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Chapitre 3 Les méthodes de datations Les méthodes de datations

V) Utilisation de la thermochronologie 1) Applications et interprétations courantes 1) Applications et interprétations courantes

3) Modélisation de données thermochronologiques

a) HeFTy

HeFTy est un programme de modélisation de chemins temps-température créée par Richard Ketcham (Ketcham, 2005). Il propose deux types de modélisations : directe et inverse. La modélisation directe consiste à tester des chemins temps-température pour observer leurs impacts sur différents systèmes : âges traces de fission et (U-Th-Sm)/He sur apatites et sur zircons, et températures obtenues par réflectance vitrinite, en prenant en compte les modèles de recuit ou de diffusion les plus récents. La modélisation inverse permet de déterminer le ou les meilleurs chemins temps-température parmi un nombre important de tests (ce nombre est défini par l’utilisateur), reproduisant les données d’entrée. On peut également ajouter des contraintes géologiques, comme un âge de cristallisation ou un âge de dépôt. Ces contraintes définissent un espace en temps et en température par lequel les chemins testés par le modèle doivent passer. La qualité d’un chemin est estimée par rapport à la qualité de reproduction des

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données, comme pour la modélisation directe. Le résultat final (Fig. 3-32A) se présente sous la forme de chemins dits acceptables (avec un intervalle de confiance de 67%, σ1) ou bons (avec un intervalle de confiance de 95%, σ2).

Figure 3-32 : Résultats de modélisations inverses. A) HeFTy. Les chemins temps-température en vert sont dits acceptables et reproduisent les données d’entrée avec une précision de l’ordre de σ1, tandis que les chemins en violet sont dits bons (précision σ2). B) QTQt, d’après Fillon et al. (2013). L’échelle de couleur correspond à la probabilité qu’un chemin temps-température reproduisant les données passe en un point précis (1°C x 1 Ma). Les traits pleins en noir correspondent au chemin moyen avec son enveloppe de confiance (σ1). Le trait plein en jaune est associé au meilleur chemin temps-température. C) PECUBE, d’après Erdos et al. (2014). Bloc 3D montrant la distribution d’âge AFT à la surface du modèle, contrainte par la topographie, le champ de vitesse associé aux mouvements sur les failles prises en compte dans le modèle et par le champ de température.

Ce programme est très simple d’utilisation. Cependant, le nombre de données d’entrée est limité (sept âges maximum) et plus le nombre de données est important, plus il est difficile

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d’obtenir des chemins temps-température qui les reproduisent toutes. Pour une étude où la quantité de données est très importante, on préfèrera un autre programme : QTQt.

b) QTQt

QTQt est un programme alternatif créé par Kerry Gallagher (Gallagher, 2012). Comme HeFTy, ce programme permet la modélisation directe et la modélisation inverse de données thermochronologiques (traces de fissions sur apatites, sur zircons, (U-Th-Sm)/He sur apatites, sur zircons, et réflectance vitrinite), en tenant compte des modèles de recuit et de diffusion les plus récents. Si le principe de modélisation directe est sensiblement identique à celui d’HeFTy, la modélisation inverse comporte d’importantes différences. Plus le nombre d’échantillon en entrée est important, plus le programme est performant. QtQt détermine des chemins temps-température en utilisant un algorithme bayésien de type chaîne de Markov Monte Carlo. Un modèle initial est proposé afin de produire des données synthétiques qui sont ensuite comparées aux données d’entrée. Ce modèle initial est ensuite légèrement perturbé (ajout d’un nœud dans le chemin temps-température sur lequel la température varie ou suppression d’un nœud). De nouvelles données synthétiques sont définies et comparées avec les données d’entrée. Le meilleur modèle est conservé et cette procédure est répétée. Le nombre de répétitions est choisi par l’utilisateur afin que le modèle soit stable (plus le modèle teste de solutions, plus la solution finale est stable). La solution finale consiste en un large ensemble de chemins temps-température où chaque point d’un espace temps-température (1°C x 1Ma) est caractérisé par la probabilité qu’un chemin temps-température passe par ce point. Plusieurs modèles particuliers sont mis en évidence tels que le chemin temps-température moyen et le meilleur chemin temps-temps-température, avec le minimum de nœuds (Fig. 3-32B). Le programme propose aussi plusieurs informations statistiques pour évaluer comment sont reproduites les données d’entrée.

Au cours de cette thèse, un intérêt particulier est porté sur la méthode (U-Th-Sm)/He sur zircons. L’inconvénient de ce programme est qu’il ne prend pas en compte le dernier modèle de diffusion pour cette méthode (Guenthner et al., 2013), à la différence de HeFTy. Ainsi, HeFTy et QTQt seront utilisés, souvent de manière complémentaire. Des applications de ces deux programmes sont présentées dans les Chapitres 4 et 5.

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L’interprétation de ces chemins temps-température en histoire tectonique est cependant délicate car elle doit tenir compte de la thermicité de la zone d’étude voire de l’histoire de la topographie.

c) PECUBE

PECUBE est un programme qui permet également de déterminer des histoires temps-température à partir de données thermochronologiques, créé par Jean Braun (Braun, 2003 ;

Braun et al., 2012). Cependant, à la différence des deux programmes précédents, PECUBE

détermine une solution en 3D. La structure thermique de la zone modélisée est contrainte par la résolution de l’équation de la chaleur (conduction, advection, production de chaleur), par les mouvements tectoniques localisés sur des failles dont l’histoire est définie par l’utilisateur, et par l’histoire de la topographie, elle aussi définie par l’utilisateur. Ce programme tient compte des modèles de diffusion et de recuit de différents thermochronomètres pour reproduire des données thermochronologiques synthétiques, distribuées à la surface du modèle (Fig. 3-32C).

Ce logiciel ne sera cependant pas utilisé au cours de cette thèse pour trois raisons. Premièrement, le modèle de diffusion considéré pour la méthode (U-Th-Sm)/He est celui de

Wolf et al. (1998) et ne prend donc pas en compte les relations âge/eU comme pour Guenthner et al. (2013). Deuxièmement, contraindre une histoire tectonique et

morphologique nécessite beaucoup de temps. Cette thèse a fait l’objet d’une longue période d’analyses et de datations, incompatible avec une telle étude. Troisièmement, comme tout outil de modélisation, il implique de faire des hypothèses et des approximations. Plus ces approximations sont importantes, plus l’erreur générée est significative par rapport au problème posé jusqu’à ne pas permettre de répondre à la problématique.

Prenons l’exemple de la chaîne Himalayenne. La géométrie de ses accidents majeurs est relativement bien contrainte, de même que l’évolution de sa topographie et du climat limitant donc fortement les inconnues ainsi que les erreurs résultant d’une modélisation. PECUBE permet donc de répondre à de nombreuses questions concernant les taux d’érosion enregistrés dans la chaîne (Coutand et al., 2014) ou encore son histoire tectonique précise (Herman et al.,

2010). On pourrait faire le même constat dans les Alpes de Nouvelle-Zélande (Braun et al., 2012).

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Cependant, dans les Pyrénées, plusieurs problèmes se posent rendant PECUBE potentiellement inadéquat. En effet, pour toute étude avec PECUBE, il est nécessaire de déterminer avec précision le champ de vitesse des différents accidents majeurs. Il dépend avant tout de la géométrie de ces accidents. Dans les Pyrénées, les données sub-surfaces n’apportent pas la précision nécessaire et la plupart des coupes dites équilibrées sont tracées à la main, ce qui implique d’importantes imprécisions voire des incohérences. On a vu précédemment (Chapitre 2) que ces reconstructions étaient en général inexactes et qu’elles variaient fortement selon les auteurs (localisation de la déformation ; accommodation des déformations intra-plaques ; géométrie de la zone de suture). De plus, certains modèles considèrent des déformations intra-croûte (Muñoz, 1992) qui ne sont pas prises en compte dans PECUBE. Enfin, il n’y a actuellement pas assez de données pour contraindre l’évolution de la topographie au cours de la formation du prisme orogénique ce qui nécessite de faire des hypothèses fortes sur le modèle.

Dans leur étude Erdos et al. (2014) ont testé plusieurs de ces reconstructions au travers de PECUBE. Ils montrent qu’il est impossible de distinguer l’effet d’un mouvement tectonique rapide et ponctuel de l’effet d’un mouvement tectonique plus lent, actif sur toute la durée de la modélisation. Ainsi, les données disponibles actuellement ne permettent pas de déterminer quelle reconstruction reproduit le mieux les données.

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Chapitre 4