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Chapitre 3 Les méthodes de datations Les méthodes de datations

I) Généralités sur la datation géochronologique 1) La désintégration radioactive 1) La désintégration radioactive

3) Notion de diffusion et de température de fermeture

Selon la méthode de datation utilisée, définie par le système considéré (K/Ar sur feldspath, sur biotite, (U-Th-Sm)/He sur apatite, sur zircon, U/Pb sur zircon, etc.), l’âge obtenu sera différent (Figs. 3-3, 3-4, Tableau 1). Cela s’explique par le fait que chaque système, défini par un couple isotope fils/minéral, est régi par un processus de diffusion thermo-dépendant qui lui est propre.

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Les phénomènes de diffusion à l’état solide correspondent à des sauts effectués par les atomes dans les défauts du cristal sous l’effet de l’agitation thermique. Alors que les vitesses de migration des atomes dans les gaz ou dans les liquides sont pratiquement visibles à l’échelle macroscopique, il est rare dans un cristal de voir, à température ambiante, l’évolution de ses propriétés par suite d’un phénomène de diffusion. La diffusion des éléments dans les cristaux est un phénomène qui s'observe à des échelles de temps et à des températures caractéristiques de l'évolution des systèmes géologiques, ce qui en fait son intérêt.

C’est en 1855 que les bases théoriques des phénomènes de diffusion ont été établies par Fick : elles expriment, au même titre qu’un flux de chaleur ou qu’une densité de courant électrique, un flux d’atomes dans une direction donnée du cristal (voir les équations et la conceptualisation dans Crank, 1956). Ce flux de matière est proportionnel au gradient de concentration et il est modulé par un coefficient appelé coefficient de diffusion D (cm2/s) : valable pour un élément A dans un milieu B, à une température donnée. De plus, ce flux est négatif, et se déplace du milieu le plus concentré vers le milieu le moins concentré, dans le but d’équilibrer les concentrations.

Gentner et Trendelenburg (1954) et Gentner et Kley (1957) furent les premiers à présenter

une analyse théorique sur la diffusion de l’hélium et de l’argon au sein d’un minéral à refroidissement lent et ont montré que l’âge mesuré était très dépendant de la taille du minéral considéré.

Ce processus de diffusion au sein du solide est thermo-dépendant et est contrôlé par une loi de type Arrhenius (Gentner et al., 1954 ; Fechtig et Kalbitzer, 1966) pour les températures considérées :

(3)

où est le coefficient de diffusion (cm2/s) à la température T (°C) pour un domaine de diffusion considéré comme sphérique et de rayon (μm), Do est le coefficient de diffusion (cm2/s) à une température infinie, R est la constante des gaz parfaits (J/(K.mol)) et est l’énergie d’activation (kJ/mol) associée à ce processus de diffusion. et sont déterminés expérimentalement.

Dodson (1973) a ensuite permis de faire le lien entre les âges apparents mesurés par ces

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fermeture (closure temperature) : Tc. C’est la température à partir de laquelle l’élément produit commence à être sensiblement retenu dans le minéral considéré (Fig. 3-5), et à laquelle est associé cet âge apparent.

(4) avec (5)

est la vitesse de refroidissement du minéral (°C/Ma) et est une constante sans dimensiondépendant de la géométrie du minéral et de la constante de décroissance (λ) de l’élément père. En général, la vitesse de décroissance est très lente par rapport à la vitesse de refroidissement du minéral considéré et donc A prend les valeurs de 55, 27 et 8,7 respectivement pour la diffusion au sein d’une sphère, d’un cylindre et d’une feuille plane. Pour un même système, l’âge mesuré dépend donc de la taille du minéral et de son histoire thermique, notamment sa vitesse de refroidissement (Dodson, 1973 ; Fig. 3-3).

Figure 3-3 : Evolution de la température de fermeture de plusieurs systèmes thermochronologiques en fonction de la vitesse de refroidissement et de la taille des grains, d’après Reiners (2005).

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Figure 3-4 : Graphique récapitulant les Tc pour plusieurs thermochronomètres calculées avec les équations (4) et (5) (Dodson, 1973) à partir des valeurs de la littérature, pour des grains dont le radius équivalent est compris entre 50 et 250 µm, et compilées dans le tableau 1.

Tableau 1 : Compilation des paramètres de diffusion (Ea, Do) présents dans la littérature et utilisés pour calculer les Tc de différents thermochronomètres.

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Figure 3-5 : Principe de la température de fermeture. Pendant le refroidissement, les éléments fils diffusent hors du système jusqu’à ce que le système atteigne la température de fermeture. Une fois le système fermé, les éléments fils sont retenus et peuvent être quantifiés.

Pour de fortes températures, l’élément fils produit pendant la réaction de désintégration diffuse rapidement au travers du minéral et ne peut donc s’y accumuler. Le système est totalement ouvert à la diffusion. Pour des faibles températures, le système est totalement fermé. Sa vitesse de diffusion est négligeable et il peut donc s’accumuler dans le minéral. Le passage d’un domaine à l’autre est progressif, si bien qu’il existe une gamme de températures où l’élément fils diffuse partiellement et n’est donc que partiellement retenu dans le minéral. L’âge apparent est obtenu en extrapolant la pente de la courbe d’accumulation pour les faibles températures jusqu’à l’axe des abscisses (Fig. 3-6). La température de fermeture du système (Tc) est alors définie comme la température du système à l’instant représenté par son âge apparent (Dodson, 1973 ; Fig. 3-6). Cet âge apparent peut varier selon le temps passé au travers de cette gamme de températures.

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Figure 3-6 : Graphique modifié d’après Dodson (1973) montrant l’accumulation en élément fils au sein d’un minéral considéré en fonction de la température. Pour de fortes températures, le système est ouvert, l’élément fils diffuse et il n’y a pas d’accumulation. Pour de faibles températures, le système est fermé et la totalité des éléments fils produits est conservé dans le grain. Le passage d’un système à l’autre est progressif et la diffusion est partielle au sein d’une gamme de températures intermédiaires. L’âge apparent correspond à l’interpolation de la courbe d’accumulation à faible température sur l’axe des abscisses (temps) et lui est associé la température de fermeture du système.

Cette sensibilité thermique a d’abord été mise en évidence par l’étude des traces de fission sur apatite, où la diminution de la longueur de ces traces par recuit partiel est associée à un intervalle de températures particulier. Cet intervalle initialement appelé Partial Stability Zone (PSZ, Wagner et Reimer, 1972 ; Wagner, 1981, 1988) fut par la suite nommé zone de cicatrisation partielle (Partial Annealing Zone, PAZ, Wagner et al., 1989) et définit la gamme de températures où les traces de fission sont recuites et leur longueurs passent de 90% à 10% de leur longueurs initiales.

Ce concept a ensuite été étudié pour la diffusion de l’hélium dans l’apatite (Wolf et al., 1998 ;

House et al., 1999, 2002 ; Fig. 3-7A). Il existe également un intervalle de températures entre

~45°C et ~85°C, dans lequel, si le minéral atteint des conditions isothermales (c’est-à-dire s’il réside au sein de cet intervalle suffisamment longtemps pour que l’on considère que la

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température ne varie pas, on parle de temps de résidence), la perte d’hélium par diffusion s’équilibre avec la production d’hélium radiogénique. Le temps nécessaire pour atteindre cet état d’équilibre et l’âge qui en résulte sont thermo-dépendants et peuvent être modélisés à partir des paramètres de diffusion du système considéré. Par exemple, dans une section de croûte statique d’un point de vue thermique pour une période de 100 Ma, où tous les points sont distribués suivant un gradient de température et enregistrent des conditions de diffusion isothermales, l’âge mesuré dans cette section évolue progressivement de 100 à 0 Ma entre les limites inférieure et supérieure de cet intervalle de température. Cet intervalle est appelé Zone de Rétention Partielle (ZRP) et se définit dans la pratique comme la gamme de températures où la concentration en hélium diminue de 10% à 90% par rapport à la quantité initiale et où l’âge He varie de 90% à 10% du temps de résidence.

L’évolution de l’âge Hélium en fonction de la température au sein de la ZRP est calculée à partir de l’équation suivante (modifiée d’après Wolf et al. (1998)) :

(6) où est l’âge He du grain considéré, est la durée pendant laquelle il y a diffusion et production en condition isothermale, est le radius équivalent du grain et est l’âge initial du grain qui dépend de sa concentration initiale en 4He. Si celle-ci est nulle alors l’âge initial est nul.

Guenthner et al. (2013) ont montré que la sensibilité en température du système

(U-Th-Sm)/He sur zircon est fortement dépendant de la concentration en Uranium (symbolisée par eU). Ainsi, pour des eU très élevées, la zone de rétention partielle est décalée vers des températures plus basses (Fig. 3-7B).

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Figure 3-7 : A) Ages (U-Th)/He sur apatites mesurés dans le puit de forage Heathfild-1 dans le bassin d’Otway en Australie (House et al., 1999, 2002). Les âges diminuent avec l’augmentation de la température au sein de la zone de rétention partielle. Ce processus dépend également de la taille des grains. B) Evolution des âges (U-Th-Sm)/He sur zircons modélisés dans la zone de rétention partielle correspondante. La gamme de sensibilité en température de ce système dépend également du eU.