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Si le comportement mécanique de la lithosphère en profondeur n’est pas clairement défini, la présence de failles à sa surface indique que la localisation de la déformation est un mécanisme essentiel de la déformation de la lithosphère. Le paragraphe 2.1 décrit les principales caractéristiques des réseaux de failles observés à la surface de la lithosphère. Le paragraphe 2.2 reprend la question posée de façon implicite avec la définition du comportement moyen de la lithosphère pour la modélisation, à savoir à quelle échelle se fait la localisation.

2.1. Descriptions des réseaux de fractures

Le terme de fracture est ici appliqué à toute discontinuité présente dans le sous-sol allant de l’échelle millimétrique à kilométrique et englobe les joints ou les failles. Le terme faille est plus particulièrement employé lorsqu’un déplacement ou un rejet peut être défini le long de la fracture.

a. Notion d’invariance d’échelle

Figure 13 : Réseaux de failles observés à différentes échelles : A- Photo d’affleurement et image SPOT du domaine archéen situé à l’ouest de la Côte d’Ivoire (F. Kouamé, 1999). B-Réseau de

failles de Hornelen cartographié à différentes échelles (d’après Odling, 1992)

L’observation des réseaux de fractures a montré que celles-ci s’organisent en réseaux complexes observables à toutes les échelles : de l’échelle de l’échantillon et de l’affleurement à l’échelle d’un continent. La Figure 13 présente différents réseaux de fractures à des échelles d’observation

différentes. Le réseau à l’échelle de l’image satellitaire a un fort degré de ressemblance avec le réseau d’un affleurement métrique (cf. Figure 13-A). Ce degré de ressemblance, observé également par Tchalenko (1970), a conduit à supposer que les réseaux de fractures sont auto-similaires, c’est-à-dire invariant en fonction de l’échelle d’observation (Allègre et al., 1982 ; King, 1983 ; Turcotte, 1986) et qu’ils occupent un espace de dimension fractionnaire (dimension fractale introduite par Mandelbrot, 1982). Une des caractéristiques importantes de la théorie fractale est le défaut d’échelle d’homogénéisation ou de volume élémentaire représentatif. Ainsi les petites structures ne doivent pas être considérées comme du bruit mais sont directement reliées aux grandes structures lors de la formation du réseau. Bien sûr, dans le cas de réseaux de failles naturels, il existe des échelles naturelles de coupure (inférieure et supérieure) au-delà desquelles le réseau de failles et donc son caractère fractal, s’il existe, ne peuvent plus être définis.

Cette analyse multi-échelle s’est particulièrement développée au cours de ces quinze dernières années pour caractériser la distribution spatiale des failles (Barton et Larsen, 1985 ; Okubo et Aki, 1987 ; Aviles et al., 1987 ; La Pointe, 1988 ; Hirata, 1989 ; Davy et al., 1990 ; Odling, 1992 ; Gillespie et al, 1993 ; Gautier et Lake, 1993) ou la distribution des longueurs de failles (Reches, 1976 ; Segall et Pollard, 1983b ; Reches, 1986 ; Gudmunsson, 1987, Villemin et Sunwoo, 1987, Childs et al., 1990 ; Main et al., 1990 ; Scholz et Cowie, 1990 ; Gautier et Lake, 1993 ; Davy, 1993).

Les lois d’échelle qui ressortent de la théorie fractale permettent de décrire les réseaux de failles comme un système cohérent à toutes les échelles. Elles présentent l’avantage de pouvoir prédire la nature de la fracturation sous l’échelle de résolution de la sismique dans l’industrie pétrolière, par exemple. Ces lois d’échelles pourront également par la suite nous renseigner sur les processus de croissance des réseaux de failles.

b. Distribution spatiale des réseaux de failles

La distribution spatiale des réseaux de failles est généralement analysée en 2D et présente pour de nombreux auteurs des relations d’échelles (Barton et Larsen, 1985 ; Okubo et Aki, 1987 ; Aviles et al., 1987 ; Lapointe, 1988 ; Hirata, 1989 ; Davy et al., 1990 ; Velde et al., 1991 ; Vignes-Adler et al., 1991 ; Barton et Zoback, 1992 ; Matsumato et al., 1992 ; Gautier et Lake, 1993 ; Ouillon et al., 1996). Les lois d’échelles se présentent sous la forme de lois de puissance, dont l’exposant est relié à la dimension fractale D.

Une des méthodes les plus utilisées pour le calcul de la dimension fractale est la méthode du recouvrement ou « box-counting method », qui consiste à compter le nombre N(r) de boîtes de taille r nécessaire à recouvrir l’objet fractal, de telle sorte que : N(r) ~ r-D.

De manière assez similaire, la méthode de variation de masse consiste à calculer la masse M(r) de l’objet comprise dans un cercle de rayon r de façon à obtenir la relation suivante : M(r) ~ rD.

La fonction de corrélation à deux points (Hentschel et Proccacia, 1983) appliquée aux barycentres des failles ou la généralisation de la méthode du box-counting au concept de multi-fractalité (Hentschel et Proccacia, 1983 ; Grassberger, 1983) permettent également d’obtenir la dimension fractale d’un objet.

L’ensemble des méthodes permettant de déterminer les exposants des lois de puissance et la dimension fractale d’un réseau de fractures est détaillé dans la synthèse de Bonnet et al. (2001).

Figure 14 : Compilation des dimensions fractales trouvées dans la littérature (Bonnet, 2001). a) Dimension fractale en fonction de la taille des systèmes étudiés ; b) Histogramme des dimensions

fractales.

La Figure 14 présente les différentes dimensions fractales calculées sur des réseaux de failles ou de joints, principalement à partir de la méthode du box counting. Les valeurs sont comprises entre 1 et 2 qui sont les deux limites possibles pour un objet fractal contenu dans un plan (2D). Une dimension de 2 correspond à un réseau de failles occupant tout l’espace et une dimension de 1 correspond à une structure linéaire. L’histogramme de la Figure 14-b montre quand même deux pics dans les valeurs des dimensions fractales : un à 2 et un à 1.5. Cette variation de manière presque continue de la dimension fractale de 1 à 2 obtenue à partir de la méthode de recouvrement serait due à une mauvaise adaptation de la méthode de recouvrement aux réseaux de failles. En effet, cette méthode est très sensible aux effets de bords et de taille finie (Viscek, 1992 ; Walsh et Watterson, 1993 ; Ouillon et Sornette, 1996 ; Bour, 1997). Un échantillonnage insuffisant des fractures pour les réseaux les moins denses peut être également responsable de la grande variabilité dans les exposants calculés sur un même site (Barton, 1995 ; Berkowitz et Hadad, 1997). L’autre explication à cette variabilité des exposants calculée sur l’ensemble du réseau de failles consiste à dire que la distribution de failles n’est pas fractale (Odling, 1992 ; Ouillon et al., 1996 ; Berkowitz et Hadad, 1997). Pour Chiles (1988), la dimension de similarité varie de façon continue avec l’échelle.

La dimension fractale calculée à partir de la fonction de corrélation à deux points donne en revanche des dimensions moins dispersées. Cette dimension mesurée sur les barycentres des failles ne prend pas en compte l’information de la longueur des failles, mais est plus robuste statistiquement. Bonnet (1997) trouve une dimension de 1.7 sur un réseau de failles de l’Afar. Bour et Davy (1999) obtiennent une dimension de 1.65 sur le réseau de failles de San Andreas. Giaquinta et al (1999)

obtiennent sur des réseaux de failles de dimensions de corrélation de 1.45 à 1.65. Des dimensions de 1.7 ont également été obtenues dans des expériences analogiques de la déformation lithosphérique (Sornette, 1990 ; Bonnet, 1997). De même, la dimension fractale du réseau de Hornelen (cf. Figure 13) calculée sur les barycentres des failles est de 1.8. A la vue de ces résultats, la distribution des barycentres des failles apparaît fractale. En revanche, l’intégration de l’information de la longueur des failles dans la fonction de corrélation, qui conduit à calculer une dimension de masse, montre que l’occupation spatiale des failles ne l’est plus (Bour 1997).

Des distributions non-fractales ont également été observées. Ouillon et al. (1996) trouvent sur des réseaux de joints des dimensions de 2 (calculées à partir de la fonction de corrélation). Cette dimension de 2 calculée sur les réseaux de joints a également été trouvée par Odling (1992) et Gillespie et al. (1993). Certains réseaux de fractures peuvent donc être caractérisés par des lois d’échelles simples, non fractales (Chiles, 1988 ; Odling, 1992 ; Gillespie et al., 1993). Les réseaux de joints sont régulièrement espacés et sont contenus dans des couches sédimentaires dont l’épaisseur joue le rôle d’échelle caractéristique. Tous les réseaux de joints ne présentent cependant pas des dimensions de 2 (cf. les réseaux de joints de Whinney Hill, de Hornelen et de Lannon ; Bour, 1997).

De manière générale, la distribution des barycentres des failles semble présenter une organisation fractale pour les réseaux de failles. En revanche, l’occupation spatiale du réseau de failles ne semble pas répondre à la théorie fractale. Une telle organisation implique des corrélations entre la position, l’orientation et la longueur des fractures.

c. Distribution des longueurs

De nombreux auteurs ont caractérisé les réseaux de failles par la distribution de leurs longueurs. Il semblerait que la nature de la distribution rencontrée dépende du degré d’évolution du système (de la quantité de déformation accommodée) (Meyer et al., 2002 ou modèles de Cladouhos et Marrett, 1996 ; Spyropoulos et al., 2002 ; Hardacre et Cowie, 2003) ou du régime de déformation (Sornette et al., 1993 ; Davy et al., 1995 ; Bonnet, 1997).

Quatre types de distributions ont été observés : la distribution lognormale, la distribution en loi exponentielle, la distribution en loi de puissance et la distribution Gamma.

Figure 15 : Schéma des différentes distributions de longueurs de fractures rencontrées. l : longueur ; n(l) : nombre de fracture de longueur l dans une échelle log-log.

Loi log-normale :

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2

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log(

)

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