• Aucun résultat trouvé

La première fonction de l’ADF est de faire connaître au gouvernement la position des départements sur tous les projets législatifs ou réglementaires qui concernent leurs missions, compétences ou activités. Dans cette fonction, elle veille à ce que leurs prérogatives soient respectées, notamment par l’État. Ensuite, l’ADF défend les intérêts du département comme échelon de l’organisation territoriale. Troisièmement, elle conduit un travail de concertation sur la mise en œuvre des compétences transférées y compris leurs dimensions financières.

Ce travail permet non seulement de défendre les intérêts des départements face aux autres acteurs, mais favorise également l’échange de ‘bonnes pratiques’ en interne. Enfin, l’ADF est une « instance de liaison et de représentation avec toutes les autres institutions et organisations de la vie économique et sociale 183».

Comme lobby institutionnel, l’Assemblée des départements dispose d’avantages spécifiques184 qui lui permettent de peser d’un poids plus important dans les processus législatifs que ne le peuvent les lobbies ordinaires.

Quoique l’ADF ne dispose pas directement de moyens financiers importants, il ne faut pas sous-estimer les moyens qu’elle peut activer indirectement, via les budgets de communication de leurs membres, notamment, ou par sa capacité à susciter des partenariats permettant de financer des études, comme celle réalisée par KPMG en partenariat avec le groupe Caisse d'épargne sur l'évaluation des impacts financiers d'une réforme de l'organisation territoriale185.

183 Minot Eugène, Département, conseil général, décentralisation. Compétences et rôle du Conseil

Général et de son Président, Voiron, Paris, Éd. de "La Lettre du cadre territorial"; Assemblée des départements de France, 2000b, p. 72.

184 Les passages suivants sont inspirés par des propos qui se trouvent chez Hermel Laurent, Le

lobbying institutionnel. Au service des collectivités territoriales, Voiron, La lettre du cadre territorial (coll. « Dossier d'experts »), 2000, p. 40. et Clamen Michel, Manuel de lobbying, Paris, Dunod (coll. « Stratégies et management »), 2005, p. 68.

D’autre part, l’accès à l’arène politique nationale est presque naturel car bon nombres de présidents de conseils généraux cumulent leur mandat avec celui de parlementaire (19 présidents de conseils généraux sont élus à l’Assemblée nationale et 39 au Sénat186). S’ajoute un nombre considérable de conseillers généraux et vice-présidents présent au Palais Bourbon et au Palais du Luxembourg. Ainsi l’ADF dispose de ‘ténors’ qui sont écoutés à tous les niveaux de l’État, y compris au gouvernement, dont plusieurs membres ont assumé dans leur parcours politique des responsabilités départementales. Ces faits facilitent l’accès à des arènes relativement fermées où les réformes des institutions locales s’élaborent187.

À la différence d’autres lobbies, l’ADF n’est pas soupçonnée par les citoyens de défendre des intérêts particularistes ou des objectifs économiques. Lorsqu’elle met en avant des intérêts économiques, c’est pour la ‘bonne cause’. Elle dispose donc d’une image favorable, dont la réalité peut toutefois différer.

Associant son influence politique au niveau national à ses compétences importantes au niveau départemental, l’ADF dispose d’un accès facilité aux grands médias. Comme échelon de proximité reconnu, le département traite les problèmes quotidiens des Français, sujets de bon nombre de reportages médiatiques.

De plus, l’ADF est devenue un acteur incontournable dans des structures spécialisées de concertation qui ont été établies suite à la décentralisation. Sous la présidence du Premier ministre, elle participe à la conférence nationale des exécutifs (CNE) et envoie des représentants au comité des finances locales (CFL), ainsi que dans ses formations restreintes, la commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC) et la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). Elle dispose d’une relation privilégiée avec la direction générale des collectivités locales (DGCL) qui « relaie aussi les protestations des élus locaux et constitue pour eux un puissant avocat au plan interministériel. Lʼinfluence dont dispose le ministère de

186 Forray Jean-Baptiste et Fagnart Sylvie, « Le cumul des mandats, meilleure arme des associations

d'élus? », La Gazette des communes des départements et des régions, 16.11.09a, p.46, p. 46.

187 Le Lidec Patrick, « Chapitre 9: La réforme des institutions locales », Académique, 1, 2008, p. 255–281, p. 257.

lʼIntérieur dans lʼÉtat repose assez largement sur cette relation privilégiée avec les élus locaux.188 »

Par sa nature ʻinstitutionnelleʼ, lʼADF dispose également de moyens juridiques pour défendre sa position. Ainsi Claudy Lebreton met en garde dans les débats sur la réforme des collectivités territoriales: « Enfin, je n'exclus pas de porter cette affaire devant le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel et la Cour de justice européenne.189 »

Du fait de l’expertise de ses membres et avec son propre bureau à Paris, l’ADF dispose de moyens d’étude et d’information. Néanmoins cette capacité mérite être renforcée comme le propose le maire de Sceaux, Philippe Laurent : « Une autre idée (…) est que les grandes associations d’élus aient l’intelligence de se doter d’une structure commune d’observations et d’analyses techniques. Nous sommes, en effet, extrêmement dépendants de l’État pour toute étude chiffrée ou toute simulation lorsqu’une réforme est annoncée. 190»

En outre, l’assemblée des départements peut rapidement mobiliser ses adhérents pour des actions d’envergure comme nous allons par la suite. Cette mobilisation peut être relayée auprès de réseaux de la société civile qui touchent des espaces sociaux variés à des échelles différentes. Dans l’esprit de Jürgen Habermas, nous pourrions affirmer que les conseillers généraux réussissent à contribuer à la formation du contexte périphérique de l’espace public par des flux de communications informels, différenciés et mis en réseaux191.

Cependant, l’assemblée des départements doit composer avec certains inconvénients qui limitent son poids et l’efficacité de ses actions.

188Ibid., p. 257–258.

189 Moreau Philippe, « Une réforme territoriale jugée confuse, mal expliquée et non prioritaire », Les Echos, 17.11.09, p. 5.

190 Laurent Philippe, « "Les collectivités locales dépensent trop…" un lieu commun parmi d'autres », Pouvoirs locaux, 83, 2009b, p. 53–59, p. 59.

191 Habermas Jürgen, Faktizität und Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des

demokratischen Rechtsstaats, Frankfurt a.M., Suhrkamp (coll. « Suhrkamp Taschenbuch Wissenschaft »), 1998, p. 431.

La première limite réside dans le fait qu’elle doit représenter des intérêts multiples qui peuvent être contradictoires. Ces intérêts contradictoires s’expliquent par les différences entre les partis politiques d’une part, et par l’hétérogénéité des départements de l’autre. En effet, les intérêts du département des Hauts-de-Seine, du département du Nord ou du département Hautes-Alpes divergent forcément du fait de leurs différences en termes de structure économique, de population ou encore de géographie.

Les différences entre partis politiques sont également difficiles à gérer. Ainsi existent au sein de l’ADF un groupe de présidents de conseils généraux de droite et un groupe de gauche, chacun intervenant parfois séparément dans l’espace public. Par conséquent, l’ADF dans son ensemble est de temps en temps forcée d’adopter des positions ‘moyennes’ ou au contraire trop ‘tranchées’.

La deuxième limite ressort du même problème : l’inadaptation des positions adoptées par l’ADF à la problématique spécifique d’un de ses membres. De plus, existent des sujets qui ne touchent qu’une partie des adhérents. Le cas de la création des métropoles que nous avons étudié en est une illustration particulièrement pertinente. En effet, les départements du Centre, ne disposant d’aucune ville pouvant aspirer au nouveau statut de métropole, sont plutôt indifférents à ce sujet.

B. La stratégie de lobbying de l’ADF face à la stratégie du