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PARTIE I APPROCHE THÉORIQUE, ÉPISTÉMOLOGIQUE ET

6 LA CONSTRUCTION DES MATÉRIAUX

6.4 Outils pour la construction des données

6.4.2 Entretiens

Les entrevues sont une des nos principales sources de données. Les entretiens avec les acteurs clés, préalablement identifiés, étaient semi-ouverts ou semi-structurés (sur un thème particulier ou général, plus connu comme récit de pratiques sociales) et sous forme de récits de vie. L’objectif était ici de mieux comprendre les logiques d’action quotidiennes ainsi que leur rapport à la nature, du point de vue des représentations aussi bien que des pratiques d’aménagement des espaces et des ressources.

Dans ce sens, l’analyse des histoires de vie (aussi appelé récit de vie ou autobiographie) et des pratiques sociales, est un outil de connaissance. Son intérêt essentiel tient au fait que l’histoire d’une vie, est à la fois celle d’un individu aussi bien que celle de la société à travers le point de vue de cet individu. La qualité méthodologique tient au fait qu’elle peut nous être livrée dans des conditions de relative simplicité, telle qu’il soit plus facile de saisir notre objet (Houle, 1979), c’est-à-dire de saisir les fondements sociologiques d’une telle histoire susceptibles de l’expliquer de ce point de vue.

Ici, l’informateur est le principe actif du processus de communication. Il aborde les sujets dans l’ordre qui lui convient, pour des durées variables, avec comme thème son expérience de vie. Il faut considérer que, dans ce genre d’entrevues, le point de vue de la personne interviewée demeure le plus important, déterminant pour l’objet d’étude, représentatif sociologiquement. Il permet de définir « le rapport au monde établi dans cette société, et d’identifier la nature du contrôle exercé par l’homme sur cet univers, au fondement de la connaissance dans cette société et des rapports sociaux qui en sont constitutifs » (Houle, 1979: 131). Le principal enjeu sera donc de ne pas trahir ce point de vue.

Les récits de vie enregistrés sont des entrevues individuelles sur la vie quotidienne de différentes personnes vivant dans la communauté objet d’étude. L’objectif est de connaître le rapport à la nature des différents interviewés à travers du récit de leurs activités. La forme « récit de vie » nous permettra de mieux cerner les aspects spatio-temporels et sociologiques de la vie dans la communauté, ainsi que les facteurs ou les événements qui ont eu ou qui peuvent avoir une influence sur les pratiques d’aménagement existantes. Pour cela, nous avons essayé de faire ressortir au long des entrevues les dimensions suivantes :

− La vie dans les plantations avant l’indépendance. − La reconversion des plantations.

− La vie dans les plantations aujourd’hui. − La nature du travail.

− Les principales pratiques d’aménagement. − Les relations sociales de production.

− La problématique, les contraintes et les menaces perçues.

Les personnes interviewées étaient des travailleurs d’une plantation, des chasseurs, des guides touristiques du parc, des guérisseurs traditionnels, des petits agriculteurs ou des

vendeurs dans le marché, femmes et hommes indistinctement. Nous avons cerné les informateurs qui pouvaient nous apporter un regard temporel (ils ont vécu dans la communauté avant et après l’indépendance et la reconversion) ou spatial (ils ont vécu dans la communauté et ailleurs, en ville ou dans une autre plantation), de ce quotidien des plantations.

Ce type d’entrevue permet de bien observer l’articulation des composantes de la vie sociale et de sa représentation. Nous obtiendrons des informations sur la mémoire individuelle. Le principal inconvénient est que le traitement sociologique des informations a été beaucoup plus long à faire.

Le deuxième type d’entrevues est celle à structure ouverte sur un thème particulier, aussi appelée entrevue semi-directive ou structurée. L’entretien est orienté par le chercheur afin, à la fois, de couvrir les différents aspects du schéma d’entrevue et de conserver la linéarité du discours du locuteur. La forme des interventions est très variée (des interventions visant la remémoration de la personne et, quelquefois, des questions plus précises). La procédure est similaire au dialogue dans la vie quotidienne, avec une liste de contrôle des thèmes abordés. Les informations que nous avons collectées sont du type factuel et perceptif.

Ces entretiens étaient destinés à mettre en lumière les conditions de vie des populations, leurs perceptions individuelles et leurs opinions quant aux problèmes posés. Les entretiens ont été réalisés suivant une série de thèmes recoupant nos objectifs de recherche. Les entretiens semi-structurés nous permettent d’aller plus en profondeur dans l’analyse du problème.

Les entrevues réalisées du côté des groupes d’acteurs institutionnels (voir figure 11), étaient des entrevues individuelles sur la problématique environnementale du pays et sur les défis de la gestion et de l’aménagement du Parc naturel Obô. Nous avons voulu connaître ici les intérêts et les priorités des différentes institutions et organisations directement impliquées dans l’aménagement de l’aire protégée.

Outre leur adaptation aux processus et aux représentations que nous cherchons à cerner, le choix des entretiens individuels comme outil de recherche est légitimé par leur capacité à permettre une appréhension en profondeur et une compréhension des conduites sociales selon la perspective des acteurs sociaux (Poupart, 1998).

Figure 11 : Groupes d’acteurs institutionnels interviewés − État (représentants techniques et/ou politiques) :

− Secrétariat pour l’environnement − Direction des forêts

− Direction d’agriculture et développement rural − Direction de l’élevage des bestiaux

− Direction de tourisme − Garde côtière

− Internationales :

− Nations Unies (PNUE/PNUD)

− Organisation de coopération pour l’environnement et le développement rural

− Step Up (Sao Tomé e Principe Union for Promotion) − MARAPA (Mar Ambiente e Pesca Artesanal) − ECO

− Locales : − Élus locaux

− Directeurs des plantations/entreprises agricoles

− Associations : Monte Pico, petits agriculteurs, guides du parc, chasseurs, artistes

− Autres :

− Opérateurs touristiques : Navetur-Equateur et Mistral Voyages − FENAPA/STP (Fédération Nationale de Petits Agriculteurs de STP).

Troisièmement, nous avons effectué des entrevues libres sur un thème en général, aussi appelées récits de pratiques sociales. Ici, l’informateur est le principe actif du processus de communication. Il aborde les sujets dans l’ordre qui lui convient, pour des durées variables, dans le cadre d’un thème. Les interventions seront sous forme de remémoration et de synthèse. Les types d’information obtenus seront des événements et des représentations sociales d’une activité. Ce type d’entrevue a l’avantage d’être exploratoire. Ce sont donc des entrevues individuelles sur différents aspects des pratiques d’aménagement existantes dans les écosystèmes des plantations. Il s’agit de connaître, à travers l’expérience personnelle des interviewés, le rapport à la nature qu’une personne développe selon leur profession. Nous avons interviewé à plusieurs reprises des personnes travaillant dans une plantation, des chasseurs, des guides touristiques du parc, des guérisseurs traditionnels, des petits agriculteurs ou des travailleurs d’une organisation de coopération.

Les principaux aspects que nous avons fait ressortir au long de l’entrevue sont les suivants :

− Les forces productives, comprenant les différents moyens de gestion, de production et/ou d’utilisation des ressources naturelles. Il s’agit de voir : les outils, les techniques et les pratiques d’aménagement des différents écosystèmes; les principales espèces utilisées; les principales habilités et connaissances nécessaires à la gestion, la production et/ou l’utilisation des ressources naturelles.

− Les rapports de production, visant l’étude des relations sociales dans la gestion, la production et/ou l’utilisation des ressources naturelles. Nous avons regardé : les relations entre les différents acteurs; les relations entre les différents acteurs et les ressources naturelles; les rapports de genre, de parenté et d’âge dans les pratiques de gestion.

− La problématique reliée aux pratiques existantes, visant à cerner d’un côté, les principales menaces (intrinsèques et extrinsèques à la population locale) pour les différents écosystèmes et, d’un autre côté, les possibilités d’amélioration de la

situation actuelle (individuelle et communautaire), au niveau social, écologique, économique et spirituel-culturel.

Ces trois différents types d’entretiens individuels ont été réalisés suivant une série de thèmes recoupant nos objectifs de recherche. Lors de ces entretiens, il y a un dialogue direct entre la personne interviewée et nous. Cependant, pour certains interviewés il y avait une troisième personne, un informateur clé qui nous aidait à accéder à ces personnes. C’est le cas des entrevues réalisées à quelques guérisseurs traditionnels.

Finalement, les entretiens de groupe, ou groupe focus, en tant que techniques de construction de données qualitatives, se révèlent d’une grande fécondité pour l’étude des représentations sociales de la nature, ainsi que des opinions et des perceptions à propos d’un phénomène sociogéographique déterminé (Morgan, 1988; Morgan and Krueger, 1997). Ils présentent également des atouts pour l’exploration des normes et la saisie des motivations d’un groupe, et en conséquence, pour comprendre le pourquoi des actions et des choix effectués (Deslauriers, 1987; Mucchielli, 1991).

Ressemblant aux débats typiques dans le quotidien des sociétés africaines qui visent l’émergence de toutes les opinions, les entretiens de groupe ont constitué à ce titre une authentique technique de recherche permettant le recueil des perceptions, des besoins, des intérêts, des avis et des choix des acteurs rencontrés, ainsi que leurs attitudes par rapport à la nature et à la gestion des ressources et du territoire autour du Parc naturel Obô.

Ces réunions collectives sur le terrain nous ont permis d’aborder la problématique autour de la gestion du parc; nous avons parlé aussi des besoins des communautés. Dans ce type d’entretiens, la capacité collective de réflexion est exercée; elle permet de confronter les différentes opinions des participants. Ces entretiens nous ont permis, à partir des opinions qui se dégagent à l’issue des débats, d’apprécier les connaissances, les réactions, les choix, les actions et les besoins des acteurs, d’identifier et de décrire les principales formes de représentation sociale de la nature ainsi que les pratiques d’aménagement existantes. Nous avons vu dans quelle mesure est possible d’impliquer la population dans la mise en œuvre des stratégies de gestion du parc.

Avec ce type d’entretiens collectifs, nous avons pu faire le retour sur les donnés construites, vérifier nos conclusions sur les représentations avec la population locale et clore ainsi le processus de co-construction de données.