• Aucun résultat trouvé

7.3 Evaluation de la complémentarité des résultats et apports expérimentaux

7.3.2 L’influence de la localisation de l’élément de forme et de ses dimensions

Les tests utilisateurs traitant des éléments de forme ont montré que la présence d’un rétrécissement du diamètre de la section du cylindre facilitait la saisie à tout point de vue. Du côté des mesures objectives sur des cylindres de diamètres différents (62 mm, 83 mm et 98 mm), nous observons que l’effort est moins variable pour le diamètre de 83 mm, résultat qui ouvre la réflexion sur l’existence d’un diamètre offrant le meilleur confort de saisie. Enfin, nous montrons par les deux démarches que la centralité de la saisie, à plus forte raison si l’élément de forme y est placé, est un avantage pour l’utilisateur.

La complémentarité de nos données se situe donc au niveau de la structure de l’élément de forme et de sa localisation. Placé au centre de la bouteille, sous forme d’un rétrécissement de diamètre, il attire le geste au niveau du centre de gravité, réduisant à la fois l’effort en augmentant le confort par une meilleure modalité de saisie.

Ces résultats peuvent se discuter en établissant d’une part un parallèle entre les données des tests utilisateurs et des tests biomécaniques, et d’autre part en les discutant par rapport aux différents contextes rencontrés dans d’autres travaux de recherche.

Le premier résultat à discuter concerne la structure de l’élément de forme. Hors de toute considération ergonomique, le rétreint est à l’origine conçu pour appeler la main à un endroit localisé de la bouteille, tout en lui permettant d’épouser sa forme (Peltier, 2006). Nous avons montré au cours de nos tests que le rétreint était l’élément de forme préféré des utilisateurs, tant pour son esthétique que pour son apport pratique. Plus généralement, la recherche de la forme idéale de l’objet (ou de sa partie qui interagit avec la main) est une motivation constante des travaux de recherche en ergonomie sur ce thème (Imrhan & Rahman, 1995 ; Lee, 1995 ; Pheasant, 2004). Définir la forme de l’objet qui permet à la main de se poser de façon à optimiser le geste souligne par conséquent la volonté de recherche des caractéristiques dimensionnelles adéquates. Faut-il que le rétreint soit de diamètre constant (test utilisateur 1) ou non (test utilisateur 2) ? Quelles doivent être ses dimensions ? La réponse à la première question ne ressort pas de façon évidente dans nos tests. S’il

semble que celui du test 2 soit esthétiquement plus apprécié que celui du test 1, l’impact de l’apport pratique de l’un par rapport à l’autre n’a pas été mesuré.

Concernant les dimensions, nous avions conçu les maquettes du test 1 en respectant les différents impératifs de conception, et en y incluant un rétreint dont la longueur s’approchait de la largeur moyenne d’une main féminine, soit 71 mm (Pheasant, 2004). Sauf à comparer des longueurs différentes de rétreint, à forme d’emballage unique, il est peu aisé de définir une largeur idéale susceptible d’accueillir toutes les largeurs de main. Si l’on souhaite concevoir cet élément à partir de cette cote anthropométrique, la probabilité serait grande d’avoir à exclure les plus grandes mains du fait des contraintes de conception liées à la mise au volume d’un emballage d’un litre de capacité. Par ailleurs, si l’on tient compte de la variabilité des modalités de saisie, la largeur de la main n’est pas toujours considérée comme un élément fiable dans la conception d’objets (Dempsey & Ayoub, 1996). Ces auteurs précisent notamment qu’elle n’est pas non plus fiable quand il s’agit de définir un diamètre optimal de saisie à partir des cotes anthropométriques (Yakou & al., 1997).

La notion de diamètre de saisie est un autre facteur très étudié dans la conception d’objets. La difficulté de replacer nos travaux par rapport à ce thème dans la littérature sur la conception (ou la correction) d’outils tient à deux raisons principales. D’abord, les diamètres étudiés dans le champ des outils sont des diamètres très inférieurs à ceux que nous avons testés (de 30 à 70 mm dans la littérature, et de 60 à 100 mm pour nos travaux). Ensuite, les efforts demandés aux participants sont des efforts maximaux, alors qu’ils sont dans nos travaux représentatifs de l’usage classique de l’objet.

Que ces travaux cherchent à établir un diamètre optimal de saisie à partir de mesures d’effort (Hall & Bennett, 1956 ; Kong & Lowe, 1995) ou à partir des caractéristiques dimensionnelles de la main (Grant & al., 1992, Oh & Radwin, 1993 ; Yakou & al., 1997), l’intervalle de diamètre le plus communément considéré comme idéal varie de 30 à 50 mm, pour un effort maximal. Seuls Fransson et Winkel (1991) trouvent une valeur plus élevée, qui va de 50 à 65 mm.

Aussi nous constatons que, pour fiable que sont les méthodes que nous avons transposées, l’intervalle de diamètre que nous avons étudié n’a pas été traité dans les travaux consultés sur ce thème, et peut donc être l’objet d’une recherche à part entière portant sur la définition d’un diamètre (ou d’un intervalle de diamètres) optimal pour la saisie d’un emballage cylindrique.

Ce thème a d’ailleurs un intérêt à plus d’un titre pour le concepteur. Premièrement, s’il n’a pas été traité pour un diamètre plus grand, un premier résultat existe pour nos travaux, où nous montrons que la variabilité individuelle de l’effort diminue pour le diamètre 83mm. Ce diamètre appartient-il à un intervalle qui permettrait effectivement de réduire la variabilité ? Cette question amène le deuxième point qui traite du type d’effort. Dans la plupart des cas, les efforts mesurés sont maximaux (Grant & al, 1992 ; Jung, 2004 ; Kong & Lowe, 2005), alors que nous travaillons sur un effort représentatif de l’utilisation courante de l’objet. Ce thème est donc à approfondir compte tenu du fait que là aussi l’effort semble se réduire aux alentours de 80mm.

Enfin, un élément qui peut s’avérer important pour la conception est la notion de diamètre optimal en relation avec l’anthropométrie. Nombre d’auteurs indiquent que la définition de ce diamètre est corrélée avec la longueur de la main et très faiblement avec sa largeur (Kong & Lowe, 1995 ; Yakou & al, 1997). Là aussi ces informations concernent de faibles diamètres, mais leur existence serait très appréciée des acteurs de la conception dans le contexte de discussions avec le client.

Ce type de travaux est d’ailleurs plutôt à replacer comme une perspective, dans la mesure où nos résultats montrent que des mesures anthropométriques standard sont inopérantes pour aider à définir un diamètre optimal, et nécessiterait a priori la définition de mesures fonctionnelles appropriées (Eksioglu, 2004). L’élément de forme, qui se caractérise par sa structure et ses dimensions, est aussi à considérer selon sa localisation. Nos résultats sur ce thème sont en accord avec les propositions faites par les différents auteurs travaillant sur

la conception de poignées au sens large. La plupart préconisent de favoriser le placement de la main au niveau du centre de gravité de la poignée, que ce soit pour une perceuse (Lee & Cheng, 1995), une pelle (Chang & al, 1999) ou tout autre objet cylindrique (Pheasant, 2004). Nous retrouvons notamment ce résultat dans notre premier test utilisateurs où nous avions placé la préhension au niveau du centre de gravité de la bouteille. Pour ces tests, nos apports se situent ainsi au niveau :

• Des résultats des évaluations, par la mise en évidence des efforts de couple (cas de la saisie haute) et de

basculement (cas de la saisie basse),

• Du bon degré de cohérence observé entre les différents critères évalués à savoir la perception, l’usage, la

performance et l’esthétique pour la question du rétreint central, et des travaux complémentaires qu’il permet d’envisager,

• Des résultats des mesures objectives, qui appellent à la réflexion sur un diamètre permettant de diminuer

l’effort de serrage et la variabilité.

• De la mise en évidence des différents rôles de la main dans ce type de saisie.

Ces résultats expérimentaux indiquent l’utilité de travaux complémentaires et plus généraux axés sur la recherche d’un diamètre optimal de saisie, et rejoignent ceux déjà obtenus lors des études sur les matériaux. La conjonction de ces données conduit naturellement à aborder la question d’un travail sur la recherche de formes innovantes les prenant en compte.

Outline

Documents relatifs