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4.5 Synthèse sur les aspects biomécaniques de la préhension : la phénoménologie de l’interaction

4.5.2 La notion de frottement et son importance pour la saisie

Soulever un objet constitue une action motrice quotidienne très commune qui implique des actions mécaniques bien coordonnées entre les doigts et l’objet ainsi qu’entre les doigts entre eux. La connaissance de ces interfaces biomécaniques détaillées entre les doigts et l’objet a de la valeur pour une conception ergonomique des outils, aussi bien que pour fournir des données d’entrée pour une modélisation.

La conception d’objets s’intéresse de près au frottement (ou friction) à l’interface entre la main et l’objet. La connaissance des caractéristiques de la friction et leur dépendance à la texture de la surface est une composante importante pour les concepteurs industriels qui conçoivent des surfaces pour des outils à main, des capsules, des équipements industriels, et ce pour tous les types d’utilisateurs.

Pour les opérateurs avec des mains humides, une friction importante peut leur permettre de réaliser une tâche par ailleurs impossible. Une faible friction peut être préférable au niveau des zones de la main qui se déplacent fréquemment sur l’objet, comme lorsque elles glissent le long d’une surface, par exemple sur le manche d’un balai, d’une longue barre ou d’une pelle. Les blessures aux tendons et tissus peuvent aussi survenir comme le résultat d’une force de saisie excessive destinée à prévenir un glissement (Cochran & Riley, 1986 ; Putz- Andersen, 1988). La friction est souvent vue sous l’angle de son implication dans la survenue d’accidents : la main est impliquée dans 36% des blessures professionnelles. Parmi les blessures avec des outils à main, la plupart (44%) sont causées par des couteaux (Aghazadeh & Mittal, 1987).

Pour la vie de tous les jours, ce type de données est intéressant pour concevoir des ustensiles, des poignées, des meubles ou encore des emballages. Pour expliquer les phénomènes physiques des frottements à l’interface main-bouteille, nous proposons de les décrire en prenant le cas d’un cylindre avec lequel la main entrerait en contact.

La friction est généralement définie comme la résistance qui inhibe ou prévient le mouvement relatif entre deux corps qui glissent l’un sur l’autre. Les lois de base sur la friction entre deux corps solides font remonter à Amonton (1699) et Coulomb (1785).

Si l’on considère une force appliquée par un doigt sur une bouteille, sans qu’il y ait déplacement de l’un par rapport à l’autre, le doigt applique sur la bouteille une force quelconque ayant une composante normale (n) et une composante tangentielle (t), indiquées sur la figure 47 :

Figure 47 : Composantes des forces appliquées à la surface d’un emballage cylindrique

C est le point d’application de la force normale n. t est la force tangentielle provoquée par le glissement de (2) sur (1) ou l’inverse. A la limite du glissement entre le doigt et la bouteille, la loi de Coulon s’applique, soit t = f.n, où f est le coefficient de frottement à l’interface (1)(2). La composante t a une valeur nulle lorsque le contact est parfaitement glissant. A l’équilibre, le poids P est égal à la somme des forces tangentielles par unité de surface, soit P= (t.s) où s est la surface du

C (1)

(2)

n

contact local. De fait, P = f.n.s. Si on suppose le coefficient f uniforme, alors P = f. n.s = f.F (où F = n.s est la force mesurée). Plus on serre, plus on augmente F, donc la charge qui peut être portée.

Pour prévenir un glissement de l’objet saisi, une force normale suffisamment importante à la surface de l’objet (sur les surfaces de saisie) est nécessaire (fig. 48). Il a été montré que la force de saisie s’ajuste à la composante tangentielle (Cole & Abbs, 1988), à la torsion (Kinoshita & al., 1997), et à la qualité de la friction à l’interface doigt-objet (Johansson & Westling, 1988). Une marge de sûreté adéquate contre le glissement lié à la friction est d’ailleurs maintenue sans force normale excessive (Johansson & Cole, 1992).

La composante tangentielle s’applique donc parallèlement à la surface du cylindre, pendant que la composante

normale est orientée perpendiculairement à la paroi.

Figure 48 : Composante normale des forces appliquées sur les parois d’une poignée cylindrique

Quand la forme de la poignée est cylindrique, les composantes normales sont orientées vers l’axe de la bouteille à partir du point d’application de la force. Quand la forme n’est pas cylindrique, les composantes sont orientées à partir du centre des faces vers l’axe de la poignée.

Sources : Pheasant & O’Neill (1975) ; Shih & Wang (1997).

La relation entre ces deux composantes est fonction d’un coefficient de friction dont la valeur est dépendante d’un certain nombre de facteurs :

• Le déplacement des surfaces l’une par rapport à l’autre,

• Les forces extérieures appliquées et/ou déplacements,

• Les conditions environnementales comme la température et les lubrifiants,

• La topographie de surface,

• Les propriétés du matériau.

Ainsi, plus la surface est glissante, plus la force à appliquer est importante. Pataky et al. (2004), considèrent par exemple la contribution des doigts sous l’angle des forces tangentielles, présentées par d’autres auteurs (Johansson, 1996 ; Li, 2002), et proposent deux catégories dans la manipulation d’objets pour lesquelles les forces tangentielles sont les principales contributrices à la réalisation complète de la tâche, comme les mouvements de translation et de rotation d’un volant pendant qu’on le tourne ou les mouvements de rotation pour ouvrir une bouteille de liquide.

Dans le cas d’une bouteille, différentes finitions de surface sont susceptibles de modifier ces forces et ce coefficient, et donc l’effort total pour réaliser le geste. De même, dans des conditions de peau normale propre,

une large surface de contact augmente le coefficient de friction, réduisant de fait la contraction musculaire et/ou augmentant la performance, et cela est perçu comme étant plus confortable. Pour exemple, Kinoshita et al. (1995) précisent que, lors d’une tâche de soulèvement et de maintien statique d’un appareillage, une surface de friction plus importante permet une phase d’initialisation du soulèvement plus rapide et nécessite d’exercer une force de saisie moins importante, indiquant un effet avantageux d’une surface non glissante par rapport à une surface glissante. Pour donner à la main la forme adaptée pour saisir le verre, il suffit d’exercer des forces de friction suffisantes sur ce dernier pour maîtriser les forces de charge qui agiront quand l’objet sera porté. Reste que les travaux consultés traitent en général de l’étude de l’une des deux composantes, soit la composante normale, soit la composante tangentielle. Evaluer les deux forces simultanément implique des dispositifs techniques complexes et difficiles à mettre en œuvre.

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