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PARTIE I APPROCHE THÉORIQUE, ÉPISTÉMOLOGIQUE ET

2 BIODIVERSITÉ, CONSERVATION ET DÉVELOPPEMENT

2.3 Les stratégies intégrées de conservation et de développement

2.3.3 Nouvelles perspectives

De nouvelles approches afin d’améliorer les PICD sont de plus en plus populaires. Elles se concentrent sur trois aspects : les approches à l’échelle du paysage, avec une vision systémique des problématiques (Dicaire, 1999; Feinman, 1999; Redford, Coppolillo et al., 2003; Roy, 2003; Velazquez, Bocco et al., 2003; Fisher, Maginnis et al., 2005); l’instauration d’une bonne gouvernance, à tous les niveaux institutionnels mais surtout localement pour permettre une planification participative et décentralisée du territoire (Noss, 1997; Gjertsen and Barrett, 2004; McShane and Wells, 2004; Wells and McShane, 2004; Fisher, Maginnis et al., 2005); et la mise en œuvre et le suivi des projets à travers des

approches de gestion adaptative (Agrawal, 2000; Berkes, Colding et al., 2000; Dallmeier, Alonso et al., 2002; Berkes, 2004; Wells and McShane, 2004; Mbile, Vabi et al., 2005). La perspective paysagère, par exemple, envisage l’intégration verticale des PICD dans un ensemble de politiques et de programmes, pour des contextes spécifiques. Ceci permet de considérer les problèmes à travers multiples échelles et d’aller au-delà des solutions uniquement locales. Elle poursuit une vision à long terme de l’intégration entre conservation et développement.

La valeur réelle de cette perspective est d’amener un groupe d’acteurs à percevoir comment un autre groupe considère l’espace d’un paysage spécifique où tous vivent et travaillent. Nous comprenons ainsi les fonctions du paysage qui concernent chaque groupe. Le concept de paysage propose un cadre afin d’aider les différents groupes d’acteurs à s’entendre sur « comment » équilibrer les « échanges » au sujet de l’utilisation du sol pour bien intégrer la conservation et le développement. Or, quand on planifie à l’échelle paysagère nous sommes en train de suggérer implicitement que l’aire concernée est physique et socialement hétérogène. Elle a aussi une qualité d’ensemble plus complexe que la somme des différentes parties (Fisher, Maginnis et al., 2005).

Les multiples usages du territoire sont à la base de l’idée d’atteindre différents objectifs d’utilisation (production alimentaire, génération de revenus, conservation de la couverture forestière, etc.) afin d’intégrer la conservation de la biodiversité aux besoins en développement (Hughes and Flintan, 2001). Cette approche nous aide à se détacher des projets spécifiques d’un site pour avoir une vision de planification plus large institutionnellement et géographiquement.

Cependant, reconnaître les acteurs et les intégrer dans un processus participatif à grande échelle est un défi pour ceux qui travaillent pour la conservation ainsi que pour les agences de développement. Les différents groupes d’acteurs à considérer ne sont pas toujours facilement identifiables. Ils ne sont pas non plus homogènes, c’est-à-dire que dans un même groupe (ex. : les femmes) il peut y avoir des intérêts différents. Il faut donc éviter les pièges réductionnistes.

Sur le plan opérationnel, la gestion décentralisée est aujourd’hui perçue comme la clé pour mettre localement en pratique une stratégie globale. (Bonfiglioli, 2005). Ces approches concrètes encouragent aussi l’intégration du savoir traditionnel, car elles prennent en compte diverses visions du territoire, des ressources et de leur gestion, dont celle de la population locale.

L’existence d’un cadre institutionnel et politique pour équilibrer ces échanges entre intérêts sociaux, environnementaux et économiques est indispensable. Or, une bonne gouvernance, axée sur la concertation des différents acteurs (locaux, régionaux, nationaux et internationaux), est la clé pour que l’approche paysagère soit efficace en intégrant les intérêts, les visions et les besoins de tous les acteurs.

Mais les temps changent et les visions et les intérêts évoluent : la planification ne peut plus être un outil statique. Elle doit évoluer au rythme de la nature et des sociétés. Dans ce sens, l’approche de la gestion adaptative, basée sur des conditions spécifiques locales et sur la dynamique d’une communauté, intègre le design, la gestion et le suivi constant mais flexible des projets afin de mieux les adapter au contexte et aux besoins de la population (Wells and McShane, 2004; Mbile, Vabi et al. 2005). Cette approche réussit à obtenir l’engagement et la participation des acteurs locaux à des projets précis, dans une perspective d’apprentissage et de bonne gouvernance environnementale à long terme. La stratégie de la gestion adaptative défend l’apprentissage et la révision continuelle des projets pour qu’ils fonctionnent vraiment sur le plan pratique et à long terme (Berkes, 2004). Elle incorpore ainsi la recherche aux pratiques de conservation. Cette approche pro- active d’intégration continuelle entre design, gestion et suivi, met systématiquement à l’épreuve les suppositions afin de s’adapter et apprendre.

La gestion adaptative se trouve, d’un côté, entre la science et la pratique; d’un autre côté, entre les experts et la population locale. L’intégration de la conservation et du développement d’une part et celle de la collaboration et de la concertation entre les acteurs d’autre part, est donc une nécessité majeure pour les PED et ce, surtout par rapport aux questions environnementales.

Soulignons deux caractéristiques principales de la gestion adaptative qui la différencie des approches classiques de gestion. En premier lieu, dans cette perspective on assume que la nature ne peut pas être contrôlée, que ses effets ne peuvent pas être complètement prévus et que les conditions environnementales sont changeantes. Incertitude et imprévision sont caractéristiques de tout écosystème. Les sociétés doivent répondre à ces changements en s’adaptant et en évoluant à travers un processus d’apprentissage, qui dépasse l’individu en devenant social. Au niveau du projet, nous devons adapter continuellement les objectifs et les activités aux changements de conditions et aux imprévus qui peuvent apparaître (Agrawal, 2000; Dallmeier, Alonso et al., 2002).

En second lieu, la gestion adaptative met l’accent sur les processus, plutôt que sur les éléments isolés. Ces processus sont vus comme le résultat de dynamiques et de synergies complexes d’éléments composant les systèmes sociaux-écologiques (Berkes, Colding et al., 2000; Wells and McShane, 2004). Sous cette approche, les pratiques de gestion des espaces et des ressources naturelles sont axées sur la capacité de résilience des écosystèmes, plutôt que sur leur conservation stricte. On considère les conditions écologiques et aussi bien les dynamiques sociales comme étant des facteurs qui peuvent influencer ces processus et, par conséquent, la stratégie de gestion à suivre.