydruré présente un faciès ductile à cupules alors que le matériau contenant 3000 ppm-mass. d’hydrogène présente globalement un faciès de type « fragile ». Néanmoins, bien que le comportement soit fragile d’un point de vue macroscopique, des zones de rupture ductile sont observées localement sur les faciès de rupture autour des zones de rupture fragile. Ce mode de rupture mixte est attribué à la microstructure ex-βZr des matériaux contenant de fortes teneurs en hydrogène refroidis depuis le

domaine de phase βZr, caractérisée par la présence de zones de phase αZr-proeutectoïde appauvries en

hydrogène (et enrichies en oxygène) et de zones transformées en phase αZr après la transition eutectoïde,

enrichies en hydrogène et appauvries en oxygène. Turque et al.(Turque et al., 2018) suggèrent que les zones ayant rompu de manière fragile sont celles qui contiennent le plus d’hydrogène (et le moins d’oxygène), mais cela mériterait d’être confirmé par des observations dédiées. Lorsqu’il est testé à 500°C et au-delà, le matériau fortement enrichi en hydrogène (jusqu’à environ 3000 ppm-mass.) affiche un faciès de rupture ductile.

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 0 100 200 300 400 500 600 700

Plastic

elon

gatio

n

at failu

re

(-

)

Temperature (°C) Non-hydrided 1710-2520 wt.ppm H 2875-3220 wt.ppm H Zy-4

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Figure II.24 : Effet fragilisant de l’hydrogène : faciès de rupture du Zy4 vierge (a), préhydruré à 2000 ppm-mass. (b) et à 3000 ppm-mass. (c), testés en traction à 135°C au cours du refroidissement après

incursion dans le domaine βZr (Turque et al., 2018)

À partir d’observations du mode de rupture au MEB et par EBSD, Pshenichnikov et al. (Pshenichnikov et al., 2015b) expliquent de la manière suivante la rupture à température ambiante du matériau contenant une forte teneur en hydrogène, en fonction de la température maximale vue par le matériau comme illustré sur la Figure II.25 :

− Lorsque le matériau est chargé en hydrogène à basse température, dans le domaine de la phase αZr, la précipitation des hydrures préférentiellement intergranulaires conduit à

l’appauvrissement en hydrogène de la matrice αZr qui conserverait une certaine ductilité lors de

la sollicitation mécanique. De plus, les hydrures δZrH2-x ayant un volume plus important que la

phase αZr, ils seraient soumis à un état de contraintes compressives. La formation des hydrures

aux joints de grains pourrait favoriser la formation d’un réseau de fissures préliminaires intergranulaires (Figure II.25 à droite). Ces phénomènes seraient à l’origine de la fragilisation du matériau.

− Lorsque l’hydrogénation est réalisée à des températures supérieures à la température de changement de phases du zirconium, l’hydrogène est concentré dans les dernières zones à se transformer en phase αZr au refroidissement. Ces zones rompent de manière fragile tandis que

les plaquettes longues et non connectées moins riches en hydrogène, s’étant transformées plus tôt en phase αZr lors du refroidissement, sont ductiles (Figure II.25 à gauche).

10 µm 10 µm

Figure II.25 : Mécanisme de rupture schématique du Zy4 fortement hydruré et traité thermiquement au-dessus (à gauche) et en-dessous (à droite) de la température de transformation de phases du zirconium (les hydrures et/ou les zones enrichies en hydrogène sont en jaune et la phase αZr est en

rouge) (Pshenichnikov et al., 2015b)