• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 Structure et évolution pré-orogénique Structure et évolution pré-orogénique

III) Les Pyrénées, un domaine en formation depuis le Précambrien

1) Evolution tectono-stratigraphique au Paléozoïque

Les plus vieux sédiments affleurant dans les Pyrénées et dans les domaines environnants d’Europe de l’Ouest, depuis l’Ibérie centrale aux Massifs Bohémiens, sont datés de l’Ediacarien au Cambrien inférieur (~600 Ma - ~500 Ma) : les Groupes de Canaveilles et de Jujols dans les Pyrénées (Laumonier et al., 2004) ; les unités de Narcea, d’Allande et de Navelgas en Ibérie centrale (Laumonier et al., 2004 ; Fernandez-Suarez et al., 2013). Ces

63

sédiments se sont déposés dans des bassins formés sur la marge active gondwanienne (Fig. 2-16), bordés par le Gondwana d’une part au Nord et Nord-Ouest de l’Afrique et Nord de l’Amérique du Sud actuelles, et d’autre part, par un arc magmatique insulaire (Pereira et al.,

2006 ; Ribeiro et al., 2007 ; Fernandez-Suarez et al., 2013 ; Linnemann et al., 2014 ; Shaw et al., 2014 et références incluses). Ce dernier se forme en réponse à la subduction de l’océan

Iapetus sous le Gondwana et à la possible rupture de son slab caractérisant la fin du cycle Cadomien vers ~550 Ma (voir partie III-3b).

Figure 2-16 : Reconstruction paléogéographique du bassin Cambrien sur la marge active Gondwanienne et coupes schématiques montrant l’évolution des sources qui remplissent le bassin avant et après la limite Ediacarien/Cambrien d’après Fernandez-Suarez et al. (2013).

64

Dans le futur domaine Pyrénéen, le Groupe de Canaveilles constitue un ensemble pélito-grauwackeux comprenant des intercalations de calcaires et de roches volcaniques sur 2 à 3 km d’épaisseur. Un âge U/Pb sur zircon de ~580 Ma a été obtenu au cœur de ce groupe (base du « Membre C », Cocherie et al., 2005 ; Laumonier et al., 2004). L’érosion des marges de ce bassin se traduit par l’identification de différentes populations de zircons anciens (âges U/Pb) dans les sédiments cambriens des régions péri-gondwaniennes. Ces zircons sont souvent recyclés dans des bassins plus récents (jusqu’au Tertiaire) ou au cours d’événements magmatiques (cœurs hérités) postérieurs (Delaperrière et al., 1994 ; Deloule et al., 2002 ; Cocherie et al., 2005 ; Castineiras et al., 2008 ; Denèle et al., 2009 ; Filleaudeau et al., 2011 ; Whitchurch et al., 2011 ; Talavera et al., 2012 ; Fernandez-Suarez et al., 2013 ; Linnemann et al., 2008, 2013 ; Shaw et al., 2014).

On retrouve ainsi des âges entre ~1,9 Ga et ~2,7 Ga et entre ~0,85 Ga et ~1,15 Ga qui semblent provenir respectivement de l’érosion des cratons formant le Gondwana

(Fernandez-Suarez et al., 2013 ; Linnemann et al., 2008, 2013) et de l’érosion de domaines plus jeunes

qui gravitent en périphérie du Gondwana (Cocks et Fortey, 2009 ; Fernandez-Suarez et al.,

2013). L’érosion de l’arc magmatique qui forme l’autre marge de ces bassins est la source la

plus probable de zircons dont les âges s’étalent entre 550 Ma et 750 Ma. On retrouve également des tuffs volcaniques dans les métasédiments de Canaveilles datés de cette période (Cocherie et al., 2005) et de nombreux marqueurs magmatiques et métamorphiques, par exemple en Bretagne (bloc Armorica, Brun et Balé, 1990 ; Treloar et Strachan, 1990 et références incluses).

Au début de l’Ordovicien (490 - 470 Ma), les mouvements décrochants responsables de l’ouverture de l’océan Rhéïque et de l’accrétion de certains blocs péri-Gondwaniens, correspondant à la phase sarde de l’orogène Varisque au sens large selon Laumonier et al.

(2004), se traduisent dans le domaine pyrénéen par un métamorphisme de type Barrovien

(Matte, 2001) et par un magmatisme daté autour de 470 Ma. Ce magmatisme est repéré notamment dans la partie Est de la chaîne des Pyrénées (Barbey et al., 2001 ; Deloule et al.,

2002 ; Cocherie et al., 2005 ; Castineiras et al., 2008 ; Denèle et al., 2009 ; Martinez et al., 2011), dans les Montagnes Noires (Cocherie et al., 2005), dans le Centre de l’Ibérie

(Valverde-Vaquero et Dunning, 2000), dans les Alpes internes (Guillot et al., 2002), en Sardaigne (Helbing et Tiepolo, 2005), et dans la chaîne Catalane (Martinez et al., 2008). Ce magmatisme de type calco-alcalin à alumineux (Castineiras et al., 2008) est parfois présenté comme résultant d’une fusion crustale à subcrustale (Cocherie et al., 2005). Ces massifs sont

65

intrusifs dans le Groupe de Canaveilles, ainsi que dans le Groupe de Jujols qui s’est déposé depuis le Cambrien jusqu’à l’Ordovicien moyen (Laumonier et al., 2004 ; Carreras et

Druguet, 2014 ; Fig. 2-17). Ce groupe consiste en une alternance de pélites, de grès et de

quartzites.

Les séries de la fin de l’Ordovicien reposent en discordance (discordance ordovicienne, Fig. 2-17) sur les dépôts Cambro-Ordoviciens. Ils consistent en une succession de conglomérats à la base, puis de grès, d’alternances pélito-grauwackeuses, de calcaires et pour finir par des dépôts silicoclastiques associés à des quartzites. On passe ensuite par des dépôts pélitiques (Black shales) datés du Silurien, où s’intercalent des dépôts volcaniques (tuffs basaltiques, andésitiques et rhyolitiques). La puissance de ces dépôts ne dépasse guère les 500 m.

Figure 2-17 : Log stratigraphique schématique dans les séries Paléozoïques des Pyrénées (Carreras et Druguet, 2014) montrant les principales discordances (U1 : discordance Cambrienne, U2 : discordance Ordovicienne, U3 : discordance Hercynienne) et la position structurale des différents plutons magmatiques (1 : granites et prophyres édiacariens, 2 : roches volcaniques basiques de l’Ediacarien, 3 : plutons ordoviciens).

La collision hercynienne débute au Dévonien (~390 Ma). Le domaine Pyrénéen n’enregistre pas encore les déformations varisques et s’apparente à un environnement marin bordé de plateformes carbonatées, avec notamment le dépôt des « Calcaires griottes » de la fin du Dévonien, et parfois turbiditiques, avec quelques intercalations flyscho-gréseuses au milieu du Dévonien. Ces sédiments marins calcaires se déposent jusqu’au Carbonifère inférieur.

66

Au Carbonifère (330 - 305 Ma), le domaine pyrénéen enregistre deux phases principales de déformation suite à la collision entre le Gondwana, Laurussia et les domaines Cadomiens (cycle Hercynien s. s.). La première phase (D1) se déroule jusqu’au Carbonifère moyen (~330 - 320 Ma). Elle est caractérisée dans les Pyrénées par un métamorphisme Barrovien, par la migmatisation de matériel crustal profond (Laumonier et al., 2010 ; Garcia-Sansegundo et

al., 2011 ; Aguilar et al., 2013), et par une tectonique compressive à vergence Sud (Fig. 2-18)

qui marquent profondément la structure de la chaîne. Ces accidents accommoderont d’ailleurs les déformations liées à la formation de la chaîne du Mésozoïque au Cénozoïque comme on peut le voir sur le profil ECORS (voir partie II).

A la fin du Carbonifère (320 Ma – 305 Ma), l’ensemble des domaines Varisques, et donc les Pyrénées, enregistrent une phase de transpression (D2) Est-Ouest souvent caractérisée par de grands décrochements dextres, notamment entre l’Ibérie et l’Europe, en relation avec la possible rupture du slab et la relaxation thermique de la croûte épaissie (Arthaud et Matte,

1975 ; Burg et al., 1994 ; Faure, 1995 ; Garcia-Sansegundo, 1996 ; Denèle et al., 2007, 2009 ; Clariana et Garcia-Sansegundo, 2009 ; Corsini et Rolland, 2009 ; Laumonier et al., 2010 ; Garcia-Sansegundo et al., 2011 ; Carreras et Druget, 2014). Cette phase est souvent

divisée en deux étapes (D2a – D2b ou D2 – D3) selon les auteurs (Denèle et al., 2009 ; Carreras et Druguet, 2014 ; Clariana et Garcia-Sansegundo, 2009). La phase D2a (D2) est

associée à un pulse thermique caractérisé d’une part par du métamorphisme haute température et basse pression qui affecte notamment les granites ordoviciens, et par la mise en place de nombreux plutons granitiques peralumineux dans la croûte supérieure au niveau des Pyrénées (Respaut et Lancelot, 1983 ; Delaperrière et al., 1994 ; Romer et Soler, 1995 ; Paquette et

al., 1997 ; Guerrot, 1998 ; Roberts et al., 2000 ; Maurel et al., 2004 ; Ternet et al., 2004 ; Gleizes et al., 2006 ; Denèle, 2007 ; Olivier et al., 2008 ; Aguilar et al., 2013 ; Denèle et al., 2014 ; Pik et al., en préparation ; Figs. 2-18, 2-19, 2-20), de la chaîne Catalane (Martinez et al., 2008), et dans la chaîne Ibérique (Valle Aguado et al., 2005). La phase D2b (D3) est

caractérisée par des mouvements décrochants plus localisés (zones de cisaillements et de mylonites), des plissements parfois à vergence Sud recoupant les déformations antérieures (Fig. 2-19) et du magmatisme calco-alcalin (Figs. 2-18, 2-20). Ces granites peralumineux et calco-alcalins résultent du mélange entre des magmas à source mantellique et la fusion d’une partie de la croûte (Vitrac-Michard et Allègre, 1975b ; Michard-Vitrac et al., 1980 ; Wickham

67

en grande partie la résistance de la lithosphère (croûte et manteau sous-continental) ainsi que la localisation des déformations futures, notamment extensives, au Mésozoïque.

Figure 2-18 : Evolution tectono-magmatique des massifs de l’Aston et de l’Hospitalet au cours de l’orogenèse hercynienne d’après Denèle (2007). En jaune : les massifs ordoviciens de l’Aston et de l’Hospitalet, déformés pendant l’orogène l’hercynienne ; en rose : les massifs granitiques calco-alcalins mis en place pendant l’orogène hercynienne.

68

Figure 2-19 : Carte représentant l’orientation des axes de plis principaux associés au métamorphisme polyphasé hercynien dans le domaine Pyrénéen d’après Carreras et Druguet (2014). On remarque que certaines de ces déformations se parallélisent à la FNP.

Figure 2-20 : Compilation des âges U/Pb sur zircon obtenus sur les plutons des Pyrénées (Respaut et Lancelot, 1983 ; Delaperrière et al., 1994 ; Romer et Soler, 1995 ; Paquette et al., 1997 ; Guerrot, 1998 ; Roberts et al., 2000 ; Maurel et al., 2004 ; Ternet et al., 2004 ; Gleizes et al., 2006 ; Denèle, 2007 ; Olivier et al., 2008 ; Aguilar et al., 2013 ; Denèle et al., 2014 ; Pik et al., en préparation ; Vacherat et al., en préparation.).

70

Cette phase orogénique entraine l’apparition des premiers dépôts silico-détritiques et turbiditiques d’avant-pays du faciès « Culm ». Ces séries sont datées de la fin du Viséen (~330 Ma) au Westphalien Supérieur (~308 Ma) et traduisent la propagation vers le Sud des chevauchements frontaux et du rôle joué par le domaine Pyrénéen, en tant que bassin d’avant-pays (Delvolvé et al., 1998). Les dépôts sont plus vieux au Nord-Est (massif de Mouthoumet) qu’au Sud-Ouest (massif de Cinco-Villas, en passant par le Pays de Sault, l’Arize, …) (Barnolas et Chiron, 1996 ; Delvolvé et al., 1998 ; Fig. 2-21).

Figure 2-21 : Diachronisme Est-Ouest du Culm entre le massif du Mouthoumet et le massif de Cinco-Villas (Barnolas et Chiron, 1996).

L’épisode thermique Carbonifère se poursuit jusqu’au Permien Inférieur (~270 Ma) et est marqué par un magmatisme calco-alcalin à alcalin enregistré dans la chaine pyrénéenne par la présence de sédiments volcaniques dans de nombreux bassins molassiques permiens discordant sur les séries antérieures (discordance hercynienne, Fig. 18) comme la Sierra de Cadi, les bassins d’Anayet et de la Rhune (Innocent et al., 1994 ; Lago et al., 2004 ; Barnolas

et Chiron, 1996). Il est marqué également par quelques plutons, sills et dykes granitiques à

l’Ouest de la chaine comme le massif d’Aya (Denèle et al., 2011) et celui du Pic de Midi d’Ossau (Briqueu et Innocent, 1993). Un âge Rb/Sr à 277 ± 7 Ma a été donné pour le massif de la Maladeta (Michard-Vitrac et al., 1980) mais cette méthode de datation est généralement moins précise que la datation U/Pb sur zircons (Maurel et al., 2004 ; Roberts et al., 2000) du

71

fait de l’existence dans les Pyrénées d’un événement hydrothermal entre 260 et 250 Ma qui aurait potentiellement affecté ces âges (Innocent et al., 1994).