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1.2 Grandeurs neutroniques utiles

1.2.1 Notion de section efficace

Proportionnelle au parcours effectué dans la matière, la probabilité d’interaction d’une particule avec celle- ci introduit la notion de section efficace. Celle-ci peut être macroscopique, caractérisant un matériau dans son ensemble contenant un nombre important de cibles potentielles pour la particule en mouvement, ou microscopique, caractéristique d’une seule de ces cibles en particulier. Une interaction entre la cible et la particule en mouvement ne peut avoir lieu uniquement si le centre de cette dernière s’approche à une distance inférieure à la somme de son rayon et de celui du noyau cible. L’aire σ du cercle de rayon Rparticule+ Rcible

représente la section efficace [CRI-2].

Figure 1.2– Représentation de la notion de section efficace

Une probabilité d’interaction est liée à cette aire car si on considère à présent plusieurs cibles contenues dans une surface d’aire S, la probabilité que la particule en mouvement entre en collision avec l’une de ces cibles est égale au rapport de la surface totale des cibles et de la surface les contenant soit Nσ/S avec N nombre de noyaux cibles et σ la section efficace microscopique. Suivant la nature des interactions entre par- ticules et matière cible, il existe plusieurs types de sections efficaces dites partielles caractérisant chacun de ces processus d’interaction dont la somme est la section efficace totale. On distingue dans cette section totale les processus de diffusion (un neutron est réémis après la réaction) et ceux d’absorption (non réémission de la particule après choc) :

σtotale(~r, E, ~Ω, t) = σdi f f usion(~r, E, ~Ω, t) + σf ission(~r, E, ~Ω, t) + σcapture(~r, E, ~Ω, t) (1.3)

sachant que l’on nomme σabsor ption(~r, E, ~Ω, t) = σf ission(~r, E, ~Ω, t) + σcapture(~r, E, ~Ω, t)

Par définition, en notant r le type de réaction, le ratio σr

est la probabilité que l’interaction particule-matière, si elle a lieu, se produise selon le processus r.

1.2.1.1 Section efficace macroscopique

Pour définir la section efficace macroscopique, intéressons-nous à l’atténuation d’un flux de particules d’in- tensité I particules par cm2 dans un matériau cible de densité volumique N atomes par cm3 d’épaisseur élémentaire dx. Lorsque le flux de particules parcourt l’épaisseur élémentaire dx, son intensité diminue et s’exprime –dI(x)=I(x)Nσ(~r,E,~Ω,t)dx, I(x)Nσ(~r,E,~Ω,t)dx étant le nombre d’interactions ayant eu lieu dans l’épaisseur dx. En fonction de l’épaisseur du matériau cible traversée, l’intensité du faisceau de particules incidentes s’écrit donc I(x)=Ie(-Nσx). Le produit Nσ(~r,E,~Ω,t) est appelé section efficace macroscopique et noté Σ(~r,E,~Ω,t) et traduit le fait que la probabilité d’interaction d’une particule avec un matériau est pro- portionnelle à la densité de celui-ci. Elle est donc exprimée en cm−1. Dans le cas des neutrons, pour les

matériaux classiquement rencontrés, les sections efficaces macroscopiques sont de l’ordre du cm−1[CRI-2].

1.2.1.2 Section efficace microscopique

Une section efficace microscopique est assimilable à la section droite d’un noyau cible et est égale a π(Rparticule

+ Rcible)2comme vu précédemment dans la définition intuitive de la condition d’interaction. Précisons qu’en

vertu du caractère ondulatoire de la particule incidente, cette distance Rparticule+ Rciblen’est pas une simple

distance géométrique. En effet, les sections efficaces microscopiques sont très dépendantes de l’énergie de la particule incidente et sont très différentes même si on considère deux noyaux très proches (Figure 1.3) [CRI-3].

Figure 1.3– Comparaison des sections efficaces microscopiques de capture de l’235U et de l’238U

L’unité usuelle de ces sections est le barn (b) défini tel que 1 barn = 10−24cm2. Le Tableau 1.1 fournit

quelques exemples de sections efficaces microscopiques au point thermique (2200 m.s−1) pour des isotopes

section efficace en barn (2200 m.s−1) JEFF-3.1.1 Isotope fission capture diffusion

235U 585 99 15 239Pu 747 273 11 241Pu 1012 363 11 240Pu 0.06 285 3 241Am 3.2 65 12 155Gd / 60743 59 149Sm / 41731 205 103Rh / 143 4 1H / 0.3 30 56Fe / 2.5 12.2 90Zr / 0.01 5.4

Tableau 1.1– Exemples de sections efficaces microscopiques pour des isotopes intéressant les problé-

matiques de criticité

Concernant cette évolution des sections efficaces en fonction de l’énergie, on peut distinguer quatre principaux domaines énergétiques observés dans le sens des énergies croissantes :

• le domaine thermique ;

• le domaine des résonances résolues en énergie où les résonances sont décrites individuellement ; • le domaine des résonances non-résolues où les résonances existent mais ne peuvent être mesurées ; • le domaine statistique ou du continuum où les fluctuations des résonances sont lissées, car la largeur

des niveaux est désormais supérieure à leur espacement.

A chacun de ces domaines correspond un formalisme théorique adapté. Notons que les sections efficaces (microscopiques et macroscopiques) sont usuellement tabulées en fonction de l’énergie (particulièrement dans le domaine non-résolu et le continuum).

1.2.1.3 Calcul de sections efficaces

Il existe différents modèles de description des réactions nucléaires dont :

• le modèle du noyau-composé lorsque le neutron incident est absorbé par le noyau cible (modèle es- sentiellement utilisé jusqu’à quelques MeV) ;

• le modèle du potentiel optique lorsque le neutron diffuse sur des états discrets du noyau-cible ; • le modèle de pré-équilibre entre ces deux cas lorsque l’énergie du neutron incident est inférieure à 200

MeV.

Le calcul des sections efficaces nécessite d’enchaîner ces trois modèles afin de traiter de manière cohérente l’ensemble des voies ouvertes, une voie caractérisant le système avant et après réaction (Figure 1.4). On uti- lise d’abord le modèle du potentiel optique qui permet de séparer les composantes de réactions directes par opposition aux processus où la particule incidente est absorbée par la cible (section efficace de réaction). Le potentiel optique fournit en outre des coefficients de transmission au modèle du noyau composé. La section efficace de réaction est ensuite traitée par le modèle de pré-équilibre qui opère une deuxième séparation en décrivant les émissions rapides ayant lieu avant que le système n’atteigne une situation d’équilibre. Finale- ment, une fraction de la section efficace de réaction permet de former un noyau composé dont la décroissance (par fission, par émission gamma ou émission neutron) va être décrite par le modèle du même nom.

Figure 1.4– Enchaînement des modèles de traitement des sections efficaces

De nombreux formalismes, basés sur la mécanique quantique, existent pour décrire la forme des sec- tions efficaces suivant l’énergie de la particule incidente. Tous ces formalismes se basent sur la compré- hension de la désexcitation de ce noyau composé ou intermédiaire. Ils sont issus de la simplification du modèle de R-matrice [CRI-4] de Kapur-Pierls. Parmi eux citons ceux de Reich et Moore (modèle le plus précis à ce jour négligeant l’interférence entre les voies gamma de différents niveaux), de Adler et Adler, de Blatt-Biedenhorn, de Wigner-Eisenbund (modèle de matrice de transfert) et celui de Breit-Wigner (à un ou plusieurs niveaux), probablement le plus connu. Dans la plupart des cas industriels, le formalisme de Breit- Wigner (1936) est largement suffisant pour décrire la forme des sections efficaces [CRI-2]. C’est donc lui que nous allons développer ici. Le formalisme de Breit-Wigner multi-niveaux prend en compte l’interférence entre les voies mais pas entre les niveaux tandis que le formalisme simple niveau est valable lorsque l’on peut négliger les interférences entre les niveaux et résonances. C’est ce dernier que nous allons à présent développer.

Les formules des sections efficaces partielles de Breit-Wigner sont données pour une résonance supposée isolée et caractérisée par deux paramètres dits de résonance : E0, l’énergie du pic de résonance et Γi, les

largeurs partielles de résonance, i correspondant aux différents modes de désexcitation du noyau composé formé lors de l’interaction résonnante entre particule en mouvement et noyau cible [CRI-2]. Elles expriment la variation d’une section efficace au voisinage d’une résonance. Les notations utilisées sont les suivantes :

– E : énergie cinétique du neutron dans le système du centre de masse – µ : masse réduite du noyau composé

– g : facteur statistique lié à l’existence du spin

g = 2J + 1

(2s + 1)(2I + 1) (1.4) – λ : longueur d’onde réduite λ = h/p2µE

– E0: énergie du pic de résonance

– Γ : largeur de la résonance (dimension d’une énergie) Γ = h/τ avec τ durée de vie moyenne du noyau composé

– Γn: largeur partielle de résonance correspondant à une désexcitation par émission d’un neutron

– σp: section de diffusion potentielle (peut être considérée comme constante sur l’intervalle d’énergie

couvert par la résonance).

Les sections d’absorption et de diffusion s’expriment selon : • sections efficaces d’absorption (capture et fission)

σi =πλ2g

ΓnΓi (E − E0)2+ Γ2/4

avec i = c ou f.

• sections efficaces de diffusion

σs=σp+πλ2g Γ2n (E − E0)2+ Γ2/4 +2 q πλ2gσp Γn(E − E0) (E − E0)2+ Γ2/4

En réalité, du fait de l’existence de plusieurs résonances, ces expressions doivent être additionnées pour chacune d’entre elles. Notons que dans le domaine des résonances non résolues, une description statistique du modèle du noyau composé à l’aide du formalisme généralisé de Hauser-Feshbach, dérivé lui aussi de la théorie de la matrice R est particulièrement bien adaptée.