• Aucun résultat trouvé

Un changement majeur est intervenu dans la conception des métropoles : l’idée de la métropole comme collectivité territoriale nouvelle telle que conçue par l’avant-projet a été abandonnée. Elle est désormais établie comme EPCI à fiscalité propre regroupant, sur la base du volontariat, plusieurs communes qui forment un ensemble de plus de 450 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave.

Ce changement s’est préparé lentement, comme l'a reconnu le ministre de l’intérieur : « Je n'ai jamais été convaincu par l'hypothèse de la métropole - département que j'ai trouvé à mon arrivée place Beauvau et dont je sais qu'elle figure dans le document de travail diffusé aux associations d'élus courant juillet. Je crois que les métropoles ne doivent pas se construire en opposition aux départements et aux régions mais bien dans une logique de complémentarité. Je n'adhère pas, en particulier, à l'idée de transférer automatiquement l'ensemble des compétences sociales des départements aux métropoles. 148» L’évolution était certainement favorisée par le fait qu’il aurait été extrêmement difficile d’obtenir une majorité sur la base initiale. L’approche avant-gardiste proposée par le comité Balladur n’a en effet cessé de dépérir au fil des réécritures du texte par le ministère de l'Intérieur149. Pierre Mauroy, qui s'était exprimé en sa faveur au sein du comité, se montre déçu par l’arrangement et met en garde contre le fait que « nous ne passions à côté du rendez-vous de l'Histoire par manque d'ambition et par une curieuse aversion pour tout ce qui pourrait devenir plus grand, plus fort, plus puissant. 150»

148 Hortefeux Brice, Intervention de M. le Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. 79ème congrès de l'ADF, Clermont-Ferrand, 2009b.

149 Cossardeux Joël, « La réforme territoriale s'écarte de son objectif de simplification », Les Echos, 08.10.09, p. 6.

150 Mauroy Pierre, « La réforme territoriale, une "recentralisation" qui n'ose pas dire son nom », Le Monde, 19.01.10, p. 19.

Une crainte qui semble partagée par le chef de file des sénateurs UMP, Gérard Longuet, selon lequel : «On est en train de manquer le projet des métropoles […], ce n’est plus qu’un label pour un petit nombre de communautés urbaines.151» La solution d'une « intercommunalité version XL » telle qu’elle se trouve dans la petite loi conduit de facto à proposer aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines existantes de taille suffisante un système dont les mécanismes de financement et le type d’organisation seraient les mêmes qu’aujourd'hui. On peut s’interroger sur les progrès et la valeur ajoutée ressortant d'une telle réforme.

D’ailleurs, on peut s’étonner que la communauté urbaine persiste malgré le nouveau statut de métropole ajoutant une couche au millefeuille administratif. Au moins, pour des raisons de cohérence, le Sénat a baissé le seuil d’habitants pour les communautés urbaines de 500 000 à 450 000 habitants et l’a donc établi à la même hauteur que celui de la métropole. Avec Jean-Pierre Chevènement on peut néanmoins affirmer que « les communautés urbaines n’ont plus de raison d’être et doivent devenir des métropoles ou des communautés d’agglomération. 152» Cette option est écartée car il existe huit autres communautés urbaines regroupant entre 264 657 (CU Grand Nancy) et 51 942 habitants (CU Alençon) qui ne pourraient pas aspirer au statut de métropole et qui devraient être dégradés en communautés d’agglomération.

Pour le moment, huit communautés urbaines sont éligibles au nouveau statut institutionnel de métropole: Lyon, Lille Métropole, Marseille Provence Métropole, Grand Toulouse, Nice – Côte d’Azur et Strasbourg. La population cumulée de ces communautés urbaines s’élève à 6,4 millions d’habitants. Ainsi, près d’un français sur dix pourrait être concerné par cette transformation administrative153.

L’évolution des réflexions au sein du comité Balladur a conduit à exclure de plus en plus de villes au cours des délibérations. Pierre Mauroy rappelle que le comité était parti de dix-sept villes, pour passer ensuite à quinze, à douze, à onze,

151 Auffray Alain, « Les champs de bataille de la réforme territoriale », Libération, 19.01.10, p. 10.

152 Sénat, « Compte rendu intégral. Séance du 2 février 2010. 65e jour de séance de la session »,

Journal officiel de la République française, 10 S. (C.R.), 03.02.10, p. 821.

153 Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales 2009, op. cit., p. 37.

avant d’arriver à huit. Il juge le nombre arrêté « largement insuffisant pour répondre aux exigences du développement urbain dans les prochaines années. 154»

Tableau : Les plus importantes communautés urbaines et communautés d’agglomération en France155

Communauté urbaine

Communauté

d'agglomération Nombre Population

1 Lyon 57 1 219 111 2 Lille 85 1 110 035 3 Marseille 18 991 953 4 Bordeaux 27 680 973 5 Toulouse 25 617 576 6 Nantes 24 572 147 7 Nice 24 500 254 8 Strasbourg 28 457 928 9 Rouen 45 413 249 10 Toulon 11 403 743 11 Rennes 37 399 892 12 Grenoble 26 399 043 13 Saint-Étienne 43 392 041 14 Montpellier 31 378 879 15 Aix-en-Provence 34 340 270 16 Saint-Denis 8 309 860 17 Clermont-Ferrand 21 287 684 18 Orléans 22 274 833 19 Angers 31 272 333 20 Tours 14 268 800 21 Nancy 20 265 483 22 Le Havre 17 259 114 23 Lens 36 259 763 24 Dijon 22 251 679

154 Sénat, Sénat 20.01.10, op. cit., p. 279.

Les chiffres présentés sont extraits du rapport du Comité Balladur qui s’est fondé sur le recensement général de la population de 1999. Ils évoluent pour des raisons d’accroissement naturel, ainsi que par l’intégration éventuelle de nouvelles communes ou la fusion avec d'autres intercommunalités. Ainsi la communauté d’agglomération de Montpellier a désormais gagné en importance et compte 412 070 habitants. Si son taux d’accroissement reste identique, elle atteindra le seuil des 450 000 en 2016 et pourra par conséquent accéder sur la base du volontariat au statut de métropole156. Le président de l'Association des maires des grandes villes de France, le maire de Grenoble, Michel Destot, n'a pas réussi à imposer l'idée d'une fixation du seuil à 400 000 habitants. Il est lui-même demandeur du nouveau statut pour Grenoble.

A la lecture des données sous un angle géographique, on s’aperçoit que la liste des futures métropoles ne comporte pas de métropoles au centre de la France. Ceci « correspond aux difficultés rencontrées par la politique d'aménagement du territoire sur cette partie du territoire français située en dehors des façades maritimes 157». À l’inverse, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur comprendrait trois métropoles, celles de Marseille, de Toulon et de Nice.