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Où et comment retracer les formations discursives

En effet, ce rapport s’est traduit en un dialogue franc – pas exempt de conflits - à cinq voix : épistémologique, théorique, méthodologique, analytique et « auctoriale ». Ce chapitre est donc le fruit de longues, fascinantes, et souvent conflictuelles discussions entre ces voix aguerries cherchant à s’innerver (jusqu’à l’écriture de ces lignes, même). Parfois cacophoniques, par moments dissonantes, cette chorale a été animée, en tout temps, par la recherche de la cohérence.

3.1. Où et comment retracer les formations discursives du jeune téléspectateur?

Comme affirmé précédemment au chapitre deux, dans l’approche foucaldienne à laquelle je souscris, l’enfant téléspectateur « loin d’être une donnée première, répond d’une construction historique par laquelle il est produit » (LeBlanc, 2006:120, citant Foucault, 2003). À l’instar de Foucault, j’ai postulé qu’une telle configuration historique est le résultat de « formations discursives », auxquelles participent, activement, des éléments multiples et de nature hétérogène, qui sont mutuellement reliés et dépendants du contexte. Comment situer l’analyse dans une telle perspective ? Où et comment retracer les formations discursives du jeune téléspectateur ?

L’image d’un rhizome, placée au début de ce chapitre comme mouvement d’ouverture au plan analytique, illustre la manière dont j’interprète ce processus de construction discursive et sociale de l’enfant téléspectateur, sans pour autant éluder sa complexité. En effet, si dans le chapitre deux j’ai eu recours à la métaphore d’un jeune téléspectateur dont la forme, alors perçue comme une entité compacte se fragmentait – ce qui a été décisif pour le théoriser comme une formation discursive - dans ce chapitre, je poursuis sa réarticulation.

Sans entrer pour l’instant dans une discussion détaillée sur la pertinence du choix de la métaphore du rhizome dans ce processus de réarticulation, que j’approfondirai par la suite2, je considère qu’elle prend tout son sens dans la proposition d’une méthode et d’une démarche d’analyse. J’explique alors la

2 J’approfondis par la suite le choix d’une démarche analytique par rhizome, notamment dans la section Sous la lentille du rhizome (Voir page 111 dans ce chapitre).

portée du rhizome, s’avérant un appareillage autant conceptuel qu’empirique pour illustrer que l’enfant téléspectateur ne peut être compris en dehors des rapports qui le construisent. Je me penche aussi sur les implications d’une approche rhizomatique dans l’étude des modalités de formation discursive de l’enfant téléspectateur du Chili « post-1990 ». Le rhizome me sera aussi utile pour construire, au fur et à mesure du parcours sur le terrain, une Archive de ces formations discursives, à partir de leurs traces laissées sur des documents. Archive qui m’amènera à comprendre, à terme, l’émergence de différentes figures du jeune téléspectateur dans le Chili « post-1990 ».

Les pages suivantes traitent précisément de la recherche et mise en place d’outils cohérents, et suffisamment flexibles pour analyser la confluence de ces rapports qui constituent l’enfant téléspectateur.

Ceci étant dit, et dans l’objectif de situer et de rendre compte ici de ladite démarche d’analyse, revenons à l’une des prémisses théoriques considérées dans le chapitre deux. Il s’agit notamment de l’action du « régime de savoir » dans une formation discursive, historiquement et culturellement ancrée. Je précise maintenant que ledit régime n’est qu’un, parmi plusieurs des éléments qui participent à la configuration sociale de l’enfant téléspectateur. Toutefois, je défends ici l’idée que le fait qu’il prenne part à cette construction, n’implique pas, dans la pratique, qu’il le fasse de manière englobante ou au détriment des autres composantes qui font « être » un « objet de vérité » (Foucault, 1969). Je veux dire par là, qu’au sens hiérarchique de leurs rapports singuliers ou de leur importance réciproque, les éléments constitutifs d’un objet social, en

l’occurrence de l’enfant téléspectateur, jouissent d’un même statut horizontal. Qui plus est, un tel point de vue implique de spécifier que ces différents éléments sont non seulement connectés, mais qu’ils s’entrecroisent. Ce qui m’intéresse c’est justement l’espace qui émerge dans leur articulation, s’avérant un univers en lui-même, et les relations constitutives de l’enfant téléspectateur entre ces éléments dans un tel espace.

Dans cette logique, il s’ensuit que l’élément « régime de vérité » produit bien des effets de réalité et d’objectivité sur le monde social. Qu’il teinte, dans une certaine mesure, la formation discursive des objets. Son action et ses effets ne peuvent, pour autant, être compris de manière indépendante des autres éléments qui interviennent dans la configuration de l’enfant téléspectateur. J’allais dire, dans sa « configuraction », pour souligner l’aspect dynamique qui me paraît être présent dans ce phénomène singulier de construction, aspect auquel j’accorde un intérêt particulier. Dans ce contexte, j’avance l’idée que ces éléments hétérogènes, qui en définitive sous-tendent les formations discursives de l’enfant téléspectateur, s’entrecroisent dans le temps et dans l’espace. C’est en ce sens qu’en plus d’un statut horizontal, j’accorde à ces éléments une condition de potentialité. Plus spécifiquement, ils renferment la capacité de devenir « compositeurs » de figures du jeune téléspectateur. C’est bien l’action conjointe de ces éléments, de par leur inscription et de par leur enchevêtrement dans un espace peuplé de flux discursifs de toutes sortes, qui explique l’émergence desdites figures.

Selon cette logique, ces agencements d’éléments de nature hétérogène (les formations discursives notamment), produisent constamment des figures hétéroclites d’enfant téléspectateur. C’est justement pour cette raison que ce dernier me semble être un construit discursif flexible et plastique; qu’il prend corps, sous différentes formes; que ses figures émergent, dans des lieux multiples; que sa construction est mobile, et dispersée en toutes directions. Bref, que la formation discursive est, en effet, un plan actif de construction d’objets du monde social, une « hétérotopie ou espace autre », dont nous parlait Foucault (1984) dans le chapitre précédent.

Pourtant, à bien y regarder il reste que ces réflexions et postulats auxquels je viens de me référer, demeurent jusqu’ici en circulation sur un plan abstrait. En d’autres mots, assigner aux formations discursives la capacité d’expliquer la configuration sociale de l’enfant téléspectateur au plan théorique, (et de manière simultanée, l’émergence de multiples figures de vérité sur celui- ci), ne me suffit pas. Ce qui m’intéresse à présent, c’est d’essayer de traduire ces postulats, et avec eux le point de vue épistémologique m’ayant permis jusqu’ici de réfléchir autrement à l’enfant téléspectateur, cette fois-ci aux plans méthodologique et analytique. Je retiens notamment comme fil conducteur de cette traduction aux plans du « où » et du « comment » retracer l’enfant téléspectateur, l’aspect constitutif de « réalité » du discours. Bien sûr, il me faudra alors rendre compte de ce fil conducteur dans ma démarche empirique, c’est-à-dire le rendre concret.

Je disais au début de ce chapitre que chercher à faire dialoguer des postulats théoriques avec le plan empirique, et rendre cohérent l’ensemble, a été dans mon cas un défi à ne pas mésestimer. Il est nécessaire de faire quelques remarques sur les enjeux que cela représente. D’abord, j’ai compris qu’il ne s’agissait pas de privilégier, a priori, une méthodologie préexistante sur une autre (que l’on pense à une procédure ayant démontré sa pertinence, ou encore des avantages par rapport à une autre). Cela aurait été équivalent à suivre une logique prescriptive de recherche, logique qui à mon sens comprend les méthodologies comme étant des techniques et démarches « prêt-à-porter »3, et à laquelle je ne souscris plus.

En d’autres termes, et tel que Meunier (2007) pense la recherche, comme un espace de « relationnalité », peuplé d’éléments co-constitutifs de différente nature - s’inspirant notamment de Hennion et Grenier (2000) – « rien n’est « donné » et l’action de mettre en relation transforme du même coup ces objets et ces sujets par rapport à ce qu’ils étaient avant leur mise en relation » (p.325). Comme Wolf (2002) et Durham (2006) le rappellent pour Raymond Williams (1983), cela revient à dire que la théorie est « [a]lways in active relation to practice: an interaction between things done, things observed and (systematic)

3 Quand j’emploie ici l’expression d’une méthodologie « prêt-à-porter », je me réfère à l’adoption d’une posture et à certaines pratiques de recherche que j’ai observées, et même pratiquées auparavant. Il s’agit de celles qui envisagent la recherche comme un processus cloisonné, c’est-à-dire qui passe par plusieurs étapes successives et suit une trajectoire linéaire. Bien sûr, dans une logique de recherche « prêt-à-porter », la méthodologie peut être considérée comme une étape relativement indépendante de la problématique de recherche, des présupposés théoriques avancés préalablement sur les objets d’étude, et même de l’étape de l’écriture. Dans cette optique le « prêt-à-porter » renvoie à mon sens à l’idée d’une matrice transposable, répétitive même, d’une recherche à une autre, d’un objet à un autre, d’un contexte à un autre, d’un temps à un autre.

explanation of these » (Wolf, 2002: p.v). Dans cet esprit, Meunier ajoute que c’est au moyen d’une communication réflexive de la part des chercheurs, par des allers-retours continus entre le terrain et la théorie, que l’on construit peu à peu les outils analytiques propices à nos recherches et que l’objet d’étude se façonne (Meunier 2002, 2007).

Ensuite, je remarque que surgit le problème de me positionner méthodologiquement par rapport aux conséquences tant théoriques que pratiques d’une démarche se voulant réflexive. Dans cette même optique, Graham (2005:3) s’appuie sur Ball (1995:269) pour noter que dans les approches d’analyse de discours associées à une « poststructural sensibility », « a theorizing (…) rests upon complexity, uncertainty and doubt and upon a reflexivity about its own production and its claims to knowledge about the social ». Graham s’intéresse notamment à la manière non-prescriptive dont Foucault envisage la méthode dans l’analyse de discours. D’après l’auteure, la réflexivité, la flexibilité et la non-prescription foucaldienne constituent des avantages. Néanmoins, cela ne justifie pas, notamment de la part des chercheurs, une ambiguïté « to the point of being unwilling to make an intellectual commitment in outlining methodological possibilities. » (p.2). En effet, le risque d’évacuer cet enjeu a été ici l’un des défis à relever.

Théoriser et analyser la formation discursive de l’enfant téléspectateur implique, d’autre part, qu’en tant que chercheuse je sois partie prenante du processus. Il s’agit bien d’une situation qui « ouvre un champ d’expérience où le

sujet et l’objet ne sont constitués l’un et l’autre que sous certaines conditions simultanées, mais où ils ne cessent pas de se modifier l’un par rapport à l’autre, et donc de modifier ce champ d’expérience lui-même. » (Leblanc 2006:6)4. Consciente de cette double influence sur mon objet, c’est justement par un souci de cohérence que j’ai recherché une démarche capable de rendre compte au moins des différents aspects que je viens de noter. J’entends par double influence, d’une part les retombées concrètes de mon point de vue sur l’objet de recherche, et d’autre part, le fait que, pour reprendre Latour (1989), cité précédemment dans le chapitre deux, le monde social et le monde de la science sont indissociables. Comme le souligne Meunier (2002: 79-80), s’appuyant sur Berg (1995) et Pirès (1997), les outils ou méthodes ne sont pas perçus comme des simples instruments techniques athéoriques : « Les choix ont une incidence directe sur ce que le chercheur retiendra comme matériau pour son analyse. Ainsi, théorie, méthodes et terrain s’informent mutuellement et sont le fruit de la construction du chercheur ».

Par conséquence, ce défi de traduction de mes postulats épistémologiques et théoriques au plan empirique, a généré, avant tout, un

4 C’est-à-dire que le travail de recherche comporte toujours une approche personnelle, qui est elle même déjà de la recherche (Fabre et Gardiès, 2008). Ce point d’inflexion est fort intéressant pour moi, du fait qu’il renvoie, entre autres, aux tensions que l’on éprouve lorsque l’on pense que l’on peut apparaître détaché de ce que l’on observe dans une posture objective. Ou, au contraire, lorsque nous ne questionnons pas ce que la « sensibilité post-structurelle » à laquelle se réfère Graham (2005) implique dans notre rapport à l’objet. Mieux expliqué par Van Zoonen (1994), l’enjeu est bien plus complexe que le dualisme objectivité-subjectivité que je viens d’évoquer. Il s’agit plutôt d’« understanding science as socially constructed, as situated knowledge, grounded in the social experiences of its practitioners which are traversed by the contradictory claims of being a scientist, black, woman, feminist, socialist, etc. » (p.15).

ensemble de questions. Mutuellement reliées, ces interrogations ont fait l’objet d’un mouvement constant, peuplé d’allers-retours réflexifs, entre la théorie et les pratiques méthodologiques et de terrain. C’est lorsque je me suis appropriée la métaphore du rhizome et que j’ai pu la prolonger aux plans méthodologique et analytique, que j’ai pu les aborder comme un ensemble de questions relativement stable et accepter cette « oscillation d’allers-retours » comme nécessaire (Meunier, 2002). Ceci étant dit, les interrogations de ma chorale (composée des voix épistémologique, théorique, méthodologique et « auctoriale » ont été les suivantes:

- Où et comment saisir les formations discursives de l’enfant téléspectateur du Chili post-1990 ?

- Comment s’y prendre pour rendre compte de leur singularité, d’après leur ancrage culturel et historique ?

- Qu’en est-il de la multiplicité d’éléments qui s’amalgament dans une action « constitutive » de ce genre et de ces éléments en tant que tels ?

- De quelle manière « saisir » le mouvement ou parcourir le flux qui articule ces éléments dans le temps et dans l’espace, et qui les rend « compositeurs » de l’enfant téléspectateur ?

- Comment me servir du principe de « plasticité » que j’accorde à la formation discursive, afin de parcourir les processus de

configuraction, s’imbriquant dans des figures diverses de jeune téléspectateur, de manière ni hiérarchique ni linéaire ?

- Quel est le champ de matérialité de la formation discursive ? - Quels sont ses lieux d’inscription et ses moments d’émergence ? - Quel genre de traces une formation discursive laisse-t-elle ?

- Comment reconstruire une formation discursive et avec quel matériau ?

- Comment colliger des traces et construire une archive « significative » ?

3.2. Relever le défi de « saisir » et de « parcourir » les formations discursives

Mon propos de rendre explicite les postulats théoriques vient davantage s’aligner dans la perspective proposée par Foucault (1969). Celle-ci renvoie précisément à surmonter le défi de « saisir » les formations discursives des objets du présent, dans le contexte de leur émergence. À cet égard, il suggère de rapporter ces objets « à l’ensemble des règles qui permettent de les former comme objets d’un discours et constituent ainsi leurs conditions d’apparition historique » (p.69). Quand on décrit la formation des objets d’un discours, poursuit-il et je le paraphrase, on essaie de repérer les mises en relations caractérisant une pratique discursive (p.70).

Bien que cette approche, puisée dans son Archéologie du savoir ait inspiré ma démarche, l’emphase analytique n’est pas mise ici sur la recherche explicite des « règles de formation », mais davantage sur le repère des « mises en relation d’éléments » dont il parle, et sur ce que leur interrelation produit au quotidien. Dans mon cas, cette production renvoie aux figures d’enfant téléspectateur. C’est justement à ce sujet que la métaphore du rhizome, sur laquelle je reviendrai dans la section suivante, m’est si éloquente. En effet, c’est grâce à elle que j’ai pu me concentrer plutôt sur le suivi de l’intersection, « sur le terrain », des différents éléments hétérogènes qui participent au façonnement discursif du jeune téléspectateur du Chili « post-1990 ». J’ai tenté de faire l’interprétation de la rencontre de ces éléments, et des différentes modalités de formation discursive qu’ils articulent.

J’ai souhaité aussi montrer que leur rencontre met en mouvement un processus de construction discursive. J’ai voulu aussi illustrer les différentes figures d’enfant téléspectateur que je présuppose émergentes, dans ces agencements singuliers. Or, quels sont lesdits éléments auxquels je me réfère tant, sans pour autant en parler ?

3.2.1. Éléments participant aux formations discursives

Comme le souligne Foucault (1969), il est possible d’analyser une formation discursive, notamment en parvenant à décrire « le type de positivité

d’un discours » (1969:172). Il entend par là « un espace limité de communication, […] espace relativement restreint, puisqu’il est loin d’avoir l’ampleur d’une science prise dans tout son devenir historique, […] qui joue le rôle d’un a priori historique. » (173:174).

De ce fait, la positivité d’un discours implique pour lui la mesure selon laquelle nous parlons au quotidien « de la même chose », en se plaçant au « même niveau », ou « à la même distance », en déployant « le même champ conceptuel », en s’opposant sur le « même champ de bataille » (p.172). À mon sens l’auteur nous renvoie ici au régime de vérité et de savoir, mais dans mon cas, c’est plus que de cela qu’il s’agit. Plus spécifiquement, je m’appuie sur sa citation et je la prolonge pour penser à l’espace où l’enfant téléspectateur est en construction discursive permanente.

C’est justement dans cet espace de communication qu’entrevoit Foucault (et qui dans cette thèse correspond à la formation discursive), où il me semble, s’articulent les éléments de nature hétérogène et compositeurs de réalité qui m’intéressent ; entre autres le régime de vérité ou de savoir. C’est précisément leur imbrication, ce qui nous fait parler quotidiennement « d’enfant téléspectateur », ouvrir les portes à différents champs d’action et de pratiques à son égard, et même ce qui nous amène à livrer maintes batailles en son nom. Dans cet esprit, j’ai déjà traité du régime de savoir comme de l’un de ses éléments constitutifs de vérité (Voir chapitre deux). Ce faisant, mon propos n’était pas de le démarquer par rapport aux autres composantes qui participent à

la formation de l’enfant téléspectateur, mais justement de souligner maintenant le statut horizontal qu’ils partagent désormais d’un point de vue analytique.

Aux réflexions précédentes sur cet espace, j’ajoute qu’il est évident qu’on ne peut décrire, pas même rendre compte sans doute, de l’univers d’éléments qui me semblent participer à la formation discursive d’un objet social de vérité. D’ailleurs, la complexité, sceau intrinsèque du phénomène auquel j’ai affaire, est l’une des prémisses à la base de cette thèse, qu’il ne s’agit pas de combattre mais d’accepter. Dans ce sens, autant la multiplicité que l’hétérogénéité s’ajoutent en tant que prémisses sous-jacentes, notamment aux éléments compositeurs de l’enfant téléspectateur. Cela dit, cette étude n’a pas la prétention d’être exhaustive ou de cerner les formations discursives. C’est justement ce qui explique pourquoi, dans ce chapitre, je mets entre guillemet le verbe « saisir ». J’évoque ainsi l’immensité du « terrain-temps-espace » d’analyse : la formation discursive de l’enfant téléspectateur dans le Chili « post-1990 ». Je souhaite surtout souligner la complexité de la formation discursive en tant que telle, indépendamment de celle qu’implique son ancrage historique et culturel.

Ainsi, alors que j’envisage de retracer les modalités de la formation discursive et les figures d’enfant téléspectateur qui émergent dans le terrain mouvant de sa configuration, je ne vise pas à les inventorier puis à les classifier. Penser ces modalités et ces figures comme étant équivalentes à des « règles », « procédures », « catégories » ou à « des modèles », supposerait qu’on les

envisage préexistantes. Au contraire, je postule qu’elles ne peuvent être extraites de leur propre ancrage culturel et historique, ni de leur mouvement, au sein de ce contexte. Cela dit, le discours dont l’enfant téléspectateur fait l’objet ne peut pas être capturé ou fixé (que l’on pense à prendre une photo de celui-ci par exemple, ou à en découper une partie). En effet, d’après mes prémisses il est impossible de penser l’enfant téléspectateur comme étant un construit discursif imperméable aux agencements même qui façonnent son émergence. En effet, et tel que le propose Van Zoonen (1994) à l’instar de Corner (1991), « ‘culture’ concerns ‘the conditions and the forms in which meaning and value are structured and articulated within a society (Corner, 1991:131) ». Ainsi, le défi