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9.1 3 métropoles françaises en regard avec la Pointe cas d’étude

9.1.2 Nos trois métropoles comparées avec la Pointe

Après ces différents constats, il nous semble intéressant de reprendre les cinq mêmes thématiques et de les comparer au site de la Pointe de la Jonction.

Concernant la participation, on observe un tissu associatif assez présent sur le site (cf. chapitre 3), puisqu’un grand nombre d’associations milite activement pour préserver ses intérêts. La fédération des artistes de l’usine Kugler (FAK) est déjà un premier exemple, sans compter les efforts de l’Association pour la reconversion de la caserne des Vernets (ARV), dont la buvette connaît un grand succès depuis son ouverture (été 2011). Bien que le dialogue citoyen ait l’air bien enclenché, notamment à travers des Forums, le tout est de savoir si la population aura son mot à dire quant au choix concernant l’avenir du site. Toutefois, si la population est en désaccord avec un projet proposé par le politique, le referendum est un outil dont elle pourra se saisir pour faire entendre sa voix.

Le risque d’effacer la mémoire du lieu est toujours présent, puisqu’il ne faut pas se le cacher, l’usine Kugler a elle-même aussi failli disparaître. Il a fallu la mobilisation d’un groupe de personnes engagées qui ont donné de leur temps pour permettre des travaux partiels et maintenir l’édifice sur pied avant qu’il ne soit réhabilité. Dans de telles circonstances, la mobilisation citoyenne peut parfois surprendre. Le cas du sauvetage des bains des Pâquis, commenté dans la première partie de ce travail, en est un bel exemple. Et que dire du dépôt des transports publics genevois ? Faut-il également le considérer comme trace de l’histoire ou doit-il disparaître au profit de nouvelles constructions ? Le projet du parti libéral-radical qui propose la construction de logements au-dessus de l’édifice permet de conserver l’usage qui en est fait et, en quelque sorte, d’en préserver sa mémoire. Mais ce projet a-t-il été pensé dans ce souci ? Vraisemblablement pas, puisque l’objectif premier était « d’éviter élégamment l’obstacle majeur ayant causé la perte des précédents projets : son déménagement préalable, en vérité impossible, aujourd’hui et pour longtemps. » 145

Le rapport à l’eau est indiscutablement une composante essentielle du site, entouré de deux cours d’eau. Comme nous l’avons vu précédemment, deux de nos territoires étudiés, en l’occurrence Nantes et Lyon, ont tiré profit de cette proximité à l’eau. Genève gagnerait à en faire tout autant. Les rives ne seront vraisemblablement pas négligées, puisque le projet « Au fil du Rhône », né d’une réflexion spontanée sur l’importance de l’espace du fleuve dans la ville, propose le réaménagement des bords du Rhône comme un vaste espace public ouvert dans la ville. Toutefois, la façon dont les actions pourraient se concrétiser est, quant à elle, pour l’instant incertaine. Notre analyse (cf. partie 1) a montré que la population genevoise est en manque d’espaces permettant un rapport direct avec l’eau. Les platelages en bois mis à disposition offrent donc des réponses ponctuelles pour pallier la demande actuelle, mais ne sont pas, de toute évidence, aménagés pour tous les types de baigneurs.

fréquentation du site. Un autre risque serait d’artificialiser les berges à l’image des quais de la Rade, alors que la plupart des baigneurs se rendent à la Pointe car ils sont à la recherche de sensations différentes de la baignade lacustre. Ces dernières leur procurant effectivement un rapport plus sauvage à la nature, l’envie de braver le courant, ou encore de sauter du Pont Sous-Terre, même si cela demeure interdit. La mixité est également un enjeu pour l’avenir du site. Le choix du programme est par conséquent important. Les projets tels qu’« Arts, neuroscience et cité » ou le « Blue Brain Project » ont souvent pour risque de rendre un site monofonctionnel tel le ghetto scientifique de la Presqu’île de Grenoble. Une mixité entre logements, équipements publics, commerces et espace public paraît judicieuse, pour autant que la part de logement ne consiste pas seulement en des habitations de haut standing, entraînant une gentrification du quartier, comme à Lyon Confluence. La Jonction a, par ailleurs, déjà subi beaucoup de changements depuis une dizaine d’années, dont un phénomène d’embourgeoisement sur une partie des berges du Rhône. Dans un cadre aussi idyllique et naturel entre deux falaises boisées, le risque de voir ce phénomène s’amplifier n’est pas à négliger. Par ailleurs, un espace public ne peut pas fonctionner comme tel s’il est trop étroitement assimilé au logement. C’est ce que le parti politique des Verts reproche au projet type « Kalsbreite », proposé par le parti libéral radical, dont l’espace public se trouve sur le toit des bâtiments. En effet, comment parler d’espace public alors que, de par sa position, il se trouve fortement assimilé aux appartements ?

Enfin, la construction d’objets architecturaux apparaît également comme un risque dont il faut se prémunir. On a déjà vu apparaître les prémices de cette tendance, lorsqu’on voulait y établir la Maison de l’architecture, le Musée d’ethnographie ou encore la Maison de la danse qui se seraient sans doute matérialisés par une architecture quelque peu singulière – c’est d’ailleurs la forme contemporaine qu’a prise le Musée d’Ethnographie dans le quartier de Plainpalais. Les territoires souhaitant consolider leur identité métropolitaine se servent souvent de ces objets architecturaux, tel Lyon Confluence et son Musée de la Confluence sur la pointe. Si l’idée est de promouvoir la métropole genevoise, ne serait-il pas utile d’avoir un fort symbole architectural sur ce nouveau lieu de vie ? Sur cette question, les Verts opinent qu’un parc à la Pointe de la Jonction est tout autant porteur de symbolique.

« Un petit pays est-il condamné par sa petitesse même à ne pas connaître la grandeur ? » C.-F. Ramuz, Besoin de grandeur, 1937