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De la notion de pratique à celle d’unité fonctionnelle 34

Dans le document Le maître E dans ses rôles de partenaire (Page 35-37)

Chapitre 2 : structures théoriques et méthodologie 27 

3.   De la notion de pratique à celle d’unité fonctionnelle 34

Pas toujours centrées sur la relation enseignement-apprentissage, les pratiques d’aide indirecte peuvent être repérées dans les temps de concertation, les différents conseils (des maîtres, d’école, de cycles ...), la relation aux familles. En ce sens, elles sont souvent confondues avec de la communication, elles sont rarement reconnues comme constitutives du métier, ou sont positionnées comme périphériques (Lebeaume, 2004), y compris par les maîtres E eux- mêmes. Ce manque de visibilité rend impossible une observation première ou naïve conduite, par exemple, à partir d’entretiens ou de questionnaires. Ces caractéristiques supposent une observation instrumentée d’une durée suffisante permettant de révéler (au sens photographique du terme) les pratiques collaboratives que nous développerons plus loin.

Reste que la notion de pratique n’était pas suffisamment opérante pour à la fois situer l’activité des maîtres E et celle de leurs collègues, et en même temps interroger les liens qui se tissent autour de l’élève. Si nous partageons avec Malglaive (1990) et Trinquier (2005) l’idée qu’une pratique puisse se définir à partir d’actions régulières, récurrentes, de répétitions à l’identique de ce qui a marché, et avec Bru (2003) l’idée que la classe et les programmes scolaires puissent être les organisateurs dominants des pratiques enseignantes, aucun de ces auteurs n’identifie clairement le contexte de celles-ci. Comme nous avons eu l’occasion de l’évoquer en introduction, (Marcel & Piot, 2005) a eu le mérite d’attirer notre attention sur le fait que les pratiques enseignantes pouvaient se dérouler hors la classe. Tous ces auteurs ont permis d’identifier de plus en plus précisément le travail enseignant, mais à un niveau de grain qui ne peut qu’aboutir à une description catégorisée des différents contextes d’exercice (Landry, 1994), et à des typologies d’ordre organisationnel (Lesain-Delabarre, 1999) ou selon le degré de coopération des acteurs (Demailly & Verdière, 1999). Dans le même temps, un certain nombre d’autres auteurs entrent, eux, dans l’examen des pratiques du maître E à des niveaux de grain d’analyse très serrés et contribuent au développement d’un champ d’étude en cours de structuration, mais réel (Félix & Saujat, 2008; Vannier & Pierrisnard, 2008) plutôt orienté par la perspective didactique.

Notre entrée par les pratiques collaboratives situées dans les interstices du métier a posé comme prioritaire l’examen des liens qui unissent ces différents niveaux et types de pratiques, et ces différents acteurs. Il nous faut tout à la fois identifier précisément le contexte spatio- temporel dans lequel les pratiques se déploient, identifier les acteurs concernés et surtout ce qui oriente leur activité, donc l’unité fonctionnelle dans laquelle ils exercent. L’analyse de ces unités devrait rendre possible l’accès à la diversité des liens qui constituent la complexité des

35 pratiques. Notre objectif sera alors de trouver des points d’appui pour situer et référer les pratiques à des intentions, à des acteurs et à des contextes spécifiés et, dans le même temps, accéder aux relations qu’elles entretiennent.

Nous entendons par unité fonctionnelle, en référence aux travaux de Claparède (Hameline, 1993), un système organisé repéré et institué, entre autre, par la prescription en matière d’espace, de temps, et d’activité, et qui se situe à l’intérieur d’autres espaces de pratiques professionnelles comme l’école ou l’institution. Ainsi, les unités fonctionnelles sont des entités organisées pour une fonction précise, révélant par là même une certaine homogénéité de fonctionnement, car orientées par leur finalité. Les unités fonctionnelles sont des vecteurs d’action, mais l’espace et le temps restent insuffisants à leur compréhension, seule l’activité des acteurs permet d’accéder au sens de l’action et à ce qui la finalise. Si les unités fonctionnelles de l’enseignement sont orientées vers l’acquisition des savoirs inscrits dans les programmes, celles du regroupement d’adaptation sont orientées vers le dépassement de la difficulté à apprendre, ce qui induit des modalités d’organisation de l’activité des élèves différentes. La classe est une unité fonctionnelle orientée par l’enseignement-apprentissage ; celle du regroupement d’adaptation est située différemment et orientée par une aide spécifique, le plus souvent en relation avec la lecture ou les mathématiques ; mais étant orientée vers la résolution du dépassement de la difficulté, les stratégies vont être différentes de celles de la classe. Dans d’autres circonstances, comme lors de co-intervention ; le travail du maître de milieu « ordinaire » et celui du maître E peuvent se déployer dans un même espace professionnel (la classe par exemple, ou l’aide personnalisée) et dans un temps commun, mais peuvent faire fonctionner deux unités fonctionnelles qui cohabitent en parallèle, coopèrent ou fusionnent selon le degré de négociation de l’action. L’activité du maître de la classe y est orientée par les contenus et les programmes, alors que celle du maître E vise les élèves en difficulté. Dans la même logique, lorsque maître E, maître de milieu ordinaire, psychologue, directeur et parents se retrouvent lors d’une réunion de synthèse, une équipe de suivi ou une équipe éducative, l’espace professionnel et le temps métré de la réunion sont les mêmes (ceux de la réunion), mais les activités diffèrent (le maître de la classe décrit les problèmes qu’il rencontre avec l’élève, le directeur préside la réunion, le psychologue interprète les éléments donnés à voir, les parents s’informent sur la situation etc..). Seule la réduction des écarts autour de ce qui fait problème, lors des échanges, permettra la construction d’une activité commune orientée vers l’aide à l’élève et le développement d’une unité fonctionnelle homogène. C’est bien là qu’intervient le rôle du partenariat pour construire un collectif d’action négociée (Mérini, 1999) permettant une aide

Mérini/Thomazet/Ponté

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36 indirecte et directe à l’élève. C’est donc la négociation qui se développe entre les activités qui va conduire à une action commune, et non la seule distribution d’un espace de concertation et/ou d’un temps métré commun.

La notion d’unité fonctionnelle nous permet d’une part de dissocier ce que nous appelons aide directe (le regroupement d’adaptation, l’aide personnalisée, etc.) orientée par une activité d’aide directe à l’élève, et les aides indirectes où le maître E collabore avec ses collègues ou des partenaires pour structurer un parcours personnalisé d’aide orienté par les difficultés spécifiques de l’élève, ou aider le maître de la classe pour aider les élèves en difficulté. L’aide, dans les représentations collectives, est avant tout bornée par son cadre spatio- temporel d’intervention (deux heures d’aide personnalisée, aide spécialisée, etc.) Ainsi, la notion d’unité fonctionnelle permet à la fois de décrire l’environnement des pratiques étudiées et d’explorer l’activité menée par les professionnels dans un contexte, parfois commun, sans que les finalités et l’action soient pour autant partagées. Cette lecture des pratiques collaboratives au travers des unités fonctionnelles permet de pointer une grande diversité de situations du fait des politiques locales, de la diversité des conditions matérielles ou des héritages de l’histoire ! Reste qu’il nous faut interroger les liens qui existent (ou non) entre ces unités qui, elles, structurent le système d’aide.

Dans le cadre ainsi défini, notre objectif de recherche est d’explorer les glissements qui s’instaurent dans les pratiques professionnelles de maîtres E « chevronnés », au travers du registre plus spécifique de leurs pratiques collaboratives.

4. Des structures théoriques plurielles pour aborder la

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