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Chapitre 7 – Observations sur les manuels analysés

7.2. Le noyau conceptuel

7.2.1 Les objectifs d’apprentissage

À la lumière des informations données dans le tableau de la page suivante, on remarquera qu’en règle générale les auteurs exposent l’objectif principal de l’ouvrage sans toutefois employer le terme objectif pour en structurer le contenu ou expliciter les objectifs généraux visés dans l’enseignement. Les deux exceptions à la règle sont Chartier (2000) et Delisle (2003). La table des matières des manuels met toutefois en évidence la structure de l’enseignement, et peut constituer une liste d’objectifs généraux et spécifiques implicites dans le sens où il existe une progression évidente dans les sujets abordés par les auteurs. Une séquence d’enseignement qui débute par la recherche documentaire pour se poursuivre avec la méthodologie et les difficultés de traduction et se terminer sur un recueil de textes, par exemple, traduit bien cette progression. À notre avis, c’est dans ce sens que Delisle a voulu dire que des manuels comme ceux de Rouleau (1994, 2001) pouvaient se ranger dans la catégorie appelée l’enseignement par objectifs d’apprentissage.

Tableau XIX. Les objectifs d’apprentissage chez les auteurs des six manuels

Rouleau 1994

4 premières parties évoquent des objectifs généraux : 1) se documenter; 2) démarche à suivre (méthodologie); 3) compétences requises; 4) difficultés de la traduction médicale

Chartier 2000

3 objectifs généraux (énoncés et formulés du point de vue de l’enseignant) : 1) Amener l’étudiant à prendre conscience de la spécificité du texte journalistique; 2) Faire acquérir à l’étudiant un minimum d’automatismes fondamentaux pour produire des traductions idiomatiques de textes journalistiques; 3) Enrichir le bagage lexical de l’étudiant (Chartier, 2000, p. 9)

Rouleau 2001

Pas d’utilisation du terme objectif mais contenu structuré et objectifs généraux facilement décelables dans la table des matières : « Ce que vous… 1)… voulez devenir; 2)… devez savoir pour pouvoir traduire; 3)… devrez produire; 4)… devez savoir des éléments importants du texte; 5)… devez faire pour bien traduire; 6)… serez appelé à traduire »

Delisle 2003

8 objectifs généraux d’apprentissage et 68 objectifs spécifiques portant le nom des difficultés de traduction ou des concepts abordés

Houbert 2005

Présentation des chapitres rappelle celle des objectifs généraux et spécifiques de Delisle (2003), par exemple : 1re partie intitulée « Caractéristiques de la langue juridique anglaise et française et spécificités de la traduction juridique » inclut des sous-divisions comme les faux amis (chapitre IX) et les disjonctions exclusives (chap. VIII)

Rouleau 2007

Aucune liste ou mention d’objectifs ou de sous-objectifs d’apprentissage

L’étude des difficultés d’ordres typographique, lexical, syntaxique et rédactionnel à la base de l’approche par questionnement de l’auteur rappelle certains des objectifs généraux de Delisle

7.2.2 La méthodologie de la traduction

Si on fait exception de l’ouvrage de Frédéric Houbert, les manuels analysés comportent une section consacrée à l’exposé de la méthodologie de la traduction suggérée par l’auteur. On se demande toutefois pourquoi aucun auteur n’a cru bon ajouter une représentation visuelle de la méthodologie; en effet, comme on l’a vu dans le cas du Modèle

séquentiel de la traduction de Gile (1995, 2005), les éléments visuels favorisent

l’intégration des concepts clés par l’apprenant. En outre, l’ajout d’un schéma ou d’un tableau aurait permis de synthétiser l’information contenue dans la description parfois longue et détaillée de la méthodologie des auteurs (notons toutefois que Rouleau fait appel à des éléments visuels pour faciliter l’assimilation de certains concepts dans son manuel de 2001). En comparant les différentes méthodologies présentées dans les ouvrages, on remarque par ailleurs que celles-ci ont un point commun : l’insistance mise sur la phase de compréhension. Cette phase est si importante que Rouleau n’hésite pas à s’y limiter dans son manuel de 2007 et à référer le lecteur à son précédent ouvrage (2001) pour obtenir plus de précisions sur les autres étapes de la méthodologie. Un autre point commun, cette fois-ci entre Rouleau (1994 et 2001) et Delisle (2003), est l’accent mis sur la phase de vérification ou de contrôle. On note à cet effet que les deux auteurs la décomposent en plusieurs étapes, contrairement à Chartier (2000) qui l’incorpore à la deuxième étape de sa méthodologie, soit celle de la restitution.

7.2.3 Les réalités professionnelles

Parmi les aspects professionnels du métier que nous avons analysés dans les manuels, c’est surtout celui de la documentation qui se démarque. En effet, les concepteurs de manuels fournissent tous une documentation de base au traducteur, notamment dans leurs bibliographies ou « boîtes à outils ». Quant à la recherche documentaire, Delisle (2003) et Rouleau (1994) y consacrent tous les deux un chapitre entier. Rouleau (2001) et Delisle (2003) se penchent entre autres sur les limites des dictionnaires bilingues. En revanche, l’activité de traduction semble encore isolée de son environnement technologique. En effet, les outils technologiques et la création de bases de données terminologiques sont des sujets rarement abordés par les auteurs. Soulignons qu’en

omettant de mentionner l’importance de ces activités, on peut donner l’impression à l’apprenti que la terminologie et la traduction sont deux activités indépendantes et non complémentaires, que chaque texte requiert une recherche terminologique, mais que le travail accompli sera à refaire à chaque nouvelle traduction. Enfin, un autre sujet sur lequel les auteurs se penchent rarement est la relation du traducteur avec le client ou donneur d’ouvrage. Houbert (2005) y fait toutefois allusion dans son exemple de traduction parajuridique, mais c’est sans doute Rouleau (1994, 2001) qui s’illustre le plus à cet égard, puisqu’il y fait référence à quelques reprises. De manière générale, toutefois, les divers acteurs de l’industrie sont rarement mentionnés dans les ouvrages. Enfin, la gestion des bases de données terminologiques ne fait pour sa part l’objet d’aucune attention.

7.2.4 Les aspects métacognitifs

Chez la majorité des auteurs, nous avons trouvé une présence peu marquée d’éléments liés aux aspects métacognitifs, que ce soit la mention de l’aspect lui-même ou son application concrète dans le manuel. Parmi nos découvertes, des affirmations concernant la conscience de soi ont été trouvées dans Rouleau (1994 et 2001) et une autre sur la responsabilisation dans Delisle (2003). L’aspect métacognitif qui s’est cependant vu accorder le plus de points en matière de préférence chez les auteurs est celui de la motivation, avec une mention chez Rouleau (1994), des affirmations défaisant le mythe du traducteur parfait dans les ouvrages de Delisle (2003) et de Rouleau (2007) ainsi que des corrigés proposant des variantes dans Delisle (2003) et Chartier (2000). Par ailleurs, une manifestation pratique du thème de l’auto-évaluation a été trouvée dans Rouleau (1994) sous forme de grille d’auto-évaluation. Sur ce plan, on pouvait évidemment s’intéresser aussi à la présence de corrigés dans les manuels. D’après notre analyse, les manuels de formation à la traduction professionnelle comportent peu de corrigés, si on fait exception de l’ouvrage de Houbert (2005) dans lequel chacun des textes annotés est traduit, et de celui de Chartier (2000), où seuls 9 textes sur 36 (dans la section « à vous de jouer ») ne comportent pas de solutions. Les manuels canadiens sont par ailleurs ceux qui contiennent le moins de corrigés. Delisle, par exemple, propose une traduction pour tous ses exemples de traduction de phrases, mais seulement quelques exemples de textes traduits. Rouleau (1994) fournit quant à lui un corrigé dans l’exposition de la méthodologie employée pour traduire un texte

médical ainsi que des solutions pour deux de ses exercices dans ses ouvrages de 1994 et 2001. Il ne suggère cependant que des pistes de recherche aux questions qu’il soulève dans son manuel de 2007.

Tableau XX. Synthèse : Les quatre composantes du noyau conceptuel dans les manuels

Objectifs d’apprentissage

 Objectifs généraux : formulation nominale dans Delisle; formulation verbe +

complément dans Chartier; objectifs sous-entendus dans la structure des manuels de

Houbert et de Rouleau (1994 et 2001)

Méthodologie de la traduction

 Présentée sous forme descriptive par tous les auteurs sauf Houbert  Fort accent mis sur la phase de compréhension dans Chartier et Rouleau

 Phase de vérification ou de contrôle en trois temps (ou lectures) chez Delisle et Rouleau (1994, 2001)

Réalités professionnelles

 Documentation de base fournie par tous les auteurs

 Relations avec les clients mentionnées par Rouleau (1994, p. 52 et 2001, p. XVIII, p. 43, p. 55)

 Recherche documentaire fait l’objet d’un chapitre chez Rouleau (1994) et Delisle  Création et gestion de banques de données terminologiques abordées par Rouleau

(1994), Delisle et partiellement par Chartier

Aspects métacognitifs

 Image et conscience de soi abordée dans Rouleau (1994, 2001)

 Motivation abordée par Rouleau (2001), variantes dans Chartier et Delisle, affirmations de Delisle et Rouleau (2007) pour défaire le mythe du traducteur parfait

 Affirmation ayant trait à la responsabilisation dans Delisle  Grille d’auto-évaluation dans Rouleau (1994)

 Corrigés :

o Deux exercices et un texte avec corrigé dans Rouleau (1994)

o Corrigés pour les exercices de traduction d’extraits, de titres et de textes intégraux à l’exception du dernier des 4 textes à traduire des chapitres 2 à 10 dans Chartier (2000)

o Deux corrigés seulement dans Rouleau (2001) : exercices 1 et 27

o Une dizaine de textes ou d’extraits de textes corrigés sur un total de 96 textes et de nombreux exemples de traduction dans Delisle (2003)

o Tous les textes sont traduits dans Houbert (2005) mais aucun corrigé n’est fourni pour les exercices d’application

o Aucun corrigé dans Rouleau (2007); l’auteur pose les questions et donne des pistes à l’étudiant qui devra y répondre