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Objectifs et contributions de l’étude

La présente étude vise à prolonger les travaux pionniers d’Euriat et Thélot (1995) en caractérisant, aussi précisément que possible, le recrutement des grandes écoles et l’évolution des inégalités d’accès à ces formations d’excellence depuis le milieu

des années 2000, en les comparant aux évolutions observées dans les autres com- posantes de l’enseignement supérieur.

Dans ce rapport, nous définissons les grandes écoles comme l’ensemble des éta- blissements d’enseignement supérieur qui sont classés par le ministère de l’Ensei- gnement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) dans l’une des ca- tégories suivantes : écoles d’ingénieurs, écoles de commerce, institut d’études poli- tiques (IEP), écoles normales supérieures (ENS) et autres écoles spécialisées13.

Par rapport aux travaux précédemment consacrés à l’évolution des inégalités d’accès aux grandes écoles, cette étude apporte plusieurs contributions importantes. D’une part, contrairement aux travaux antérieurs qui ont été menées à partir de données d’enquêtes ou de sources administratives parcellaires, les analyses pro- posées dans ce rapport s’appuient sur d’un ensemble de données de gestion quasi exhaustives et d’une très grande richesse. Ces données, nouvellement accessibles aux chercheurs, ont pu être appariées de manière à disposer d’informations pré- cises sur le profil socio-démographique des étudiants des grandes écoles (catégorie socio-professionnelle (PCS) des parents, origine géographique, statut de boursier) et sur leur trajectoires dans l’enseignement secondaire et supérieur (lycée d’origine, résultats au baccalauréat, parcours suivis dans l’enseignement supérieur).

Une seconde contribution importante de l’étude est qu’elle porte sur la quasi- totalité des grandes écoles recensées dans les données de gestion du ministère de l’Enseignement supérieur, alors que la plupart des travaux existants se sont limités, faute de données plus complètes, aux écoles les plus prestigieuses. Cet élargisse- ment du champ d’analyse permet non seulement de procéder à une analyse plus représentative de l’évolution du recrutement des grandes écoles, mais également de mieux tenir compte de l’hétérogénéité qui caractérise ces formations du point

13. Cette dernière catégorie regroupe l’École des hautes études en sciences sociales, l’École natio- nale des chartes, l’École nationale supérieure du paysage, l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, les écoles nationales vétérinaires, le Muséum national d’his- toire Naturelle et l’École pratique des hautes études

de vue de leur type de spécialisation, de leurs modalités de recrutement et de leur niveau de sélectivité.

Enfin, alors que la plupart des travaux antérieurs se sont concentrés sur une dimension unique des inégalités d’accès aux grandes écoles, ce rapport élargit la perspective en privilégiant une approche multidimensionnelle de ces inégalités : selon l’origine sociale, selon le genre, selon l’origine géographique ou encore selon le parcours scolaire antérieur des étudiants.

Méthodologie

Pour caractériser le recrutement des grandes écoles et son évolution depuis le milieu des années 2000, le rapport combine plusieurs approches méthodologiques. Dans un premier temps, l’étude propose en analyse en coupe transversale du re- crutement des classes préparatoires et des grandes écoles à partir des données ad- ministratives portant sur l’année universitaire 2016-2017, qui correspond à l’année la plus récente pour laquelle nous disposons de l’ensemble des données. Cette ap- proche vise à caractériser aussi précisément que possible le profil des étudiants ins- crits dans ces formations, en prenant appui sur des indicateurs quantitatifs construits à partir des informations relatives au genre, à l’origine sociale (PCS du leur res- ponsable légal), à l’origine géographique (lycée et département d’origine) et au parcours scolaire antérieur (série du baccalauréat et moyenne obtenue à l’examen, études suivies dans le premier cycle de l’enseignement supérieur) de ces étudiants. Le recrutement des classes préparatoires et des grandes écoles est analysé en fonc- tion du type de spécialisation de ces formations (ingénieurs, commerce, ENS, IEP, etc.) de leur niveau de sélectivité (mesuré à partir des résultats moyens obtenus par leurs étudiants au baccalauréat) et est comparé à celui des autres formations d’enseignement supérieur.

jectoires éducatives des élèves en fonction de leurs caractéristiques socio-démographiques et scolaires, depuis la classe de troisième jusqu’à la fin des études supérieures. Cette approche s’appuie sur le suivi des parcours effectués par la quasi-totalité des élèves qui étaient scolarisés en classe de troisième en 2005, et sur une analyse comparative des choix d’orientation à l’entrée dans le supérieur des élèves qui ont obtenu leur baccalauréat général en 2010. Cette perspective longitudinale permet de comparer finement les probabilités d’accès aux classes préparatoires et aux grandes écoles en fonction du milieu social des élèves, de leur origine géographique, de leur genre et de leur niveau de performance scolaire. Pour isoler la contribution spécifique de ces différents facteurs aux inégalités d’accès aux filières sélectives, nous mettons en œuvre une méthode statistique qui permet de décomposer les différences brutes de taux d’accès observés entre groupes d’individus en une part qui peut être « ex- pliquée » par les différences moyennes entre les caractéristiques observables de ces groupes (par exemple, leurs performances scolaires) et une part qui demeure « in- expliquée » par ces caractéristiques. Cette méthode est utilisée pour décomposer les écarts de taux d’accès aux classes préparatoires et aux grandes écoles selon trois di- mensions : entre élèves de PCS très favorisées et élèves de PCS défavorisées, entre filles et garçons, et entre élèves parisiens et élèves non franciliens.

Enfin, le rapport propose une analyse de l’évolution du recrutement des classes préparatoires grandes écoles depuis le milieu des années 2000 afin de valider – ou au contraire d’infirmer – l’hypothèse d’une ouverture sociale de ces établisse- ments et de préciser les contours de cette « démocratisation ». Ces évolutions sont comparées à celles observées dans les autres formations d’enseignement supérieur, selon les dimensions retenues dans l’analyse : le profil scolaire, la composition so- ciale, la répartition selon le genre et l’origine géographique des étudiants. Pour tenir compte de la déformation de la structure sociale et de la répartition géographique de la population au cours de la période 2006-2016, cette analyse est complétée par une mesure de l’évolution des inégalités d’accès aux classes préparatoires et aux

grandes écoles qui, dans le prolongement des travaux précédemment consacrés à cette question, s’appuie le calcul de rapports de chances relatives (odds ratio).