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Les principaux dispositifs d’ouverture sociale

1.1.3 à celle de l’enseignement supérieur

1.2.2 Les principaux dispositifs d’ouverture sociale

Plusieurs programmes d’ouverture sociale ont été mis en place à partir du début des années 2000 pour tenter de diversifier le recrutement des grandes écoles.

Un programme pionnier : les Conventions éducation prioritaire de Sciences Po. Face au constat du manque de diversité sociale de son recrutement, l’Institut 3. Benoît Floc’h, « Les grandes écoles opposées aux quotas de boursiers », Le Monde, 4 janvier 2010.

d’études politiques de Paris a été l’un premiers établissements d’enseignement supé- rieurs sélectifs à modifier son processus d’admission pour diversifier le profil social de ses étudiants, à travers la mise en place des Conventions éducation prioritaire (CEP). Lancé en 2001, ce dispositif crée une voie d’accès sélective spécifiquement destinée aux élèves issus des lycées partenaires relevant de l’éducation prioritaire. Vingt ans après sa création, une centaine de ces lycées ont signé des conventions avec l’IEP de Paris. Le programme s’articule en trois étapes, en amont et en aval du recrutement en école. Dans les lycées partenaires, les élèves bénéficient d’une préparation à l’examen d’entrée à Sciences Po, ainsi que d’une visite de l’école, de manière à réduire les asymétries d’information et les phénomènes d’autocen- sure qui participent aux inégalités sociales d’accès aux filières sélectives. Les élèves pré-sélectionnés par les lycées partenaires passent ensuite une épreuve spécifique d’admission à Sciences Po, qui consiste en un entretien oral visant à apprécier le potentiel et la motivation des candidats. Enfin, les candidats admis sont accompa- gnés dans le cadre de dispositifs de tutorat et de mentorat, et bénéficient d’une aide financière supplémentaire s’ils sont boursiers.

Au sein des grandes écoles, les CEP de Sciences Po restent aujourd’hui l’un des programmes d’égalité des chances les plus ambitieux dans la mesure où ces conventions mettent explicitement en œuvre une politique de discrimination po- sitive (Fernández-Vavrik et al., 2018). Depuis son lancement, ce programme n’a cependant concerné qu’un nombre relativement limité d’étudiants admis à l’IEP de Paris (une centaine par an sur des promotions de plus de 2 000 étudiants). Sous l’impulsion de ce programme, plusieurs instituts d’études politiques situés en dehors de Paris ont mis en place des dispositifs similaires, baptisés Programmes d’études intégrées. Ces derniers ne s’inscrivent pas cependant dans le cadre de partenariats avec des lycées mais ciblent plus généralement les élèves boursiers du secondaire et les futurs boursiers du supérieur. Ils consistent essentiellement en un accompa- gnement de ces élèves et, contrairement aux CEP de Sciences Po Paris, n’ont pas

mis en place de voies d’admission parallèle.

Un programme national : les Cordées de la réussite. Si les modalités de recrute- ment dans les grandes écoles n’ont guère changé depuis le milieu des années 2000, plusieurs programmes d’accompagnement et de partenariat ont cependant été mis en place dans le prolongement des recommandations formulées par l’Institut Mon- taigne.

Le programme « Les Cordées de la réussite », lancé en 2008, en est le plus emblé- matique. Inspiré du programme « Une Grande école : pourquoi pas moi ? » créé par l’ESSEC en 2002 (Van Zanten, 2010), et dans le cadre du programme « Dynamique Espoir Banlieues », les Cordées de la réussite sont un label visant à promouvoir l’égalité des chances par la collaboration entre les établissements du secondaire, du supérieur et le monde professionnel. Pilotés à l’échelle académique, les programmes labellisés « Cordées de la réussite » sont pour la plupart des dispositifs de tutorat destinés à accompagner des élèves scolarisés dans les établissements de l’éducation prioritaire. Dans ce cadre, l’établissement du supérieur désigné « tête de cordée » est en lien avec un ou plusieurs établissements « sources » (généralement des lycées de l’éducation prioritaire) et assure la coordination et la mise en œuvre du tutorat. Le programme est également couplé avec celui des « internats d’excellence », rési- dences étudiantes réservées aux élèves issus de milieux défavorisés et considérés comme ayant un fort potentiel scolaire (Behaghel et al., 2013, 2017, 2018).

Chaque année jusqu’en 2013, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances a publié une enquête de suivi des Cordées de la réussite. Dans sa dernière publication, l’Agence faisait état d’environ 341 programmes labellisés en France (Acsé, 2013). Un rapport qualitatif sur la généralisation du programme des Cordées de la réussite a par ailleurs été publié par l’Inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN-IGAENR, 2011). Ce rapport met en exergue les réus- sites mais aussi les « égarements ambigus » et les confusions au niveau du pilotage

du projet. En 2016, les Cordées de la réussite ont été couplées avec le dispositif des « parcours d’excellence » qui visait à créer des partenariats avec plus de 350 collèges de REP+ pour accompagner les élèves jusqu’à la terminale. Les deux dispositifs, qui ont été fusionnés en 2020, concernent chaque année environ 80 000 collégiens et lycéens4, soit moins de 1,5 % des élèves scolarisés dans le second degré.

Le Livre blanc des pratiques sur l’ouverture sociale. Sous l’impulsion de la Charte pour l’égalité des chances de 2005, la CGE s’est saisie de la question de la mixité sociale dans les grandes écoles, en créant une commission « Diversité » au sein de son organisation, elle-même subdivisée en trois groupes de travail : le pre- mier consacré à l’ouverture sociale, le second aux inégalités de genre et le troisième au handicap. Conformément aux objectifs définis par la Charte, cette commission s’est donné pour mission de recenser et d’analyser les actions mises en œuvre par les grandes écoles pour favoriser l’égalité des chances.

En 2010, la commission Diversité de la CGE a publié un livre blanc des pratiques d’ouverture sociale (CGE, 2010), qui dresse un état des lieux des dispositifs mis en place par les écoles membres de la conférence. Ce rapport est la première tentative de recensement et d’évaluation systématique des programmes d’ouverture sociale des grandes écoles. Dans l’esprit de la Charte de 2005 et des programmes mis en place depuis lors, l’accent est mis sur le rétablissement de l’égalité des chances. Le rapport de la CGE identifie plusieurs défaillances du système éducatif français : du fait de phénomènes d’autocensure, d’un défaut d’information ou par manque de ca- pital culturel et économique, la proportion d’étudiants issus des classes populaires dans les grandes écoles reste faible. La CGE insiste sur l’aspect économique de ce problème : si ces barrières empêchent les élèves d’exploiter au mieux leurs capaci- tés, la société se prive également de futures élites compétentes. Ainsi, si l’objectif à court terme est le rétablissement de l’égalité des chances, l’objectif à moyen terme

est bien la diversification et la circulation des élites.

Dans cette perspective, la CGE se donne quatre objectifs : « favoriser la diver-

sité des élèves », « favoriser la réussite des études de chacun », « favoriser l’insertion professionnelle de chacun » et « expérimenter de nouveaux fonctionnements qui, ayant prouvé par l’exemple qu’ils rétablissent une certaine égalité des chances, pourraient faire évoluer les pratiques de l’ensemble du système éducatif » (CGE, 2010). Le Livre

blanc des pratiques établit une liste des programmes en place et en dresse le bilan. Les auteurs insistent sur la nécessité de cibler de manière précise et circonscrite le public bénéficiaire. Cette sélection s’opère essentiellement sur la base de trois critères, désignés par un nombre défini d’indicateurs : un critère social (catégorie socio-professionnelle des parents ou statut de boursier sur critères sociaux), un cri- tère territorial et un critère plus évasif, résumé sous le terme de « minorité visible ». Au-delà de cette cible directe, l’environnement de l’élève bénéficiaire – qu’il s’agisse de sa famille, de ses proches, ou encore des élèves des collèges et lycées avoisinants – constitue une cible indirecte des programmes.

Le rapport s’appuie sur une enquête réalisée en avril 2010, à laquelle 51 % des grandes écoles membres de la CGE ont répondu. En dépit du taux élevé de non-réponse, les auteurs insistent sur la représentativité de l’échantillon à leur dis- position. Les programmes d’ouverture sociale recensés par la CGE (voir tableau 1.1) peuvent être classés selon la typologie suivante :

● Des programmes d’accompagnement en amont : il s’agit pour l’essentiel de dispositifs visant à accompagner les lycéens et les collégiens et à faire connaître les grandes écoles auprès d’un plus large public. Les programmes labellisés « Cordées de la réussite » entrent dans cette catégorie.

● Des changements dans les modalités recrutement des grandes écoles, à tra- vers la mise en place de procédures d’admission parallèle ou de nouvelles filières visant à diversifier le profil de leurs étudiants (apprentissage, double

diplômes, programmes « passeport », etc.)

● Des dispositifs d’accompagnement des étudiants inscrits dans les grandes écoles, en particulier les étudiants boursiers, qui proposent non seulement une aide matérielle et financière, mais également un soutien scolaire et psychologique. Ces dispositifs restent toutefois minoritaires.

TABLEAU 1.1 – Dispositifs d’ouverture sociale des grandes écoles recensés par la Conférence des grandes écoles en 2010

En amont « Une grande école : pourquoi pas moi ? », ESSEC, (2002) Trait d’Union Multicampus multiquartier, EM Lyon (2006) Mat’ les vacances, École polytechnique

Tremplin, École polytechnique, ENS, ENSAE et Telecom ParisTech Talens, ENS Ulm

Échanges Phocéensa, École Centrale de Marseille (2005)

Projet Mécatronique, ParisTech

École Ouverte – Acte d’entreprendre, Mines ParisTech (2005) OPTIM, les Arts et Métiers ParisTech

Prep, HEC (2007)

Cercle Passeport Telecoms, ENSEA VIASUP, Université de Toulouse « Course en Cours »a, ESSTIN (2007)

Les Jeudis de la Science, LaSalle Beauvais Recrutement Passeport pour l’entretien, INSA Lyon (2005)

Pilote de ligne, ENAC

Concours diversité ascension sociale/handicap, ESC Grenoble

Nouvelle filière : études par la voie de l’apprentissage, École Centrale de Paris Filière en apprentissage, Telecom ParisTech (2010)

Cap ESSEC, ESSEC

Programme de double diplôme, École centrale Paris, Supelec et Université Paris-Sud Double ascension, ESCP Europe

Accompagnement Convention diversité, INSA Lyon

Notes : Ce tableau recense les principaux dispositifs d’ouverture sociale mise en place par les grandes écoles en 2010. À

ces dispositifs s’ajoute les Conventions éducation prioritaire (CEP) de l’IEP Paris, qui sont absents de la liste du fait du rattachement tardif de l’institution à la Conférence des grandes écoles.

Source : Conférence des grandes écoles (2010).

aDispositifs rattachés depuis au programme « Cordées de la réussite ».

Depuis 2010, la commission Diversité de la CGE a publié en partenariat avec l’association Passeport Avenir, puis avec l’association Article 1, plusieurs rapports re- censant les différents programmes d’ouverture sociale mis en œuvre par les grandes écoles (CGE et Passeport Avenir, 2013, 2015 ; CGE et Article 1, 2019). Dans son der-

nier baromètre, la CGE indique que 52 % de ses établissements membres ont mis en place une structure dédiée à l’ouverture sociale. Elle fait également état d’un taux de boursiers de 27 % au sein de ses écoles membres et de 1 400 collégiens et ly- céens bénéficiant d’un programme de tutorat chaque année. Le baromètre ne donne cependant que peu d’information sur le profil social et l’origine géographique des étudiants des grandes écoles : si la CGE se félicite par exemple que 80 % des écoles recrutent dans 21 académies différentes, elle ne fournit pas d’indications précises sur la répartition, au sein de chaque catégorie d’école, des étudiants en fonction de leur académie d’origine.

Propositions récentes et nouvel élan de réforme. En octobre 2019, à l’occa-

sion de la réforme engagée sur les modalités de recrutement de la haute fonction publique, les directeurs des quatre écoles normales supérieures, de l’École poly- technique et des trois écoles de commerce HEC, ESSEC et ESCP Europe, ont remis à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation des propositions visant à accroître la proportion d’étudiants issus de milieux sociaux défavorisés au sein de leurs établissements. Dans le rapport remis par les écoles normales supérieures (Mézard et al., 2019), les directeurs des ENS proposent de mener des actions en partenariat avec les premiers cycles universitaires associés aux écoles et de modifier leurs concours d’entrée en octroyant des points de bonifi- cation à l’écrit aux candidats boursiers, qui pourraient être modulés selon l’échelon de bourse. Des actions en amont des grandes écoles, consistant à « repérer dès le

lycée, voire même le collège, des jeunes ayant le potentiel pour poursuivre des études à même de les amener à candidater dans les très grandes écoles », seraient également

mises en place. Le rapport remis à la ministre par l’École polytechnique (Labaye, 2019) propose, outre le développement des actions de tutorat et de soutien en di- rection des établissements partenaires, que les candidats boursiers conservent les points bonus octroyés aux étudiants qui passent le concours de l’École polytech-

nique pour la première fois (en « 3/2 »), même lorsque c’est la deuxième fois qu’ils passent le concours (en « 5/2 ») et de faire passer à 50 places la capacité de la filière de recrutement universitaire de l’École polytechnique. Le rapport remis par les directeurs des trois écoles de commerce (Bournois et al., 2019) préconise quant à lui de renforcer le dispositif des Cordées de la réussite et l’accompagnement des préparationnaires, de diversifier les épreuves à options des concours de manière à accroître la variété des profils, d’augmenter les effectifs recrutés à travers les voies d’admission parallèle et, enfin, de mettre en place un mécanisme de bonification au concours d’entrée en faveur des boursiers sur critères sociaux. Ces rapports ne proposent pas, en revanche, de modification substantielle des modalités de recru- tement des grandes écoles à travers, par exemple, la mise en place de dispositifs de discrimination positive tels que celui mis en œuvre par Sciences Po Paris à travers les Conventions éducation prioritaire ou l’instauration de quotas d’étudiants issus de milieux sociaux défavorisés.

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Revue de littérature sur l’évolution du recrute-