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des contributions durant la vie active du contribuable, à laquelle répond, par symétrie, l’imposition des revenus à l’échéance (I.). La seconde partie met l’accent sur la naissance des prestations de vieillesse (II.).

Nous n’aborderons pas les trois possibilités d’obtenir un versement anticipé avant l’âge de la retraite que sont le départ définitif de Suisse, l’encouragement à la propriété du logement et le démarrage (ou la modification) d’une activité indépendante.

I. TRAITEMENT FISCAL DE LA PRÉVOYANCE

Cette première partie débute avec une définition de la notion fiscale de prévoyance (A.). Elle aborde ensuite la déductibilité des contributions uniques et périodiques (B.), avant d’examiner l’imposition des rentes et des prestations en capital (C.).

A. Notion

1. Fondement : couverture graduelle d’un pilier à l’autre Le régime de prévoyance représente l’un des acquis fondamentaux

— certes toujours fragile — de l’ordre juridique suisse. La Constitution

fédérale emploie une métaphore pour en décrire l’architecture : l’ou-vrage repose sur « trois piliers » (Cst. 111 I). En se superposant, chacun d’entre eux apporte une couche de protection supplémentaire.

– Le 1er pilier assure les conditions minimales d’existence1.

– Le 2ème pilier permet de maintenir le niveau de vie antérieur de l’assuré de manière appropriée (Cst. 113 II a)2.

– Le 3ème pilier complète l’édifice3.

L’assurance-vieillesse survivants et invalidité (1er pilier) consacre le principe de l’affiliation obligatoire. La prévoyance professionnelle (2ème pilier) mêle affiliations obligatoire pour les salariés et facultative pour les indépendants. Les piliers 2 et 3a servent tous les deux à la pré-voyance professionnelle, celui-là sous une forme collective et celui-ci à titre individuel4. La couverture s’étend ainsi graduellement d’un pilier à l’autre.

Dans un mouvement inverse et cohérent, l’intervention de l’Etat diminue à chaque étape du processus. D’obligatoires et collectives, les contributions deviennent facultatives et individuelles : le régime de prévoyance conjugue ainsi solidarité et responsabilité individuelle.

2. Définition et éléments caractéristiques a. Mesures pour l’avenir

Dans le langage courant, le terme de prévoyance désigne le soin par lequel on prend des mesures pour l’avenir5. Se montrer prévoyant consiste dès lors à limiter les conséquences négatives de certains événements situés dans le futur. La technique de mutualisation des ris-ques (assurance) s’est imposée par cercles concentriris-ques : elle a d’abord conquis des groupements étroits (famille, voisinage, corps de métier),

1 Selon l’art. 112 al. 2 let. b Cst., les rentes du 1er pilier doivent couvrir les « besoins vitaux » de manière appropriée ; si tel n’est pas le cas, la Confédération et les cantons versent des prestations complémentaires (Cst. 112a I) ; cf. ég. GREBER /KAHIL-WOLF / FRÉSARD-FELLAY /MOLO, p. 141 s.

2 Selon le Message du CF du 19 décembre 1975 à l’appui d’un projet de loi sur la pré-voyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (FF 1976 I 117, p. 1250 s.),

« le maintien du niveau de vie antérieur peut être garanti par une rente globale (rente du premier et du deuxième pilier) de 60 pour cent du salaire pour une personne seule […] » ; sur l’historique de l’introduction de l’art. 34quater aCst., cf. GNAEGI, p. 25-30.

3 LOCHER, Kommentar zum DBG, N. 4 ad art. 22 LIFD ;LAFFELY MAILLARD, CR LIFD, N. 6 ad art. 22 LIFD ; JUNGO, p. 98.

4 Arrêt du TF 9C_218/2015 du 15 octobre 2015 consid. 6.2.

5 Cf. Dictionnaire de la langue française « E. Littré » (éd. 1873-1874), deuxième sens de l’entrée « prévoyance ».

avant de s’étendre à des institutions (Église) ou à des communautés plus larges (État)6.

b. Affectation durable, exclusive et irrévocable de ressources à la couverture de risques définis par la loi

La notion fiscale de prévoyance comporte trois éléments caractéristiques.

Elle suppose l’affectation durable7, exclusive et irrévocable8 de res-sources (1re condition) à la couverture des risques (ou éventualités) vieillesse, survivants et invalidité (2ème condition). Avant la survenance de ces trois éventualités, l’assuré est titulaire d’une simple expectative9 (3ème condition). Tant que dure le rapport de prévoyance, les ressources affectées à la prévoyance sont donc indisponibles.

c. Fragilité de la force de travail

La prévoyance est intimement liée à l’exercice d’une activité lucrative.

Le travail compte, avec le capital et la terre, parmi les trois sources de revenus. Si chacune d’entre elles génère des revenus durables et régu-liers, toutes n’ont pas la même durée de vie. Le capital et le travail s’usent et s’épuisent, alors que la terre résiste à l’écoulement du temps.

La fragilité relative de cette source de revenus explique pourquoi le travailleur doit se montrer prudent (ou être incité à la prudence) durant 2C_43/2010 du 18 juin 2010 consid. 2.3.1 ; cf. Message sur la prévoyance profes-sionnelle, op. cit., p. 185.

8 La condition de l’affectation exclusive et irrévocable des ressources est générale-ment envisagée du point de vue de l’institution de prévoyance, cf. not. arrêt du TF 2A.50/2000 du 6 mars 2001 consid. 3c)bb) publié à la RDAF 2001 II 253, p. 256 ; LAFFELY MAILLARD, CR LIFD, N. 23 ad art. 22 LIFD ; VUILLEUMIER / VON STRENG, p. 138 ; cf. STEINMANN,Traitement fiscal de la prévoyance professionnelle, p. 95 s. ; cf. Mes-sage sur la prévoyance professionnelle, op. cit., p. 182, p. 240 et p. 281.

9 ATF 126 V 258 consid. 3a p. 263 ; 117 V 303 consid. 2c p. 308 ; RICHNER, p. 516 s. ; LAFFELY MAILLARD, CR LIFD, N. 14 (2ème pilier), N. 18 (comptes et polices de libre passage) et N. 23 (3ème pilier A) ad art. 22 LIFD ; LIÉGEOIS, p. 439 (2ème pilier) et p. 451 (3ème pilier a) ; RICHNER /FREI /KAUFMANN /MEUTER, N. 41 ad art. 22 LIFD ; LOCHER, N. 47 et N. 51 ad art. 22 LIFD ; sur la relation entre expectatives et droits acquis, SCHNEIDER,Le 2e pilier et les droits acquis : où va la jurisprudence du Tribunal fédéral ?, p. 67 s. ; ég. AFC, Circulaire N. 18 du 17 juillet 2008 intitulée : « Imposition des cotisations et des prestations du pilier 3a », ch. 6.1 ; d’un autre avis en lien avec le droit des successions, JUNGO (p. 99) est d’avis que le 3ème pilier a donne lieu à une prétention ferme (festen Anspruch) et non à une expectative (Anwartschaft), car elle sera exigible tôt ou tard.

l’exercice de son activité. L’épuisement de sa force de travail l’oblige à différer une partie de son revenu pour répondre à des besoins futurs et se prémunir de l’aléa. Il lui faut renoncer à une partie de sa consom-mation actuelle au profit d’une consomconsom-mation future, c’est-à-dire épar-gner. Est donc prévoyant quiconque affecte une partie du produit de son travail à la couverture de certains risques définis par la loi.

3. Financement

Deux approches coexistent dans le financement du régime de pré-voyance en Suisse.

Le 1er pilier suit la logique de la répartition : les cotisations des actifs financent les prestations des retraités, le fonds de compensation assu-rant le « tampon ». L’absence d’identité entre cotisants et bénéficiaires caractérise le financement par répartition10.

Les 2ème et 3ème piliers suivent la logique de la capitalisation : les assurés financent aujourd’hui leurs prestations de demain. Ils se consti-tuent ainsi progressivement un capital qui leur sera restitué à l’heure de la retraite11.

– Dans l’AVS, comme dans la prévoyance professionnelle stricto sensu12, l’employeur participe au financement des expectatives du salarié (Cst. 112 III a et 113 III).

– En revanche, dans la prévoyance individuelle liée (assimilée à la prévoyance professionnelle), l’assuré cotise seul.

Ces approches s’opposent et se complètent.

– Le système de répartition est particulièrement sujet à la stagnation des salaires et à l’évolution démographique, tandis que celui de la capitalisation subit les fluctuations des marchés financiers.

– La combinaison des deux systèmes favorise la réparation des risques et la solidarité entre les générations13. A l’effort de tous succède

10 DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE LINTÉRIEUR (DFI), Rapport de recherche n° 5/05 du mois de février 2005 intitulé « Comparaison entre l’AVS et la prévoyance professionnelle (PP) sous l’angle économique » (Rapport DFI), p. 5 ; le Rapport DFI donnait suite aux postulats 02.3495 Leutenegger / Oberholzer du 26 septembre 2002 et 03.3522 Strahm du 2 octobre 2003.

11 Rapport DFI (op. cit. p. 6) « [l]e financement par capitalisation repose sur la consti-tution progressive d’un capital destiné à financer le versement d’une rente viagère une fois atteint l’âge de la retraite. » ; pour une illustration, cf. ATF 135 V 382 consid. 10.5 p. 402.

12 On utilise l’expression stricto sensu pour désigner exclusivement le 2ème pilier ; le pilier 3a (prévoyance individuelle liée) est, rappelons-le néanmoins, assimilé à la pré-voyance professionnelle.

13 Rapport DFI, p. 59.

ainsi l’initiative de chacun sur le continuum de la prévoyance en Suisse.

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