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LA RÉFORME DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : L’impact sur le département et le rôle du lobby départemental. - Une étude d’étape -

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Promotion Robert Badinter

«2009-2011»

Cycle International Long

Master en Administration Publique

LA RÉFORME DES

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : L’impact sur le département et

le rôle du lobby départemental.

- Une étude d’étape -

Mémoire présenté par

M. Fabrizio Santo MICALIZZI

Sous la direction de : M. Fabrice LARAT

Directeur du Centre d'Expertise et de Recherche Administrative (CERA)

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Table de matières

Avant-propos...4

Introduction ...6 I.
 Institution importante en évolution depuis sa création, le département, est contesté lors de la préparation de la réforme des collectivités territoriales. ...10
 A.
 Le département, conçu de façon artificielle, s’est profondément ancré dans le paysage administratif et identitaire depuis deux siècles. ...10
 B.
 Avec la décentralisation, le département gagne en importance et devient un acteur public de proximité incontournable...16
 C.
 Le diagnostic actuel sur l’état de la décentralisation orientant la réforme des collectivités. ...22
 1.
 La complexité de l’organisation territoriale et le besoin d’ériger des métropoles. ...24
 2.
 Les dépenses des collectivités et la hausse des effectifs au sein de la fonction publique territoriale...27

II.
 L’évolution du projet de loi de réforme des collectivités territoriales du point de vue des départements en prenant en compte les impacts possibles. ...31
 A.
 La genèse du projet de loi issu des réflexions du Comité Balladur et de la concertation avec les acteurs politiques...31
 B.
 Le nouveau conseiller territorial, un élu génétiquement modifié et un recul de la démocratie locale ? ...38
 1.
 Le nouveau mandat de conseiller territorial. ...39
 2.
 Un mode de scrutin contesté. ...43
 C.
 Une nouvelle répartition de compétences au détriment du département, plombé par la suppression de la clause générale de compétence ? ...50
 1.
 Les principes orientant une nouvelle répartition des compétences. ...50
 2.
 La question de la suppression de la clause générale de compétence...54
 D.
 Les nouvelles métropoles et pôles métropolitains : une complexification opportune de la structure administrative? ...58


(3)

1.
 Les nouvelles métropoles, des EPCI XL...58


2.
 La métropole reçoit des compétences clefs...61


3.
 L’ impact de la création de la métropole sur les départements...64


4.
 Le pôle métropolitain - un outil spécifique...65


E.
 La fusion entre départements et la fusion de départements avec une région, signes avant-coureurs d’une réduction du nombre de départements. ...68

III.
 Les associations des collectivités territoriales, notamment l’Assemblée des départements de France (ADF), sont des lobbies institutionnels performants, capables d’influencer le processus législatif de réforme des collectivités territoriales...72


A.
 L’ADF est un lobby institutionnel puissant...73


B.
 La stratégie de lobbying de l’ADF face à la stratégie du gouvernement. ...77


C.
 Le Sénat constitue le relais d’influence majeur de l’ADF. ...84

Conclusion ...88

Bibliographie ...91

Ouvrages généraux...91


Ouvrages spéciaux...92


Documents et rapports officiels ...95


Articles parus dans des revues scientifiques ...98


Dépêches et articles parus dans des journaux et hebdomadaires...105


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Avant-propos

« La démocratie ne naît pas des assemblées pour descendre sur le pays ; elle sort du pays lui-même pour refluer dans les assemblées, elle s’impose aux législateurs qui n’auront plus qu’à la formuler, ce sera l’œuvre de la législative et de la Convention. 1» écrivit l’historien Georges Bourgin au début du XXe siècle. Il souligna ainsi l’importance des territoires dans le développement démocratique du pays.

Ce lien entre le niveau local et le niveau national est bien présent dans la culture politique française et dans son organisation institutionnelle. Le cumul des mandats est l’une des expressions de cette présence. Le local, et au premier chef la commune, est perçu comme un symbole rayonnant de la démocratie en France, comme l’illustre un passage de Joseph Joffo : « Et puis un jour ils franchissaient une dernière frontière. Alors, le ciel s’éclairait et la cohorte découvrait (…) un village tout clair, aux toits rouges (…). Sur la maison la plus grande, il y avait une inscription : Liberté, Égalité, Fraternité. Alors tous les fuyards posaient le baluchon ou lâchaient la charrette, et la peur quittait leurs yeux, car ils savaient qu’ils étaient arrivés. La France.2 »

La réforme des collectivités territoriales, initiée par le Président de la République en 2008, touche par sa nature aux structures locales, notamment à la commune, au département et à la région, qui ont développé au long de leurs histoires institutionnelles respectives un caractère spécifique et même une micro-culture politique propre. Le département, établi avec la Révolution, a acquis malgré sa nature artificielle un ancrage fort dans l’organisation territoriale française.

Dans le cadre de ma scolarité à l’École nationale d’administration, j’ai effectué mon stage du module ‘Territoires’ au conseil général du Nord de septembre 2009 à février 2010. C’est là, au cœur de cette collectivité, que j’ai commencé à comprendre le fonctionnement et les traditions de l’institution départementale qui, en ce moment

1 Bourgin Georges, « Les communaux et la Révolution française », Nouvelle Revue historique de droit français et étranger, nov.-déc. 1908, p.713, p. 713.

2 Joffo Joseph, Sac de billes, Paris, J.-C. Lattès, 1973, p. 23.

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précis de son histoire, se sentait menacée par le projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales. Impressionné par l’enjeu de la réforme et curieux d’approfondir mes connaissances sur les collectivités territoriales françaises, l’envie est née d’en faire le sujet de mon mémoire.

Si le lecteur jugeait, après avoir parcouru ce texte, que mon raisonnement ne correspondait pas à l’interprétation dominante ou à la culture politique française, je le prie de m’en excuser car mon analyse ne saurait parfois échapper à ma socialisation politique allemande, bien différente par sa nature fédéraliste.

Ce travail marque l’aboutissement de dix huit mois de formation à l’École nationale d’administration au sein de la promotion Robert Badinter (2009-2011) ; dix huit mois, denses en expériences et riches en rencontres, qui m’ont profondément marqué tant au niveau professionnel que privé.

Je souhaite exprimer ma profonde gratitude à l’Office allemand d'échanges universitaires (Deutscher Akademischer Austauschdienst) qui a financé ma formation et ce travail avec des fonds mis à disposition par le ministère des Affaires étrangères allemand.

Enfin, mes plus sincères remerciements vont à mes chères camarades, Julie Bonamy, Jihane Mabchour Alaoui, Thérèse Renault et Katharina Strecker qui ont relu ce travail et m’ont apporté leurs précieux conseils.

Fabrizio Micalizzi

Gernsbach, le 14 mai 2010

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Introduction

La réforme des collectivités territoriales a été engagée suite à de nombreuses réflexions identifiant des sources d’inefficacité dans l’organisation territoriale de l’État et évaluant leurs conséquences budgétaires. C’est ainsi principalement sous l’angle de la compétitivité qu’elle a été abordée. S’ajoutent à cela des considérations sur les implications démocratiques du manque de lisibilité des structures hautement complexes pour les citoyens.

Face à ces constats, le président de la République a constitué en octobre 2008 un comité chargé d’établir une liste de propositions visant à réformer les collectivités territoriales. A sa tête a été nommé l’ancien Premier ministre Édouard Balladur. La décision de charger un comité transpartisan de l’élaboration de propositions prouve que l’enjeu de la réforme est important. En remaniant les compétences et le statut des élus locaux, toute réforme en la matière implique des coûts politiques pour le gouvernement. Ceci est d’autant plus vrai si l’on tient compte du cumul des mandats pratiqué par de nombreux parlementaires et surtout par un grand nombre de sénateurs.

Les résultats du comité Balladur ont abouti d’abord au projet de réforme relatif à la réforme des collectivités territoriales adopté par le Conseil des ministres le 21 octobre 2009. Il a été précédé par l’avant-projet de loi du 19 juillet 2009 qui servait de base pour la concertation avec les associations d’élus et les groupes politiques.

Depuis, le projet de loi a passé la première lecture au Sénat qui a amendé plusieurs articles. Ce projet de loi qui traite des changements institutionnels à apporter et qui fixe les principes de la nouvelle répartition de compétences sera au cœur de notre analyse.

Il échet d’ailleurs de rappeler que la réforme des collectivités territoriales a été divisée en cinq lois distinctes. Au-delà du projet de loi cité et afin de mettre en place le nouveau mandat de ‘conseiller territorial’ à l’horizon 2014, l’adoption d’une loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des

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conseils régionaux était nécessaire avant les élections régionales de mars 2010. Le volet du projet de loi concernant le scrutin et le statut des élus a été évacué et sera l’objet d’un projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui sera présenté en été 2010. De même, la nouvelle répartition des compétences sera traitée dans une loi ultérieure. Au plus grand mécontentement des associations des élus locaux, le volet financier de la réforme a également été reporté. Par conséquent, notre analyse devra laisser en suspens ces questions financières ainsi que les détails portant sur la répartition concrète des compétences et le statut des élus locaux.

Nous avons opté pour analyser le projet de loi du point de vue des départements métropolitains pour deux raisons. D’abord, le département est l’échelon des collectivités territoriales le plus remis en question comme le prouve la décision 260 de la commission pour la libération de la croissance française (dite Attali) qui souhaite faire disparaître cet échelon dans les dix prochaines années.

Enfin, au cours des différentes étapes de décentralisation, le département a toujours su gagner en importance malgré les contestations cycliques dont il est l’objet depuis sa création. Par conséquent, il paraît particulièrement intéressant d’étudier en quelle mesure le projet de loi actuel, qui prévoit le rapprochement du département et de la région, changera le statut de la collectivité départementale.

Depuis le lancement de la réforme des collectivités territoriales par le président de la République, le sujet suscite un débat public national relayé par la presse écrite et audiovisuelle. En effet, la réforme concernera directement les élus locaux et les employés de la fonction publique territoriale, ainsi que nombreux acteurs de la société civile indirectement. Le professeur Verpeaux constate :

« l'ampleur des réactions illustre l'importance du sujet. Il est plus facile de réviser la Constitution que de toucher aux collectivités territoriales. J'en étais persuadé avant ces travaux ; je le suis encore plus aujourd'hui.3 » Quant au citoyen ordinaire, il sera concerné par la réforme mais reste pourtant bien éloigné des questions de fond et ne se voit confronté qu’aux arguments politiques et bien souvent politiciens, car la règle démocratique veut que l’opposition mette en avant les points négatifs d’une initiative

3 « "Il s'agit moins de réduire le nombre de niveaux de collectivités que de les rendre utiles". Entretien avec Michel Verpeaux et Hugues Hourdin », Actualités juridiques - Droit administratif, 2009c, p. 396 sq.

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du gouvernement. Rare sont pour l’instant les analyses publiques indépendantes qui cherchent à mesurer objectivement l’impact de la réforme.

Dans ce contexte, ce travail de recherche se veut une étude d’étape qui s’arrête avec la ‘petite loi’ votée au Sénat le 4 février 2010. Nous nous interrogerons sur l’évolution du projet de loi dans ses différentes étapes ainsi que sur son impact sur les départements. Un volet supplémentaire de la problématique consiste à identifier dans quelle mesure et par quels biais les ‘lobbies institutionnels’

(associations des élus locaux et spécifiquement l’assemblée des départements de France (ADF)), influencent le processus de réforme, même en amont de la procédure législative. Enfin, il est nécessaire d’intégrer à cette analyse la contrepartie, à savoir les moyens mis en œuvre par le gouvernement pour faire passer cette réforme.

Afin de répondre à cette problématique, ce mémoire doit, dans un premier temps, situer le département comme collectivité territoriale dans l’histoire des institutions publiques françaises issues de la Révolution (I.A.) jusqu’aux deux étapes de la décentralisation (I.B.) avant de rappeler le diagnostic sur l’état de la décentralisation qui a inspiré la réforme (I.C.).

Dans un deuxième temps, ce mémoire se propose d’examiner les différentes dispositions du projet de loi qui concernent le département et d’analyser leur impact possible. La genèse de la réforme issue des réflexions du comité Balladur et de la concertation avec les acteurs politiques (II.A.) posera les bases de cette analyse détaillée. Nous procédons à l’analyse du ‘cœur nucléaire’ de la réforme, à savoir la création du nouveau mandat de conseiller territorial y compris l’état des discussions sur son scrutin (II.B.). Ensuite, nous étudierons les principes orientant la nouvelle répartition des compétences, y compris la question de la suppression de la clause générale de compétence (II.C.), avant de traiter de la création des nouvelles métropoles et pôle métropolitain pour compléter l’architecture territoriale en France (II.D.). Enfin, nous aborderons la fusion entre départements et la fusion entre départements et une région (II.E.).

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Dans un dernier temps, nous mettrons en évidence l’influence du lobbying institutionnel sur le processus législatif de la réforme des collectivités territoriales effectué par l’ADF, devenu un lobby puissant (III.A.). En effet, l’ADF dispose d’une stratégie de lobbying qui sera confrontée à la stratégie gouvernementale (III.B.). Nous affirmerons pour clore ce mémoire que l’influence de l’ADF sur les processus législatifs repose notamment sur le Sénat qui est son relais majeur (III.C.).

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I. Institution importante en évolution depuis sa création, le département, est contesté lors de la préparation de la réforme des collectivités territoriales.

A. Le département, conçu de façon artificielle, s’est profondément ancré dans le paysage administratif et identitaire depuis deux siècles.

Bien que le terme de « département » soit utilisé pour la première fois par le marquis d’Argenson dans un rapport remis au roi Louis XV4, la création du département comme nous l’entendons aujourd’hui n’intervient que par le décret voté par la Constituante le 22 décembre 1789 qui devient loi le 8 janvier 1790.

Cette innovation fut précédée, à la veille de la révolution, par des réflexions autour des grands projets de décentralisation administrative de Turgot et de Necker, dans la perspective d’un désengagement de l’État, grâce à des « institutions d’après lesquelles la plupart des choses qui doivent être faites, se fassent d’elles-mêmes suffisamment bien5 ». Ces projets profondément novateurs étaient axés sur trois objectifs principaux : « décharger le gouvernement de responsabilités jugées secondaires, mais trop contraignantes et inutilement compromettantes pour son autorité ; améliorer l’efficacité de la gestion locale, en la rendant plus proche des administrés ; stimuler le dynamisme national, en impliquant les citoyens dans la marche des affaires publiques. 6»

Cette logique ne fut pas reprise par les membres de l’Assemblée constituante, qui adoptèrent la proposition d’esprit cartésien de Thouret, laquelle prévoyait la création de quatre-vingt départements de taille égale, nommés géographiquement.

La taille des départements fut fixée sur un critère de proximité: il devait être possible

4 Ce terme est conçu pour une répartition fiscale ou circonscription territoriale pour les Ponts et Chausées. Vital-Durand Emmanuel, Les collectivités territoriales en France, Paris, Hachette (coll.

« Les Fondamentaux »), DL 2006, p. 19.

5 Cité selon Bacot Guillaume, « L'apport de Tocqueville aux idées décentralisatrices », in Guellec Laurence (ed.), Tocqueville et l'esprit de la démocratie, Paris, Presses de Sciences Po (coll.

« Références »), 2005, p. 203–239, p. 221.

6 Ibid., p. 222.

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de se rendre en moins d'une journée de cheval de n'importe quel point du département à son chef-lieu. Ce raisonnement valait aussi en terme de sécurité publique: les troupes de force publique devaient pourvoir atteindre, en partant du centre et entre le lever et le coucher du soleil, tous les points de la circonscription, même périphériques7.

Les intentions présidant à l’élaboration de cette loi étaient différentes de celles qui prévalaient dans l’esprit des Lumières : « un nouveau découpage du territoire est nécessaire et urgent, à la fois pour rationaliser l’administration en mettant fin à l’enchevêtrement des divisions de l’Ancien Régime et pour éradiquer jusqu’aux derniers vestiges des « privilèges », « coutumes » et « droits » des antiques provinces, solennellement sacrifiés par les décrets de la nuit du 4 août ; ce redécoupage est également nécessaire pour achever l’unification nationale, encore imparfaite en 1789.8 » Comme l’a résumé le Président de la République lors de son discours sur la réforme des collectivités territoriales : « Tout dans la création des départements devait signer la rupture avec ce qui restait de féodal, d’inégal et de singulier dans la France de l’Ancien Régime : leur taille devait être comparable, à défaut d’être strictement égale ; leurs frontières devaient être géométriques plutôt qu’historiques ; le nom de nos départements, géographique plutôt que culturel ; et leur organisation uniforme, jamais particulière. 9»

En 1790, le département est doté d’une assemblée élue, nommée très vite conseil général, d’un directoire exécutif qui est présidé par le président du conseil général et un procureur général syndic élu qui représente le roi. L’action des départements est essentiellement conçue comme une collaboration à

« l’administration générale » du royaume10. Mais déjà avec la Constitution du 22 frimaire de l’an VIII (13 décembre 1799), le département est réduit à une simple circonscription d’État, à l’instar des arrondissements communaux. C’est la loi du

7 Bazoche Maud, Département ou Région?, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 58.

8 Dorigny Marcel, « J.-P. Brissot et la formation des départements: unité législative et pouvoirs locaux », in Chianéa Gérard (ed.), Le département: hier, aujourd'hui, demain. De la Province à la Région, de la centralisation à la décentralisation, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1994, p. 13–22, p. 13.

9 Sarkozy Nicolas, Réforme des collectivités territoriales. Discours de M. le Président de la République, Saint-Dizier, 20.10.09, p. 1.

10 Auby Jean-François et Pontier Jean-Marie, Le Département, Paris, Economica, 1988, p. 9.

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28 pluviôse de l’an VIII (17 février 1800), qui, en établissant le préfet et privant ainsi le département de tous pouvoirs propres, s’avère véritablement déterminante.

Ce n’est que progressivement que le département prendra la forme d’une collectivité locale : reconnue par un avis du Conseil d’État de 1834, sa personnalité morale sera consacrée par la loi du 10 mai 183811. Ensuite, le caractère électif du conseil général sera rétablit par la loi du 22 juin 1833 et des pouvoirs de décision seront reconnus à cette assemblée par diverses lois (loi du 10 mai 1838, loi du 18 juillet 1866).

Avec la loi du 10 août 1871, considérée comme la « charte » de l’administration départementale, le statut du département devient complet et cohérent. Le suffrage universel pour l’élection du conseil général (un conseiller par canton) est confirmé et les sessions se déroulent désormais en public. Néanmoins, le conseil général peut être dissout par décret et le préfet conserve sa position dominante dans le département12. Parmi les attributions départementales figurent la gestion du domaine, les services d’assistance et d’hygiène, ainsi que la voirie départementale. Le conseil général vote son budget y compris les impôts départementaux et les emprunts sous réserve du contrôle de l’autorité centrale13. Enfin, il peut délibérer sur toutes les questions d’intérêt départemental et émettre des vœux portant sur toutes les questions économiques et d’administration générale.

Avec le temps, le département a gagné en légitimité et le principal reproche qui lui était fait dès son établissement, à savoir d’être une collectivité artificielle alors que la commune est une collectivité naturelle, s’est affaibli progressivement. D’autres arguments seront mis en avant pour contester la pertinence de l’échelon départemental. En particulier, sera mise en doute la capacité du département à s’adapter aux besoins de l’État moderne et à répondre aux exigences du

11 Minot Eugène, Département, conseil général, décentralisation. Histoire et perspectives d'avenir, Voiron, Paris, Éd. de "La Lettre du cadre territorial"; Assemblée des départements de France, 2000a, p. 126.

12 La question du remplacement du préfet par un administrateur élu est néanmoins abordée lors du débat parlementaire. Cette proposition est rejetée et ne se réalisera qu’en 1982. Le rapporteur de la commission de décentralisation Waddington soutient ce rejet: « il y a beaucoup de questions qui intéressent à la fois l’État et le département et dans lesquelles il serait fort difficile de faire la part de chacun, sans donner lieu à des embarras sérieux, sinon véritables conflits. » Cité selon Auby Jean- François et Pontier Jean-Marie, Auby et al. 1988, op. cit., p. 17.

13 Ibid., p. 20.

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développement. Ainsi, progressent à la fin du XIXè siècle les idées régionales, dont les adeptes critiquent le département au nom de la région14. L’inadaptation du département aux exigences de l’économie moderne et la nécessité d’un échelon supérieur se concrétisent pendant la Première Guerre mondiale. En effet, le ministre du commerce Clémentel favorise en 1917 la création de groupements économiques régionaux au sein desquels les chambres de commerce et d’industrie sont incitées à se réunir15. Cette dichotomie concurrentielle entre département et région restera au rendez-vous de toutes les réformes de l’administration territoriale jusqu’à l’actuelle, comme nous le verrons plus loin.

Le département acquiert enfin un statut constitutionnel avec la Constitution du 27 octobre 1946 qui stipule dans son article 87 : « Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel. » Il sera ensuite alimenté par la jurisprudence constitutionnelle16.

Nonobstant cette consolidation légale, certains hommes d’État souhaitent l’établissement de la région ou un agrandissement des départements. La proposition de Michel Debré en 1949 de créer 47 grands départements ou celle de François Perroux de créer 10 régions, voire celle de choisir entre le département et la région, préconisée par Valéry Giscard d’Estaing en 1975, en témoignent.

Au centre de ces initiatives se trouvent d’une part des préoccupations économiques et stratégiques comme on peut le constater chez Pierre Mendès France : « La région est une réalité économique, mais elle n’a trouvé jusqu’ici aucune expression institutionnelle, aucun moyen d’action propre, aucun organe doté de pouvoirs de décision (…). Comment les populations prendront-elles en main le travail d’animation et de redressement, c’est le problème de l’organisation régionale.

La région économique française doit être à l’échelle des forces avec lesquelles elle se trouvera demain en contact et en compétition. 17»

14 Ibid., p. 23.

15 Quillien Philippe-Jean, Les collectivités territoriales en 15 leçons, Paris, Ellipses (coll. « Concours administratifs »), 2008, p. 13.

16 Alcaraz Hubert, « Le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la jurisprudence constitutionnelle du 28 mars 2003 », Revue française du droit administratif, 3, 2009, p. 497–514, p. 497.

17 Mendès France Pierre, Pour une République moderne, Paris, Gallimard (coll. « Idées »), 1962, p. 199.

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D’autre part, le discours en faveur de la région associe le topos de la modernité à la conception traditionnelle de l’enracinement dans un terroir à l’instar du Général de Gaulle : « L'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain…18».

La référence aux anciennes provinces est faite expressément : « officiellement ignorées les provinces n’ont pas cessé d’exister dans l’esprit et le cœur des Français. En dépit de tous les déplacements, déracinements et brassages, il y a toujours l’Auvergne et les Auvergnats, la Bretagne et les Bretons… 19». En liant les enjeux d’avenir à une collectivité perçue naturelle par son ancrage identitaire, le retour à l’ancien devient la condition du nouveau.

Le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat, soumis au peuple français par référendum en 1969, est interprété par les conseillers généraux comme une menace potentielle pour les départements, et l’opposition des élus locaux à ce projet sera quasi-générale. La défaite sera en partie interprétée comme une victoire de ces élus et le département sort renforcé de l’épreuve20.

Dans sa vue d’ensemble l’évolution du département ne s’est pas faite sans heurts : selon V. Wright, le caractère conflictuel des débats sur la réforme de l’administration territoriale est d’autant plus politique que la conception de l’État en France repose sur l’idée de sa centralité et de son caractère intégrateur pour l’ensemble de la société. Dès lors, toute question sur ses caractéristiques met en

18 Discours du Général de Gaulle prononcé à Lyon le 24 mars 1968. Cité selon Abonneau Josseline,

« Régions : une révolution inachevée », Le Figaro, 13.01.10, p. 18.

19 Entretien du Général de Gaulle avec Michel Droit, le 10 avril 1969. Cité selon Denquin Jean-Marie,

« Gaullisme et décentralisation », in Boutin Christophe et Rouvillois Frédéric (eds.), Décentraliser en France. Idéologies, histoire et prospective, Paris, F.-X. de Guibert, 2003, p. 237–247, p. 246.

20 Auby Jean-François et Pontier Jean-Marie, Auby et al. 1988, op. cit., p. 24.

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cause les grands fondamentaux du système institutionnel français21. Mais il convient également de souligner que « le thème même de la réforme est très présent dans la vie politique, depuis le XIXe siècle (…) et il s’articule autour de « grands chantiers » récurrents semblant montrer tout à la fois la permanence du souci de réforme et la difficulté de ruptures radicales. 22»

Ce bref rappel des évolutions du département depuis sa création nous montre ainsi que son histoire est marquée par des améliorations successives de son statut et une extension continue de ses pouvoirs et de ses moyens, et ceci avant même les grandes réformes de décentralisation qui façonneront le département tel que nous le connaissions aujourd’hui.

21 Albertini Jean-Benoît, Réforme administrative et réforme de l'État en France. Thèmes et variations de l'esprit de réforme de 1815 à nos jours, Paris, Économica, 2000, p. 151.

22 Ibid., p. 150–151.

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B. Avec la décentralisation, le département gagne en importance et devient un acteur public de proximité incontournable.

Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 opèrent un changement fondamental dans la conception de l’État en France, qui était largement contesté à l’époque23. Selon la formule célèbre du Président Mitterrand « La France a eu besoin d’un pouvoir central fort et centralisé pour se faire. Elle a besoin de pouvoirs décentralisés pour ne pas se défaire ».

Il importe de garder à l’esprit la finalité explicite « pour ne pas se défaire » du projet de décentralisation : ce dont il s’agit surtout, c’est de préserver l’unité et l’indivisibilité de la République. Ce souci est commun à toutes les vagues de décentralisation qu’a connues la France depuis la Révolution24. Ainsi, aussi le Président Sarkozy souligne que la décentralisation n’était pas dirigée contre l’État fort, mais contre l’excès de centralisation. Elle n’était pas dirigée contre l’unité nationale, mais contre l’asphyxie des énergies locales25.

En se référant au rapport Piron sur l’équilibre territorial des pouvoirs, on peut affirmer que la France est sortie « du modèle jacobin gouverné par l’administration centrale parée des vertus de l’omniscience et de l’ubiquité. L’État se réforme sans se transmuter en État fédéral ni même en État régionalisé. Mais le sentiment qui domine, après presque une année de travaux, est celui d’un entre-deux, qui caractérise la nature « semi-centralisée » ou « semi-décentralisée » du système français. 26» De cette analyse, nous pourrions presque déduire un caractère sui generis de l’organisation étatique française. Par conséquent, il convient de constater que l’évolution française n’est guère, ou seulement avec beaucoup de précautions,

23 Yves Mény a mis en exergue qu’ « avec la décentralisation, les socialistes français ont réalisé quelque chose que ni les gaullistes « tout-puissants », ni les giscardiens amis des notables n’avaient été capables de faire au cours des vingt-deux premières années de la Ve République ». Cité selon Bougrab Jeanette, « La décentralisation et la gauche », in Boutin Christophe et Rouvillois Frédéric (eds.), Décentraliser en France. Idéologies, histoire et prospective, Paris, F.-X. de Guibert, 2003, p. 249–264, p. 263.

24 Lebreton Gilles, « Régionalisme européen et décentralisation », in Boutin Christophe et Rouvillois Frédéric (eds.), Décentraliser en France. Idéologies, histoire et prospective, Paris, F.-X. de Guibert, 2003, p. 275–305, p. 275.

25 Sarkozy Nicolas, Sarkozy 20.10.09, op. cit., p. 2.

26 Piron Michel, Rapport d'information sur l'équilibre territorial des pouvoirs (coll. « Rapport d'information »), 2006, p. 12.

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comparable aux démarches de régionalisation en Espagne ou en Italie qui sont devenus des États régionalisés.

Au centre des lois Deferre27 se trouvent des éléments que l’on pourrait qualifier de « petite révolution » de l’administration française. La région devient ainsi une véritable collectivité territoriale reconnue par la loi. Les exécutifs du département et de la région sont transférés du préfet à des élus respectifs, ce qui implique un détachement définitif des collectivités de l’État. De surcroît, la tutelle administrative et financière de l’État sur les collectivités territoriales est supprimée. Elle est remplacée par un système de contrôle administratif et budgétaire a posteriori, juridiquement encadré. Enfin, des multiples transferts de compétences sont effectués tout en réaffirmant la clause générale de compétence et en garantissant une compensation intégrale des charges transférées par l’État.

A partir de ces transferts qui devaient suivre le principe de « blocs de compétence », même si ce dernier est parfois ignoré, on peut identifier les vocations dominantes des trois niveaux de la décentralisation :

‐ « la maîtrise du sol (urbanisme) et la responsabilité des services ou équipements de proximité pour les communes ;

‐ les missions de solidarité (aide sociale) et de péréquation (aide aux communes) pour les départements ;

‐ la réflexion et l’impulsion en matière de planification et d’aménagement du territoire, plus généralement le développement économique, pour les régions.28 »

Il faut enfin rappeler que la mise en œuvre des lois de décentralisation fut soumise à des contraintes politiques particulières. Elle devait être réalisée dans le cadre constitutionnel en vigueur parce que toute révision constitutionnelle était exclue du fait de l’hostilité du Sénat, à l’époque dans l’opposition. De surcroît, l’approbation à l’Assemblée nationale dépendait de la conservation de la carte de l’administration territoriale : « politiquement, il ne pouvait être question de

27 La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des collectivités territoriales est suivie par une quarantaine de lois et 300 décrets. Cf. Raséra Michel, La démocratie locale, Paris, LGDJ (coll.

« Systèmes »), 2002, p. 6–7.

28 Quillien Philippe-Jean, Quillien 2008, op. cit., p. 156.

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subordonner le transfert de compétences à un regroupement préalable des communes. 29»

Impulsé par le Président Chirac dans son message au Parlement du 2 juillet 2002 et mis en œuvre par son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, l’acte II de la décentralisation souhaite donner une « nouvelle architecture des pouvoirs » à la France. Cette fois-ci, le législateur est en mesure de modifier la Constitution. De ce fait la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 reconnaît solennellement le principe de

« l’organisation décentralisée » de la République (art. 1er de la Constitution).

Le principe de subsidiarité est ancré dans l’article 72 et stipule que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. » Toujours dans le même article est introduite la notion de « collectivité chef de file » même si cette dernière est assez restrictive : « (…) lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. » Cette limitation peut s’expliquer par la volonté du législateur d’empêcher la tutelle d’une collectivité sur une autre, conformément à la Constitution.

S’ajoute une nouvelle série de droits constitutionnels accordés aux collectivités :

‐ droit à l’expérimentation, permettant de déroger à la dévolution légale des compétences ;

‐ droit à l’autonomie financière, pour assurer un équilibre réel entre les compétences transférées et les ressources nouvelles ;

‐ reconnaissance de la participation populaire, afin de développer des mécanismes de démocratie participative.30

Le bilan de ces nouveaux droits est mitigé. Entre 2003 et 2008, pas un seul référendum local basé sur l'article 72-1 n'a eu lieu ; seul un petit nombre de consultations des électeurs a été effectué, sans que leur objet soit toujours légal. En

29 Ferstenbert Jacques, Priet François et Quilichini Paule, Droit des collectivités territoriales, Paris, Dalloz (coll. « Hypercours Dalloz »), 2009, p. 44.

30 Vital-Durand Emmanuel, Vital-Durand 2006, op. cit., p. 15.

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effet, il n’y avait pas d'initiatives des électeurs tendant à provoquer la consultation des électeurs, ce qui traduit probablement une détermination inadéquate des besoins des citoyens par le législateur. Comme le souligne Gérard Marcou : « la démocratie directe est mal assimilée dans la culture politique française, laquelle demeure dominée par le principe représentatif. 31»

Au-delà des changements constitutionnels, la loi du 13 août 2004 prône une nouvelle répartition des compétences et procède à des transferts de compétences importants. Sans prétendre à l’exhaustivité, le département reçoit des compétences en matière de voiries élargies avec le transfert de certaines routes ; il devient compétent pour créer, aménager, exploiter les ports maritimes de pêche, ainsi que des infrastructures de transports non urbains des personnes ; le conseil général se voit attribuer l’élaboration du plan d’élimination des déchets ; et le département a été surtout conforté dans son rôle principal en matière d’aide et d’action sociales dont il devient « chef de file »32.

Mais les critiques à l’égard de cette loi sont vives et la qualifient de

« catalogue hétéroclite, inspiré à la hâte par la décision politique, sans vision d'ensemble. (…) Contrairement à ce que certains avaient espéré, les transferts de compétences n'ont pas fait reculer la contractualisation entre collectivités publiques, dans un système qui est toujours aussi complexe. 33»

Le pilotage de la réforme est lui aussi mis en question : « comme l'acte II de la décentralisation a été lancé "sans un bilan approfondi des acquis et des insuffisances de la période précédente", le tir n'a pu évidemment être corrigé. 34» La clarification des compétences qui était censée conduire naturellement à une meilleure gestion se présente comme un échec sur toute la ligne, comme l’affirmait Philippe Séguin35, pour qui non seulement les réformes passées n'ont pas clarifié l'enchevêtrement des compétences, mais ont même réussi l'exploit de l'aggraver.

31 Marcou Gérard, « Le bilan en demi-teinte de l'Acte II. Décentraliser plus ou décentraliser mieux? », Revue française du droit administratif, 2, 2008, p. 295–315, p. 301.

32 Le département élabore le schéma d’organisation sociale et médico-sociale et assure la

coordination des politiques gérontologiques. Il reçoit la compétence des aides aux jeunes en difficulté et la gestion du fonds de solidarité pour le logement.

33 Ibid., p. 314.

34 Moreau Philippe, « Décentralisation: les objectifs n'ont pas été atteints », Les Echos, 28.10.09, p. 4.

35 Favre Hervé, « Décentralisation et superposition », La Voix du Nord, 28.10.09.

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Pour autant, la même loi a donné lieu à une innovation intéressante car les rapports entre déconcentration et décentralisation connaîtront un mode de fonctionnement nouveau. En effet, la complémentarité entre l’action de l’administration déconcentrée et de l’administration décentralisée est poussée à un tel degré tel qu’on peut utiliser le néologisme « déconcentralisation » pour caractériser ce nouveau mode. Dans le domaine des aides à la construction de logements, dites aides à la pierre, par exemple, l’attribution relève de l’État, mais celle-ci peut désormais être déléguée aux collectivités territoriales dans le cadre de conventions passées avec le représentant de l’État. « Ce choix de la déconcentralisation s’explique par la volonté de l’État de conserver la maîtrise du financement du logement, tout en s’appuyant sur les collectivités territoriales pour mettre en œuvre des politiques de l’habitat mieux adaptées aux réalités locales. 36»

De là, nous sommes amenés à nous interroger plus concrètement sur la place du département issue de la décentralisation. De toute évidence, le département a pu consolider son rôle en matière de solidarité qui offre « au conseiller général et au canton, (…) une lisibilité pérenne par ces flux actifs de soutiens et d’actions. 37»

A l’appui de cette analyse, une étude montre que 64,8 % des élus départementaux considèrent qu’ils sortent renforcés de la deuxième vague de décentralisation38. La spécialisation du conseil général dans ses missions territoriales et sociales est perçue comme un bon moyen de clarifier son identité et renforcer sa légitimité politique (86% des conseillers généraux partagent cette opinion)39 surtout face au conseil régional. Il est donc cohérent que, dans l’imaginaire des citoyens, la région fait de la politique et le département de la gestion. Entre proximité et maîtrise

36 Ferstenbert Jacques, Priet François et Quilichini Paule, Ferstenbert et al. 2009, op. cit., p. 65.

37 Canobbio Éric, « La quadrature de l'hexagone: vers la fin des territoires politiques? », Hérodote, 135, 2009, p. 25–48, p. 40.

38 Roy Jean-Philippe, Être conseiller général au XXIe siècle, Orléans, les Éd. Demeter, 2008, p. 57.

L’auteur de l’étude déduit de ce résultat que les conseillers généraux considéraient, à juste titre, que tout ce qui contribue à renforcer les compétences de l’institution est un affermissement de son autonomie politique. À notre avis, il n’existe pourtant aucun lien logique entre le renforcement des compétences et l’autonomie politique de l’institution. Au regard des discussions actuelles sur les compensations financières des transferts de compétence, on pourrait même soutenir le contraire.

39 Ibid., p. 63–64.

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de la complexité40, le département peut conforter son image de collectivité essentiellement préoccupée du quotidien des Français41.

Si les conseillers généraux sont plutôt satisfaits de leurs attributions élargies, le problème des compensations de compétences transférées persiste cependant, notamment en ce qui concerne les dépenses sociales. Selon l'Association des départements de France, il manque 3,8 milliards sur un budget total des départements de 62 milliards en 200842. La suppression de la taxe professionnelle à la fin de l’année 2009 a fortement inquiété les élus qui craignent de perdre leur autonomie financière. Il en résulte que « le transfert de compétences est regardé le plus souvent non pas comme une démarche engagée au profit des collectivités territoriales mais plutôt comme un moyen pour l'État de se décharger des missions qui peuvent être conduites par les autorités décentralisées.43 »

En conclusion, nous pouvons néanmoins constater qu’à travers des transferts considérables, notamment en matière d’action sociale, le département a su acquérir une place incontournable dans le millefeuille administratif comme acteur de proximité. Au regard des évolutions des budgets départementaux (dépenses de 34,79 mds. € en 1996, 65,09 mds. € en 200844) on peut aisément constater le gain en importance.

40 Cette définition de positionnement est conforté par le rapport Mauroy : « La commission estime donc, dans la logique des lois de décentralisation, que le département est l’échelon pertinent pour assumer des compétences qui nécessitent à la fois proximité et maîtrise de la complexité, impliquant une échelle plus large que la commune ou l’intercommunalité. » Mauroy Pierre, Refonder l'action publique locale. Rapport de la Commission pour l'avenir de la décentralisation, Paris, La

Documentation française (coll. « Collection des rapports officiels »), 2000, p. 44.

41 Perrin Bernard, « Réforme des collectivités locales: le souhaitable et le possible », Revue administrative, 367, janv. 2009, p. 60–69, p. 61.

42 Crouzel Cécile, « Départements : le budget 2010 est un casse-tête », Le Figaro, 15.12.09, p. 23.

43 Rrapi Patricia, « Bilan des expérimentations prévues par la loi du 13 août 2004 : la difficile introduction du concept d'expérimentation en France », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, 52, décembre 2008.

44 Direction générale des collectivités locales, Les collectivités locales en chiffres 2010, Paris, 2010.

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C. Le diagnostic actuel sur l’état de la décentralisation orientant la réforme des collectivités.

En France, le souhait de combattre la complexité administrative est ancien.

Déjà Sébastien Le Pestre de Vauban (1633-1707) constatait la complexité administrative du royaume et son iniquité fiscale. En particulier, la critique de l’architecture de l’espace institutionnel est présente au point que certains observateurs affirment son caractère « consubstantiel d’un processus de révolution structurelle permanente, qui n’a jamais cessé d’agir sur le fonctionnement des territoires d’exercice de l’action publique et de la citoyenneté. 45»

Le débat autour de la complexité de l’administration territoriale comporte deux volets principaux. Le premier vise les structures de l’organisation territoriale, y compris la nécessité de rendre compte au fait métropolitain, reflétées par la répartition des compétences (I.3.1). Le deuxième volet concerne la hausse des dépenses des collectivités territoriales en considérant évidemment l’expansion de la fonction publique territoriale (I.3.2).

La logique dominante du discours politique est de nature économique. En effet, une série de rapports46 a pointé les coûts engendrés par la complexité de l’administration territoriale, devenus un enjeu pour la compétitivité du pays. C’est à partir de ce constat que le sujet s’est imposé à l’agenda gouvernemental, bien qu’il ait été absent de la campagne présidentielle de 2007 et des programmes électoraux pour des raisons de rentabilité électorale négative47. Mais les objectifs apparaissent désormais clairement : effectuer des économies budgétaires, réduire le déficit et l’endettement des collectivités territoriales ; stopper la hausse des emplois créés au

45 Canobbio Éric, Canobbio 2009, op. cit., p. 35–36.

46 Camdessus Michel, Le sursaut. Vers une nouvelle croissance pour la France, Paris, La

Documentation française, 2004.; Pébereau Michel, Rompre avec la facilité de la dette publique. Pour des finances publiques au service de notre croissance économique et de notre cohésion sociale, 2005.; Richard Pierre, Solidarité et performance. Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, 2006.; Lambert Alain, Les relations entre l'État et les collectivités locales. Rapport du groupe de travail, 2007. et Attali Jacques, 300 décisions pour changer la France. Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, Paris, La Documentation française, 2008.

47 Le Lidec Patrick, « Réformer sous contrainte d’injonctions contradictoires. L’exemple du Comité Balladur sur la réforme des collectivités locales », Revue française d'administration publique, 131, déc. 2009, p. 477–496, p. 478.

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sein de la fonction publique territoriale. En bref : améliorer l’efficience dans la production de services publics de proximité.

Cette conception managériale appliquée à la décentralisation se heurte pourtant à la logique des élus locaux qui conçoivent les acquis de la décentralisation, comme on peut l’observer dans les assemblées locales et au Parlement, surtout au Sénat, bien souvent comme « un instrument de protection des libertés contre un État envahissant.48 » De ce hiatus ressort la difficulté principale de toute réforme des collectivités territoriales, la conciliation de ce qui apparaît économiquement souhaitable et de ce qui est politiquement faisable.

Au delà des raisonnements économiques, la complexité de l’organisation décentralisée pose aussi un problème en terme de démocratie. L’imputabilité des décisions politiques et le contrôle démocratique effectif sont essentiels pour le bon fonctionnement de toute assemblée décidant sur des affaires publiques. Or, les responsabilités sont fréquemment brouillées par des compétences enchevêtrées et par des financements croisés. En bref : l’électeur doit pouvoir comprendre qui fait quoi. Par ailleurs, on ne peut que s’étonner que le Maire de Sceaux, Philippe Laurent, essaie de balayer le problème de lisibilité en le limitant à sa dimension pratique. Il constate que le Français qui « rencontre un problème de vie quotidienne, (…) ne s’interroge pas longtemps sur le qui fait quoi : il va directement ‘à la mairie’, et considère, à juste titre d’ailleurs, que c’est au maire, échelon de proximité, de se débrouiller pour que le problème soit traité par le niveau d’administration idoine. 49» La résolution des problèmes pratiques au niveau communal est bien entendu important, mais ne permet pas de porter remède au manque de responsabilisation politique des élus des différents échelons causé par l’opacité des structures administratives.

48 Raséra Michel, Raséra 2002, op. cit., p. 7–8.

49 Laurent Philippe, Décentralisation: en finir avec les idées reçues, Paris, LGDJ, 2009a, p. 28.

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1. La complexité de l’organisation territoriale et le besoin d’ériger des métropoles.

Pour illustrer la structure de l’organisation territoriale française beaucoup d’orateurs recourent à des métaphores gastronomiques : millefeuille administratif, pudding ou lasagne territoriale. Ces références gourmandes ne signifient pas automatiquement une affection pour ces structures complexe, même si le sénateur Jean-Claude Peyronnet a qualifié la simplification des structures de « serpent de mer »50 ce qui traduit une certaine méfiance à l’égard de réformes visant une réduction de complexité.

En 2010, la France métropolitaine compte 36 570 communes, 3 883 cantons, 2 611 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI), 96 départements et 22 régions (y compris la Corse). Parmi les EPCI se trouvent 16 communautés urbaines, 181 communautés d’agglomération, 2 409 communautés de communes et 5 syndicats d’agglomération nouvelle. De plus, la France compte 15378 syndicats mixtes51.

Pour compléter l’image avec les multiples zonages formalisant de grandes quantités de territoires spécifiques et fonctionnels, nous pouvons citer pour l’année 2009 encore 82 SCOT (Schéma de cohérence territoriale), 341 pays, 45 parcs naturels régionaux, 9 parcs nationaux et un parc naturel marin, 379 pôles d’excellence ruraux et 71 pôles de compétitivité, 354 aires urbaines ou 3 800 « bassins de vie ».52

Si on décline cette situation pléthorique au niveau de la seule région Nord- Pas-de-Calais, le résultat est tout autant significatif: 1 546 communes, 3 communautés urbaines, 11 communautés d'agglomération, 78 communautés de communes, 2 départements (et 157 conseillers généraux), 1 région (et 113

50 Peyronnet Jean-Claude, « Réforme des collectivités territoriales: les communes en première ligne », Actualités juridiques - Droit administratif, 2008, p.2089, p. 2089.

51 Direction générale des collectivités locales, Direction générale des collectivités locales 2010, op. cit.

52 Canobbio Éric, Canobbio 2009, op. cit., p. 35.

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conseillers régionaux). Il paraît évident qu'il existe dans ces structures des économies d'échelle à réaliser et des doublons à supprimer53.

Au vu de l’ensemble des chiffres, nous pouvons premièrement constater qu’avec trois échelons de collectivités territoriales, la France ne se distingue pas de la plupart de ses voisins européens. Pourtant, il faut rappeler que dans certains pays voisins les régions ou collectivités assimilées exercent en général en lieu et place de l’État la tutelle et le contrôle des autres collectivités locales54.

En second lieu, émergent deux spécificités françaises : le maintien du très grand nombre de communes et, par conséquent, la mise en place d’une intercommunalité complexe. 20 364 des 36500 communes sont habitées par moins de 500 personnes. Il s’agit d’une différence marquante avec les autres pays européens, comme l’Allemagne qui a su baisser son chiffre de communes à environ 14 000, l’Espagne et l’Italie à 8 000 etc.

Enfin, une disparité de taille entre les collectivités territoriales même d’échelon différent peut être identifiée : la région Limousin contient 700 000 habitants quand le département du Nord en compte 2,5 millions.

A ce défis de réduction de complexité s’ajoute un nouvel enjeu, à la première vue contre-intuitif : la France a besoin d’un nouvel échelon, les métropoles. En effet, d’une part, la montée en puissance du fait urbain qui demande la mise en œuvre de politiques publiques intégrées n’a pas été suffisamment pris en compte et d’autre part, la compétition entre les métropoles, européennes ou internationales, n’a cessé de s’accentuer.

Le fait métropolitain tient d’abord compte du fait que, dans l’économie de l’innovation, les métropoles sont le cadre pertinent du développement économique et d’infrastructure à rayonnement international, comme les universités. D’ailleurs, comme l’a souligné le Président Sarkozy : « Au XXIe siècle, on se développe par

53 Serra Dominique, « Mille-feuille et double langage », La Voix du Nord, 21.10.09.

54 Rémond Bruno, « 7 contes et légendes sur la décentralisation », La Lettre du Cadre Territorial, 391, décembre 2009a, p. 14–18, p. 15.

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réseaux qui ignorent les frontières et par bassins de population. 55». Cette affirmation est partagée par des représentants du monde économique. Bruno Bonduelle met en valeur le rôle de moteur de la métropole pour la région : « Les métropoles sont un moyen exceptionnel de développer les régions et nous entendons jouer notre rôle pour tirer les régions vers le haut. 56». Par cette fonction nous pourrions conclure que la croissance du pays entier est tirée par les métropoles.

Afin de faciliter cette dynamique, la métropole doit être en mesure de mettre en œuvre des politiques publiques intégrées et de « concentrer à un même niveau local l’exercice de compétences structurantes, qu’elles soient communales, départementales ou régionales afin d’éviter la fragmentation des intérêts sur le territoire métropolitain.57 » Ainsi, les métropoles pourront mieux se présenter dans la compétition avec leurs homologues européens et internationaux qui est une réalité, même si certains commentateurs déplorent « la concurrence capitaliste mondialisée. 58»

Comme nous allons l’analyser au chapitre II, la création des métropoles, ajoutée au souhait de renforcer des régions qui sont loin de peser politiquement, institutionnellement et financièrement autant que leurs rivales européens, est susceptible de mettre en question l’institution départementale. In fine, la suppression du département peut être évoquée, comme le suggère le rapport Attali qui propose sa suppression dans un délai de dix ans.

55 Sarkozy Nicolas, Réception avec les Maires de France. Discours de M. le Président de la République, Palais de l'Élysée, 2009, p. 7.

56 AFP, « Réforme des collectivités : les chambres de commerce veulent des métropoles fortes », http://www.lagazettedescommunes.com/actualite/35961/decentralisation/reforme_collectivites_chambr es_commerce_veulent_metropoles_fortes.htm (12.11.09).

57 Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, Étude d'impact. Projet de loi de réforme des collectivités territoriales, Paris, 2009, p. 36.

58 Auguste François, « Impulser des pratiques participatives et un développement humain durable », L'Humanité, 12.12.09.

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2. Les dépenses des collectivités et la hausse des effectifs au sein de la fonction publique territoriale.

Les sources de la motivation réformatrice du gouvernement est également à rechercher dans la forte hausse des dépenses des collectivités territoriales. Ils ont augmenté de 159,5 mds. € en 2003 à 207 mds. € en 200759, soit 47,5 mds. € en cinq ans. Certes, il faut tenir compte des transferts de l'État prévus par la loi du 13 août 2004 à hauteur de 6 mds. € et de 5,9 mds. € au titre du transfert du RMI60, soit une augmentation nette de 35,6 mds. €. « Depuis 1980, les dépenses des collectivités locales ont augmenté de 20% en proportion du PIB, mis de côté tous les effets de la décentralisation, a rappelé, fin janvier, Nicolas Sarkozy, concédant que l’État avait une part de responsabilité dans cette dérive, c’est incontestable, par exemple en fixant des normes excessives. 61»

Cette analyse est rejetée par d’acteurs importants ce qui est révélateur d’un blocage politique. On dénonce une attitude « mensongère et malhonnête » du gouvernement qui « nous dit que les collectivités locales seraient responsables du déficit de la Nation et jetteraient l'argent par les fenêtres62», tandis que l’ADF comme l’ARF ont renoncé à s’emparer de la thématique, estimant qu’ils n’ont « aucune responsabilité. Les départements ne sont pas responsables du déficit de la France.63» Comme le constate le chercheur Patrick Le Lidec : « Toute proposition audacieuse en matière budgétaire menace de condamner l’entreprise réformatrice toute entière, les parlementaires étant majoritairement portés à prendre la défense des gestionnaires locaux (qu’ils sont aussi) et à rejeter l’entière responsabilité de la

59 En euros constant sur la base de 2000. CC, p. 17

60 Coûts des transferts chiffrés par l’ADF. Cf. Piffaretti Alain, « L'objectif est de dégager des économies substantielles. Entretien avec Alain Marleix », La Gazette des communes des départements et des régions, 2002, 26.10.09, p. 10–12, p. 12.

61 Brivet Xavier, « Le Comité des finances locales va examiner la situation des départements », http://infos.lagazettedescommunes.com/29612/le-comite-des-finances-locales-va-examiner-la- situation-des-departements/ (06.03.10).

62 Propos du député et président du conseil régional Michel Vauzelle. Cf. AFP, « Réforme des collectivités : Michel Vauzelle va déposer un texte au Conseil Constitutionnel »,

http://www.lagazettedescommunes.com/RSS/36553/decentralisation/reforme_collectivites_michel_va uzelle_va_deposer_texte_conseil_constitutionnel.htm (02.12.09).

63 Cossardeux Joël, « Le boycott des collectivités locales qui refusent de porter le chapeau », Les Echos, 28.01.10, p. 3.

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dégradation des finances publiques sur ‘l’État’, entité impersonnelle. 64» De plus, la différenciation entre l’argent de l’État d’un côté et l’argent des collectivités territoriales de l’autre est relative. Tout d’abord, l’État finance en grande partie les budgets des collectivités et in fine c’est le contribuable, peu importe s’il s’agit du contribuable local ou national, qui paye les dépenses publiques. Le chef de l’État semble décidé à faire évoluer la mentalité, négatrice d’une coresponsabilité des collectivités territoriales pour les évolutions budgétaires, pourtant bien ancrée : « Notre devoir est de faire en sorte que la France cesse d'être le champion d'Europe de la dépense publique, qu'elle soit locale, départementale, régionale ou nationale.65 »

L’analyse de la hausse des dépenses des collectivités territoriales doit tenir compte des transferts de compétences intervenus, mais ne doit pas se limiter à cet élément. Depuis 1998, les dépenses hors transferts de compétences ont connu une croissance plus forte que le PIB (en moyenne + 3,1% par an [4,1% avec transfert]), et expliquent à elles seules les deux tiers de l'augmentation constatée depuis dix ans. De plus, les transferts de compétences ont été effectués pour l'essentiel vers les départements et les régions. C’est toutefois le secteur communal qui est responsable de la moitié de l'évolution des dépenses des collectivités66.

Les départements, comme les régions, déplorent régulièrement l’insuffisance des compensations et des effectifs transférés pour permettre un bon fonctionnement et une bonne gestion des compétences transférées. C’est la volonté légitime des élus de rendre aux citoyens un service de meilleure qualité que l’État. Mais si les élus décident d’améliorer les services liés à une nouvelle compétence, couverte par le principe de libre administration, il est juste qu’ils assument également les coûts qu’une telle décision entraine.

En revanche, les modifications législatives décidées par l’État (RMI puis RSA, accueil des handicapés et personnes âgées, nouvelles normes, etc.) qui augmentent indirectement les coûts de gestion des collectivités territoriales devraient être intégralement compensées par l’État.

64 Le Lidec Patrick, Le Lidec 2009, op. cit., p. 485.

65 Sarkozy Nicolas, Sarkozy 2009, op. cit., p. 5.

66 Creyssel Jacques, « Le coût de l'organisation territoriale et de la décentralisation », Revue Politique et Parlementaire, 1053, 2009, p. 87–94, p. 90.

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Il faut ensuite considérer les dépenses non obligatoires des collectivités. Pour les départements, 38% du total des dépenses en moyenne sont consacrées à des actions qui ne relèvent pas, en théorie du moins, de leur compétence (développement économique, culture, tourisme, etc.). Autant de domaines où les conseils généraux ne se sont pas privés d'intervenir, doublonnant avec les autres collectivités, conséquence de la clause de compétence générale.

Proportionnellement, c’est le département du Nord qui consacre, avec seulement 20% de son budget, le moins de dépenses à ces compétences non obligatoires. En effet, les régions et les départements dépensent environ 20 mds. € par an en intervenant dans les mêmes domaines. L’enchevêtrement des échelons, les financements croisés et une gestion éclatée entre acteurs constituent des problèmes cruciaux.

Outre ces éléments structurels, la hausse des effectifs au sein de la fonction publique territoriale pose une difficulté majeure. L’enjeu apparaît clairement à la lumière du rapport de la Cour des comptes sur « la conduite par l’État de la décentralisation ». De 1980, soit avant l'acte I de la décentralisation, à 2006, après l'acte II, les effectifs des collectivités territoriales sont passés de 1 million à 1,6 million d'agents, ce qui correspond à une hausse de 62,8%. Le plus étonnant est que les plus fortes hausses d'effectifs n'ont pas été observées dans les départements (+28,5%) - la collectivité à qui ont été transférées le plus de nouvelles compétences - mais dans les communes (+ 47,5 %) et les intercommunalités (+ 147 % !)67. Au lieu de réduire leurs effectifs pour compenser la hausse des structures intercommunales, les communes ont créé de nombreux «doublons». A titre de comparaison, l’Allemagne a diminué drastiquement (environ -40%) le personnel dans les communes depuis le début des années 1990. Cette diminution est due en partie à la réunification. Il y a toutefois aujourd’hui moins d’agents communaux pour 1000 habitants en Allemagne (17) qu’en France (25), alors que dans les années 1990 c’était encore le contraire (respectivement 25 et 20)68.

67 Cour des comptes, La conduite par l'État de la décentralisation. Rapport public thématique, 27.10.09, p. 83.

68 Kuhlmann Sabine, « Une convergence des modèles administratifs locaux? Étude comparée de la décentralisation en France et Allemagne », Pouvoirs locaux, 81, 2009, p. 81–85, p. 84.

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