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Chapitre 2 Structure et évolution pré-orogénique Structure et évolution pré-orogénique

III) Les Pyrénées, un domaine en formation depuis le Précambrien

3) Evolution géodynamique et paléogéographique

Bien que mal contrainte, l’histoire Précambrienne des Pyrénées peut être approchée par la compilation de plusieurs données : datation de structures orogéniques, la détermination du contexte magmatique (composition, tectonique associée à la mise en place des magmas), datation des déformations, traces de paléoclimats (grandes glaciations notamment), utilisation du paléomagnétisme rémanent des roches, de la biostratigraphie, etc.

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a) Histoire Précambrienne

Les premières reconstructions remontent à la formation du supercontinent Rodinia entre 1,3 Ga et 900 Ma (Li et al, 2008), suite à la collision (orogène de Grenville) de plusieurs blocs crustaux (cratons continentaux ou boucliers). De nombreux modèles existent quant à la formation de ce supercontinent (Fig. 2-23), avec des désaccords notamment sur l’âge des phases tectoniques, la position relative de chaque craton (Dalziel, 1997 ; Torsvik et al., 2001 ;

Torsvik, 2003 ; Li et al., 2008, 2013) ou leur orientation par rapport aux pôles magnétiques

(Sibérie : Pisarevsky et al., 2003 ; Metelkin et al., 2007 ; Baltica : Johansson, 2013).

Figure 2-23 : Reconstructions du supercontinent Rodinia à 900 Ma - 1Ga d’après (A) Dalziel (1997), (B) Johansonn (2013) et (C, D) Torsvik (2003). Les données paléomagnétiques apportent des contraintes sur la position des continents en gris (B) ou en vert foncé (C, D). La position des continents en blanc (B) ou en vert clair (C, D) n’est donc pas contrainte. Les domaines orogéniques de Grenville apparaissent en vert (A), en rose/beige (B), et en orange (C, D).

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Ces modèles semblent néanmoins s’accorder sur le fait que la dislocation de ce supercontinent commence vers 800-700 Ma par l’ouverture de l’océan Proto-Pacifique entre un bloc Est-Gondwana (Australie, Inde et Est de l’Antarctique) et le bloc Laurentia (future Amérique du Nord) (Fig. 2-24). L’accrétion de nombreux blocs crustaux conduit à la formation d’un bloc Ouest-Gondwana (Amazonie, Afrique de l’Ouest, Baltica, Rio del Plata, ainsi que différents cratons africains). La collision de ces différents blocs à partir de 650 Ma (orogène Pan-Africaine) se poursuit jusque ~500 Ma avec l’accrétion du bloc Est-Gondwana formant ainsi le supercontinent Gondwana (Johansson, 2013 ; Metelkin et al., 2006 ; Fig. 2-25A). A la même période, les cratons Laurentia et Baltica (Fig. 2-25B) se séparent de la marge Ouest de Gondwana par l’ouverture des océans Iapétus et Tornquist (« break-up » entre 600 et 550 Ma) (Cawood, 2005 ; Johansson, 2013). Des mouvements de rotations notamment du bloc Gondwana sont accommodés par la formation d’une zone de subduction associée au développement d’un arc volcanique (de 750 à 550 Ma) et de grands mouvements transtensifs le long d’une large zone transformante qui va du Nord de l’Amazonie jusqu’au Nord-Est de l’Afrique où se développent de nombreux bassins de type arrière-arc.

Figure 2-24 : Initiation de la dislocation de Rodinia entre 850 Ma et 750 Ma d’après Johansson (2013). Elle entraine la fermeture d’océans, indiquée par la formation de zones de subduction et la formation d’arcs magmatiques, en vert clair. La position des domaines continentaux en gris est contrainte par les données paléomagnétiques. Les domaines en blanc ne sont pas contraints. Les domaines orogéniques de Grenville apparaissent en rose/beige.

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Figure 2-25 : La dislocation de Rodinia se poursuit par l’individualisation de blocs Ouest-Gondwana et Est Ouest-Gondwana entre 650 Ma et 550 Ma (A) et par leur assemblage en un supercontinent Gondwana jusqu’à 500 Ma (B). Cet assemblage est le résultat de plusieurs collisions continentales (orogène Panafricaine) dont les domaines déformés sont représentés en vert. La séparation du Laurentia et de Baltica a lieu entre 650 et 550 Ma.

Cette zone transformante permet d’une part l’accrétion de domaines plus anciens (~1 Ga), à l’origine notamment de la formation d’Avalonia, au large de Rodinia. D’autre part, de nouveaux domaines continentaux, tels que les domaines cadomiens, se forment pendant l’Ediacarien et le Cambrien (Chantraine, 2001 ; Nance et al., 2008 ; Cocks et Fortey, 2009 ;

Torsvik et al., 2012 ; Linnemann et al., 2008, 2014 ; Fernandez-Suarez et al., 2013). Cette

phase orogénique appelée orogène Cadomienne est à l’origine de la structuration profonde de la chaîne des Pyrénées de même que pour celle des domaines armoricain et ibérique, du Massif Central français et du Massif Bohémien (Fig. 2-26).

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Figure 2-26 : Détails des domaines cadomiens et avaloniens d’après Nance et Linnemann (2008). Domaine ibérique: BCSZ : Badajoz-Cordoba Shear Zone ; CIZ : Central Iberian Zone ; CZ : Cantabrian Zone ; IC : Iberian Chains ; IM : Iberian Massif ; GTOM : Galicia–Trás os Montes Zone ; MM : Maures Massif ; OMZ : Ossa-Morena Zone ; P : Pyrénées ; PL : Pulo de Lobo oceanic unit ; SPZ : South Portuguese Zone ; WALZ : West Asturian Leonese Zone. Europe de l’ouest : AM : Armorican Massif ; FMC : French Massif Central ; Li : Lizard Ophiolite. Europe centrale et de l’est : BM : Bohemian Massif ; BRM : Brabant Massif ; M : Moravo-Silesian Zone ; MZ : Moldanubian Zone ; RM : Rhenish Massif ; S : Sudetes ; Sl : Sleza ophiolite ; SXZ : Saxo-Thuringian Zone ; TBU : Teplá-Barrandian Unit.

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b) Histoire Paléozoïque

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Figure 2-28 : Reconstructions montrant la formation de la Pangée d’après Torsvik et al. (2012) entre 500 Ma à 300 Ma. On observe également l’évolution du domaine Cadomien jusqu’à la formation de la Pangée. Les terrains en vert (foncé et clair) correspondent aux différents cratons ou domaines continentaux. Les données permettant ces reconstructions ont été prélevées sur les domaines en vert foncé. Les zones en blanc représentent l’extension des glaciers en période glaciaire.

L’ouverture de l’océan Iapétus se poursuit jusqu’au début de l’Ordovicien (Figs. 27A, 2-28A) où il atteint sa dimension maximale soit environ 5000 km. Des mouvements le long de la marge transformante gondwanienne permettent au bloc Avalonia de converger vers le bloc Laurentia, refermant ainsi l’océan Iapétus (Fig 2-28B). Ce mouvement est également associé à l’ouverture de l’océan Rhéique (et Paléo-Téthys ?) entre Avalonia et la marge active gondwanienne (Nance et al., 2008 ; Nance et Linnemann, 2008 ; Cocks et Fortey, 2009 ;

Torsvik et al., 2012 ; Figs. 2-27B, 2-28B). Ces décrochements ont pour conséquence la

collision de certains domaines de la marge gondwanienne à l’Ordovicien (~470 Ma, phase Sarde du cycle Hercynien ou Varisque selon Laumonier et al. (2004)). La fermeture rapide des océans Tornquist (fin Ordovicien, 450-440 Ma, Fig. 2-29A) et Iapétus (orogènese calédonienne au Silurien Moyen, 430-420 Ma, Fig. 2-29B), est associée à la convergence entre Baltica/Avalonia et Laurentia (Fig. 2-29). Il en résulte la formation du supercontinent Laurussia. L’océan Rhéïque atteint alors sa dimension maximale, soit plus de 4000 km, et amorce sa fermeture dès la fin du Silurien (Nance et Linnemann, 2008 ; Torsvik et al., 2012).

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Figure 2-29 : Formation du Laurussia entre (A) 440 Ma et (B) 420 Ma d’après Cocks et Torsvik (2011). IS : suture de l’océan Iapetus, TS : suture de l’océan Tornquist. Les terrains en vert (foncé et clair) correspondent aux différents cratons ou domaines continentaux. Les données permettant ces reconstructions ont été prélevées sur les domaines en vert foncé. L’extension probable des domaines continentaux est représentée en jaune. Les terrains affectés par les déformations calédoniennes sont en marron clair.

Du Silurien au Dévonien (~425 Ma - ~390 Ma) (Figs. 2-27C-E, 2-28B-C), l’océan Rhéïque se referme par le déplacement de domaines à affinité gondwanienne et cadomienne (Armorica, Ibérie, …) vers les blocs Laurussia et Avalonia suite à l’ouverture de l’océan Paléo-Téthys. Du Dévonien au Carbonifère (~370 Ma - ~330 Ma) (Figs. 2-27E-H, 2-28C-D), les deux domaines océaniques (Rhéïque au Nord et la branche Ouest du Paléo-Téthys au Sud) se referment en transpression. Les blocs Cadomia et Armorica entrent en collision avec le bloc Gondwana au Sud provoquant la subduction de l’océan Paléo-Téthys vers le Nord, et avec les blocs Laurussia et Avalonia au Nord conduisant à la subduction de l’océan Rhéïque vers le Sud, formant ainsi le supercontinent Pangée (Stampfli et Borel, 2002 ; Torsvik et al., 2012 ;

Carreras et Druguet, 2014 ; Figs. 2-27I, 2-28E, 2-30). Cette phase est mise en évidence par la

présence d’ophiolites (Fig. 2-31A) sur chaque zone de subduction entourant le bloc Armorica (Matte, 2001). Cependant, il y a encore des doutes au sujet du prolongement de ces sutures océaniques (Figs. 2-31B-D).

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Figure 2-30 : Différentes reconstructions de la Pangée selon Matte (2001) à 280 Ma (A) et selon Domeier et Torsvik (2014) à 290 Ma (B) et 250 Ma (C).

La collision (cycle Hercynien s. s.) se poursuit jusqu’au Permien. Au milieu du Permien, l’océan Paléo-Téthys commence à se refermer du fait de la convergence de rubans de croûtes vers le Nord et l’ouverture de l’océan Néo-Téthys (Stampfli et Borel, 2002 ; Torsvik et al.,

2012 ; Domeier et Torsvik, 2014). La position relative des différents cratons qui composent la

Pangée et leur évolution au Mésozoïque ont cependant été longtemps débattues du fait d’incompatibilités entre les données paléomagnétiques et les observations géologiques et géophysiques notamment pour la période anté-triassique (Bullard et al., 1965 ; Van der Voo

et French, 1974 ; Irving, 1977 ; Van der Voo et al., 1984 ; Smith et Livermore, 1991 ; Domeier et al., 2012). Ces modèles s’accordent cependant sur le fait que l’ouverture de

l’océan Atlantique entre la fin du Trias et le début du Jurassique marque le début de la dislocation de la Pangée.

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Figure 2-31 : Différentes hypothèses concernant la prolongation des sutures océaniques dans la chaîne Varisque autour du domaine pyrénéen. A) Coupe selon Matte (2001). Les sutures océaniques entre les blocs Avalonia et Armorica, et entre Armorica et Gondwana sont soulignées par la présence d’ophiolites (en noir). Le domaine Varisque est jalonné par de nombreux cisaillements décrochants dextres (la faille de Bray, les cisaillements Nord- (NASZ) et Sud-armoricain (SASZ)). B) Configurations du domaine Varisque selon Matte (2001), et C) Edel (2012), modifiés d’après Carreras et Druguet (2014). D) Configuration du domaine Varisque selon Carreras et Druguet (2014).

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c) Histoire Mésozoïque

La partie centrale de l’océan Atlantique s’ouvre (break-up) entre la fin du Trias et le milieu du Jurassique (Stampfli et al., 2002 ; Labails et al., 2010 ; Torsvik et al., 2012 ; Figs. 2-32A-C). Cet épisode extensif est souligné par la formation de nombreux bassins et de zones de fractures entre le Golfe du Mexique et le Maroc (Le Pichon et Fox, 1971 ; Olsen, 1997) ainsi que par la mise en place d’une province magmatique à basaltes tholéïtiques très étendue (Central Atlantic Magmatic Province, CAMP) dont le pic d’activité est daté à 200 ± 4 Ma (Olsen, 1997 ; Marzoli et al., 1999). L’ouverture de la branche Sud de l’Atlantique (Torsvik et

al., 2009 ; Le Pichon et Hayes, 1971) entre l’Afrique et l’Amérique du Sud débute au Crétacé

Inférieur (145-130 Ma). La rotation anti-horaire de l’Afrique par rapport à l’Europe entraine la subduction de l’océan Néo-Téthys (131-84 Ma) sous le domaine alpin (Handy et al., 2010). Cette propagation vers le Nord provoque notamment l’ouverture du Golfe de Gascogne à la fin du Crétacé Inférieur et est responsable des mouvements qu’enregistrent l’Ibérie par rapport à l’Europe (Figs. 2-32D-E). L’ouverture de la branche Nord entre l’Amérique du Nord/Groenland et l’Europe (Ziegler, 1982 ; Olivet, 1984, 1996 ; Mosar et al., 2002 ; Torsvik

et al., 2012) se produit à partir de la fin du début de l’Eocène (~55 Ma) (Figs. 2-32E).

Figure 2-32 : Reconstructions de la dislocation de la Pangée à 250 Ma, jusqu’à 50 Ma d’après Torsvik et al. (2012).

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IV) Histoire cinématique de l’Ibérie à partir du Mésozoïque et formation