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Processus de localisation de la déformation

III. PROCESSUS DE LOCALISATION DE LA DEFORMATION

5. Rôle du couplage fragile/ductile dans le processus de localisation

5.3. Notion de longueur de corrélation

Dans la mesure où les expériences ont une taille finie, les lois d’échelles ne peuvent se prolonger à l’infini. Au-delà d’une certaine longueur, appelée longueur de corrélation ξ, le paramètre mesuré (la déformation moyenne ou la moyenne des déformations au carré en l’occurrence) est supposé se stabiliser et devenir invariant en fonction de l’échelle. La longueur de corrélation correspond de manière générale à la distance maximale (ou moyenne) d’influence entre les différents points du système. Au-delà de cette distance, il n’y a plus de corrélation entre les points de mesure.

Figure 95 : Modèle attendu pour la stabilisation de la déformation moyenne au carré <I2> au-delà de la longueur de corrélation ξ. R correspond à l’échelle de résolution. La loi d’échelle (décroissance en loi de puissance) est donnée dans une échelle log-log : a exposant, (R*, ε*2

) point appartenant à la loi de puissance et ε0 est la déformation appliquée aux bornes du système.

Par analogie avec la théorie de la percolation, la Figure 95 présente l’évolution idéale attendue de la déformation moyenne <I2> avec l’échelle de résolution R, et définit une façon de calculer la longueur de corrélation. <I2> décroît selon une loi de puissance d’exposant « a », puis se stabilise au-delà de ξ à la valeur de la déformation incrémentale appliquée aux bornes du système. La longueur de corrélation ξ est alors définie comme l’intersection, dans un graphique log-log, entre la droite définie par la loi d’échelle et la droite constante correspondant à la déformation appliquée aux bornes du système ε0 au carré, d’où :

1/a 2 2 0) * εε ( * R = (3- 25)

(R*, ε*2) est un point appartenant à la loi d’échelle et a l’exposant de la loi d’échelle.

Dans nos expériences, l’observation et la définition d’une longueur de corrélation posent un problème. En effet, le niveau moyen de déformation ε* dans l’expérience est très supérieur à la valeur de la déformation appliquée aux bornes du système ε0 (d’un facteur 5 ; cf. Figure 96). De plus, même

si la stabilisation de la déformation à une valeur élevée avait lieu, celle-ci ne pourrait être observée, car aux grandes échelles, les effets de la taille finie du système influencent la valeur de la déformation et la font décroître en loi exponentielle vers la valeur de la déformation appliquée aux bornes du système (cf. Figure 96). D’autre part, la déformation moyenne ε* augmente au cours du temps (cf. Figure 79-A) ; il se pose alors le problème de la définition de la valeur de stabilisation de la déformation.

Pour s’affranchir de ce problème de dépendance de la déformation moyenne avec le temps, la moyenne des déformations au carré <I2> est normalisée par la déformation moyenne au carré <I>². Le rapport <I>2/<I2> est appelé P. On s’affranchit ainsi des fluctuations de la déformation moyenne ε* au cours du temps. En remarque, ce paramètre P correspond à l’inverse du paramètre S2 introduit dans la partie précédente (Sornette et al., 1993 ; Davy et al., 1995 ; Bonnet, 1997). Pour une échelle de résolution donnée, lorsque le rapport P vaut 1, c’est-à-dire <I2> = <I>2, les fluctuations spatiales de la déformation moyenne sont lissées par l’échelle. La déformation peut alors être considérée comme homogène dans le système. Au contraire, si P est supérieur à 1, la déformation n’est pas répartie de façon homogène dans le système, mais est plus particulièrement localisée sur certaines zones.

Figure 96 : Evolution de la moyenne quadratique des déformations <I2> en fonction de l’échelle de résolution et du raccourcissement pour l’expérience 15 (Γ=1.6). ε02 est le carré de la

Figure 97 : Evolution du rapport <I2>/<I>2 pour l’expérience 15 (Γ=1.6) en fonction de l’échelle de résolution à différents stades de raccourcissement. ξ représente la longueur de corrélation.

La Figure 97 présente l’évolution du rapport P=<I2>/<I>2 en fonction de l’échelle de résolution pour l’expérience 15 (Γ=1.6). Pour un stade de raccourcissement donné, P diminue avec l’échelle de résolution en suivant une loi de puissance. Cette décroissance en loi de puissance résulte de la combinaison des deux lois de puissance que suivent <I> et <I2> en fonction de l’échelle de résolution (cf. équations 3-15 et 3-16). L’évolution de P avec l’échelle de résolution R s’écrit donc :

2 1 α

R

P(R)=

α

(3- 26)

α est une constante pour une étape de la déformation donnée.

Vers 200-250 mm, la loi de puissance n’est plus valide et les valeurs de P, pour les différents stades de raccourcissement, se stabilisent autour d’une valeur de 1.06. La rupture de pente est dans ce cas beaucoup plus nette que pour les courbes de déformation moyenne. Le cas idéal voudrait que la valeur de P se stabilise à une valeur de 1 (déformation homogène). Or, l’existence de zones d’ombre, en avant du piston et de la bordure de boîte, fait que la déformation, même pour une grande échelle de résolution, ne peut être complètement homogène. P tend vers 1 pour des tailles de mailles supérieures ou égales à la largeur de l’expérience. Quoiqu’il en soit, la stabilisation de P se fait à une valeur identique pour les différents stades de raccourcissement ; une même valeur de référence P0 (par analogie à ε0) peut être prise : P0 = 1. La longueur de corrélation ξ est définie comme l’intersection entre la loi de puissance et l’axe horizontal P égal à 1 (cf. Figure 97). ξ vaut alors, d’après les équations 3-25 et 3-26 : P(R) =1 ⇒ 2α1-α2

)

1

(

α

=

.

Si la longueur de corrélation est aisément définissable après localisation, c’est-à-dire pour des raccourcissements supérieurs à 7%, il n’en est pas de même pour la période pré- et syn-localisation. En effet, l’exposant de la loi de puissance décrite par <I2>/<I>2 est variable pendant la période de

localisation. Il ne se stabilise qu’après la localisation de la déformation. De manière générale, cet exposant décrivant la décroissance du rapport P avec l’échelle reflète la façon dont les fluctuations des déformations s’organisent. On peut s’attendre à ce que cet exposant soit invariant au cours d’une même expérience. Avant la localisation de la déformation et la mise en place du réseau de failles, chaque élément évolue plus ou moins indépendamment de son voisin. Les fluctuations ne sont alors pas organisées et corrélées sur de grandes distances. Dans ce cas, on suppose qu’un exposant 2α12

similaire à celui trouvé après localisation existe, mais à de plus faibles résolutions non observables. Les valeurs d’exposant plus faibles, observées pendant la localisation, résultent a priori, du lissage des fluctuations spatiales de la déformation et ne représentent plus vraiment les variations de la déformation liées à la présence des futures failles. Elles correspondraient à la transition entre la loi de puissance décrivant les fluctuations spatiales de la déformation et la zone d’homogénéisation des déformations.

Figure 98 : Hypothèse sur la valeur de l’exposant de la loi de puissance pour le calcul de la longueur de corrélation, avant la localisation. Evolution de P en fonction de l’échelle de résolution : stade 1-début du raccourcissement ; stade 2-phase de localisation ; stade 3-post-localisation. L’hypothèse considère que l’exposant est constant mais ne peut être observé aux échelles d’observation avant localisation de la déformation; ce qui est observé correspond alors à

une zone de transition.

La Figure 98 présente l’hypothèse faite sur la valeur de l’exposant avant localisation de la déformation (stades 1 et 2). Les traits pleins correspondent aux courbes observées aux échelles d’observation. Les traits pointillés sont extrapolés à des échelles inférieures, de manière à retrouver un exposant de la loi de puissance identique à celui calculé après localisation. En suivant cette hypothèse d’un exposant constant au cours du temps, la Figure 99 présente l’évolution pendant la phase de localisation de la longueur de corrélation. Les valeurs sont largement surestimées puisque la loi de puissance d’exposant 2α12 = -0.08 est appliquée à un point d’échelle de résolution appartenant à l’échelle d’observation et non à des échelles inférieures (cf. Figure 100). Les longueurs de corrélation, calculées pendant la phase de localisation, peuvent être ainsi surestimées de plus d’un ordre de grandeur. Quelle que soit sa valeur avant localisation, la mise en place de la longueur de corrélation est rapide et se fait pendant la phase de localisation (cf. Figure 99).

Figure 99 : Evolution de la longueur de corrélation ξ normalisée par rapport à la longueur initiale du système au cours du raccourcissement. Pendant la phase de localisation, la valeur de la longueur de corrélation est fortement surestimée (cf. Figure 100). Après localisation, la courbe grise retrace le comportement moyen de la longueur de corrélation en considérant l’exposant de la

loi de puissance constant (=-0.08) ou variable.

Figure 100 : Mesure de la longueur de corrélation. a- Après localisation, la loi de puissance est bien définie et présente un pente constante au cours du temps ; b- Avant et pendant la localisation, une pente identique n’est pas retrouvée : une loi de puissance est appliquée à un point appartenant à l’échelle d’observation, bien qu’elle ne satisfasse pas la pente locale. La longueur de corrélation est alors surestimée. Il n’est pas possible d’évaluer la longueur de corrélation réelle, si elle existe,

Tous ces calculs et hypothèses montrent que la détermination de la longueur de corrélation est difficile pendant la phase de localisation. De même, l’existence de variations de la valeur de l’exposant de la loi de puissance sur une gamme restreinte ne peut être exclue. C’est pourquoi dans la Figure 99, après localisation, la longueur de corrélation a été calculée en prenant un exposant 2α12

constant à -0.08 (cercles blancs ; stabilisation des exposants α1 et α2 ; cf. Figure 81-A et Figure 82) ou variable (carrés noirs). La variation de 2α12 est de l’ordre de +/- 0.03. La longueur de corrélation est normalisée par rapport à la longueur initiale de l’expérience. Les deux méthodes (exposant variable ou constant) présentent alors des évolutions comparables (cf. Figure 99). La longueur de corrélation varie entre 0.16 et 0.4 ; c’est-à-dire entre 144 mm et 360 mm (la largeur de l’expérience initiale est de 350 mm). L’augmentation de la longueur de corrélation après localisation de la déformation semble montrer que la déformation continue à s’organiser sur des échelles de plus en plus grandes. En effet, si l’on se rapporte à l’évolution de la dimension de corrélation Dc (cf. Figure 83), celle-ci continue à décroître après 12% de raccourcissement.

Figure 101 : Evolution de la longueur de corrélation post-localisation normalisée par la longueur initiale de l’expérience en fonction du raccourcissement et pour trois valeurs du paramètre

fragile/ductile.

De la même façon, la longueur de corrélation ξ a été calculée pour des expériences présentant différents paramètres fragiles/ductiles Γ. Pour une valeur de Γ inférieure à 1.2, la dimension de corrélation ne peut être calculée. En effet, les exposants de la loi de puissance restent extrêmement faibles sur la gamme des échelles observables, même après localisation. Les longueurs calculées sont alors très importantes (très largement supérieures à la taille de l’expérience) et n’ont aucune réalité physique. En revanche, la Figure 101 présente l’évolution de la longueur de corrélation pour des expériences ayant une valeur de Γ supérieure à 1.2. Les courbes présentées correspondent à l’évolution moyenne de la longueur de corrélation mesurée en prenant soit un exposant constant, soit un exposant variable. Après localisation, la longueur de corrélation normalisée est comprise entre 0.16 et 0.25. Contrairement à l’évolution de l’expérience 15 (Γ = 1.6 ), la longueur de corrélation reste assez stable au cours du raccourcissement, avec une légère inflexion au cours de son évolution, pour des valeurs de

Γ de 4.6 et 6.1. Pour Γ=4.6, la longueur de corrélation est stabilisée autour de 200 mm avec un point bas à 144 mm (pour une largeur initiale du système de 350 mm). Pour Γ=6.1, la longueur de corrélation est stabilisée autour de 110 mm pour une largeur initiale du système de 250 mm. Dans toutes les expériences, juste après localisation, la longueur de corrélation correspond ainsi approximativement à la demi-largeur de la couche de sable. Pour l’expérience très localisante (Γ=6.1), cette longueur de corrélation correspond également à la largeur des blocs les plus grands non déformés. En revanche, pour les autres expériences, la longueur de corrélation englobe plusieurs blocs non déformés.

Comme pour l’expérience 15, les variations de la longueur de corrélation post-localisation peuvent être reliées à l’évolution de la dimension de corrélation et donc implicitement à l’apparition ou à l’abandon de certaines failles. Ainsi, entre 15 et 20% de raccourcissement, la dimension de corrélation chute pour des Γ de 6.1 et 1.6 (cf. Figure 93) ; la déformation se concentre sur les grandes failles centrales, ce qui a pour effet d’augmenter les fluctuations de <I2>/<I>2 et donc d’augmenter la valeur de la longueur de corrélation. La « re-localisation » de la déformation, dans le cas d’une expérience présentant très peu de failles, a bien sûr moins d’impact sur la valeur de S2, que dans le cas où le réseau est très dense, car le nombre de failles « abandonnées » est alors proportionnellement moins important. Pour Γ = 4.6, la dimension de corrélation augmente entre 15 et 20%. Il y a alors délocalisation de la déformation ; ce qui a pour effet de faire décroître la valeur de P, d’où la diminution de la longueur de corrélation. Toutes ces variations restent cependant faibles, en particulier sur les expériences très localisantes.

De manière générale, la similitude entre les valeurs de longueurs de corrélation trouvées pour ces différentes expériences, juste après localisation, laisse penser également à un contrôle par les conditions aux limites. En particulier, la largeur de la couche de sable, fixant l’extension maximale du réseau de failles, semble être plus spécifiquement liée aux longueurs de corrélations calculées.

6. Influence d’un régime compressif ou extensif sur le processus de