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4.2 Aspects biomécaniques et sensoriels de l’interaction

4.2.2 Les différentes modalités de saisie et stratégies exploratoires sur les objets

Les mouvements des mains ont été séparés en deux catégories par Napier (1956), avec les mouvements préhensiles qui impliquent la taille et la tenue de l’objet, partiellement ou entièrement avec les mains, et les mouvements non-préhensiles.

« Parmi les mouvements non-préhensiles (« non-gripping »), on peut citer différents types d’actions : pousser (« poking »), appuyer (« pressing »), caresser (« stroking ») ou encore donner une tape (« slapping »). Les mouvements mettant en jeu les fonctions de préhension de la main se subdivisent à leur tour en deux parties, les saisies impliquant la paume de la main pour serrer l’objet (« power grips »), ou les saisies de précision où l’objet est serré entre le bout des doigts (« precision grips »).

Du point de vue physiologique, la main représente l’extrémité effectrice du membre supérieur qui constitue son support et lui permet de se présenter dans la position la plus favorable pour une action donnée. Cependant la main n’est pas seulement un organe d’exécution, c’est aussi un récepteur sensoriel extrêmement sensible et précis dont les données sont indispensables à son action même. Enfin, par la connaissance de l’épaisseur et des distances qu’elle procure au cortex cérébral, elle est l’éducateur de la vue dont elle permet de contrôler et d’interpréter les informations.

Par sa constitution osseuse et musculaire, la main est capable d’adapter sa forme pour saisir les objets. Quelques exemples simples comme la formation d’arches entre le pouce et les autres doigts, l’écartement des doigts ou au contraire leur resserrement (main tendue ou poing fermé) permettent de mieux cerner la multiplicité des actions réalisables ».

Scherrer (1967) identifie deux modalités de mouvements manuels :

• La main effectue des activités spécifiques de manipulation dont l’exécution convenable nécessite

• La main est entraînée dans des activités non spécifiques mettant en jeu un certain nombre d’autres segments corporels, par exemple la main est déplacée en conséquence d’un mouvement généralisé du membre supérieur qui peut être facilité par un mouvement d’accompagnement du tronc.

Enfin, la main humaine se caractérise par l’opposition du pouce avec les quatre autres doigts. L’opposition du pouce est la faculté de porter sa deuxième phalange au contact de la pulpe de chacun des quatre autres doigts pour constituer ce qu’il est convenu d’appeler la pince polli-digitale (ou pollici-digitale) : ce mouvement représente l’essentiel de la valeur fonctionnelle de la main et sa perte entraîne sa quasi-inutilité. Les exemples d’opposition du pouce sont innombrables et se retrouvent dans presque toutes les modalités de préhension. La dissociation des cinq doigts avec l’opposition du pouce par rapport aux quatre autres, fait de la main une organisation anatomique et fonctionnelle complexe. Cette organisation aboutit à la préhension selon différents modes.

Kapandji (1971) en distingue au moins six (fig. 37) :

La préhension par opposition terminale : elle est la plus fine et la plus précise. Elle permet de tenir un

objet de petit calibre, ou de ramasser un objet très fin comme une allumette ou une épingle. Le pouce et l’index (ou médius), s’opposent par l’extrémité de la pulpe et même pour certains objets très fins par la tranche de l’ongle.

La préhension par opposition subterminale : c’est le mode le plus courant. Elle permet de tenir des

objets relativement plus gros comme un crayon ou une feuille de papier : le test d’efficacité de la préhension pulpaire subterminale consiste à tenter d’arracher une feuille de papier serrée entre pouce et index. Si l’opposition est bonne, on ne peut tirer la feuille. Dans ce mode de préhension, pouce et index (ou un autre doigt) s’opposent par la face palmaire de la pulpe.

La préhension par opposition sub-termino latérale : comme lorsqu’on tient une pièce de monnaie ou

une feuille de papier. Ce mode de préhension peut suppléer l’opposition terminale ou subterminale lorsque les deux dernières phalanges de l’index ont été amputées : la prise est moins fine mais néanmoins solide. La face palmaire de la pulpe du pouce s’appuie sur la face externe de la première phalange de l’index d’où le nom de préhension pulpo-latérale.

La préhension palmaire « à pleine main » ou encore à « pleine paume » : c’est la préhension dite « de

force » pour les objets lourds et relativement volumineux : objets cylindriques, autour desquels la main s’enroule littéralement. Le volume de l’objet saisi conditionne sa force de préhension : il est optimum lorsqu’il permet au pouce de venir au contact (ou presque) de l’index. Le pouce forme, en effet, la butée unique, opposée à la force des quatre autres doigts, et son efficacité est d’autant plus grande qu’il est plus fléchi. Le diamètre des crosses et des manches à outils dépend de cette constatation.

La préhension par opposition digito-palmaire : c’est un mode de préhension dit « accessoire », dérivé

de la préhension palmaire, mais d’utilisation assez courante : manœuvrer un levier, tenir un volant, etc. L’objet, d’un diamètre assez faible (3 à 4 cm), est saisi entre les doigts fléchis et la paume ; le pouce n’intervient pas : la prise n’est solide, jusqu’à un certain point, que dans un sens ; vers le poignet, l’objet

peut échapper facilement. Dans ce mode de préhension, l’axe de la prise est perpendiculaire à l’axe de la main et de l’avant-bras.

La préhension inter-digitale latéro-latérale : c’est un mode de préhension très accessoire : tenir une cigarette par exemple. Il se pratique, en général, entre l’index et le médius ; le pouce n’intervient pas. Le diamètre de l’objet saisi doit être faible. La prise est faible et sans précision.

Figure 37 : Illustration des différentes modalités de préhension

Source : Kapandji (1971).

Pour les diverses activités de la main, il convient donc de séparer celles faisant appel à la main dans son ensemble de celles ne mobilisant que les doigts :

• Main dans son ensemble : saisir, tenir, serrer, tourner ou travailler d’une autre manière avec les bras et les

mains (par exemple actionner des volants, se servir d’outils à main, couper avec des ciseaux),

• Utilisation des doigts : prendre, pincer, serrer entre le pouce et les autres doigts et effectuer tout autre travail qui fait intervenir les doigts et non pas toute la main et le bras (par exemple dactylographier ou assembler des pièces de petites dimensions).

D’autres classifications existent, qui dépendent de l’objet à saisir, de ses caractéristiques et de celles de l’utilisateur, ce que résume Levame (1970) :

• Les caractéristiques de l’objet,

• Les possibilités anatomiques et fonctionnelles de la main,

• Les intentions du sujet quant au but qu’il s’assigne,

• Et enfin les attitudes particulières à l’individu.

La préhension par opposition terminale

La préhension par opposition subterminale

La préhension par opposition sub-termino latérale

La préhension palmaire (pleine main ou pleine paume)

La préhension par opposition digito-palmaire

La préhension inter-digitale latéro-latérale La préhension par opposition terminale

La préhension par opposition subterminale

La préhension par opposition sub-termino latérale

La préhension palmaire (pleine main ou pleine paume)

La préhension par opposition digito-palmaire

Kroemer (1986), propose par exemple une classification selon dix modalités (fig. 38).

Figure 38 : Autre classification des modalités de préhension

Source : Kroemer (1986).

En préalable à la saisie, la main possède la faculté d’explorer l’objet pour en évaluer ses différentes composantes (texture, dureté, matériau, forme…). Très utilisée pour l’évaluation sensorielle, l’exploration haptique devient nécessaire quand il s’agit de discriminer les propriétés matérielles des objets (Hatwell & al., 2000).

Lederman et Klatzky (1993) proposent un classement des procédures exploratoires12 des objets pour en

apprécier les propriétés (fig. 39) :

• Frottement latéral : adapté seulement à la texture,

• Soulèvement : adapté à la masse,

• Pressions : dureté du matériau,

• Contact statique : température et approximativement forme-taille-texture-dureté,

• Enveloppement : même type d’informations globales,

• Suivi des contours : connaissance précise taille/forme, et plus floue de texture et dureté.

La préhension d’un objet nécessite donc d’évaluer ses propriétés, la main étant le principal organe effecteur de cette évaluation. Le couplage de l’évaluation visuelle et haptique permet à l’utilisateur d’entourer l’objet en adaptant sa position de façon à prendre l’objet en minimisant les contraintes inhérentes à la saisie.

Figure 39 : Stratégies exploratoires sur les objets

Source : Lederman & Klatzky (1993).

Les caractéristiques de l’objet étant connues, ce sont maintenant les caractéristiques de la main qu’il faut connaître pour faciliter la compréhension de l’interaction main-objet. Les travaux d’ergonomie centrés sur la conception d’outils à main se fondent sur un certain nombre de données objectives. Certains auteurs relèvent par exemple des données physiologiques (Schibye & al., 2001 ; Eksioglu, 2004). Mais la très grande majorité

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Procédures exploratoires : ensemble spécifique de mouvements qui se caractérisent par la quantité d’informations qu’ils peuvent apporter et donc par l’éventail des propriétés auxquelles ils sont adaptés. Certaines procédures sont très spécialisées, d’autres plus générales.

des publications traitant de la conception de poignée, de mesures d’efforts, ou encore de manipulation d’objets font des mesures anthropométriques une base théorique permettant de quantifier et de qualifier l’interaction main-objet, et ce quel que soit la position de la main et le type d’objet (Fransson & Winkel, 1991 ; Dempsey & Ayoub, 1996 ; Aldien & al., 2004 ; Pheasant, 2004).

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