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De grands projets urbains

6.1 Présentation des projets

6.1.1 L’invention d’une Île

Le projet « Île de Nantes » est le projet phare de l’agglomération nantaise. Ce projet, dont les enjeux ont été tout d’abord été identifiés par Dominique Perrault et François Grether a, par la suite, pu être poursuivi par Alexandre Chemettof et Jean-Louis Berthomieu. Il vise à « faire exister cet amalgame de nombreuses îles comme un cœur d’agglomération jouxtant la ville historique. Il travaille sur les hétérogénéités du site pour marier unité et diversité autour d’un espace public recomposé, unissant modernité et patrimoine, notamment industriel ».76

Le projet se traduit graphiquement par un outil de planification : le plan guide. Connu de tous publiquement en 1999, il a régulièrement été actualisé jusqu’en 2008. Cet outil à la fois souple, indicatif et « en projet » a très vite séduit les Nantais. Alexandre Chemettof a pour sa part « opté pour le plan guide et une écriture qui s’invente dans le rapport avec ce qui existe : d’abord une lecture de l’histoire à travers le paysage, et puis de là, penser la modification de l’état des lieux. Aller du site au programme et du programme au site, et soigner la force d’évocation : trop petit, le plan guide ne servirait à rien, plus détaillé il deviendrait encombrant »77.

Les lignes directrices du projet ont pour visée de « préserver la mémoire du lieu et y privilégier les qualités des sites et des ambiances, tout en développant, au centre géographique de Nantes, le paysage d’une ville ouverte sur son fleuve et ses berges ».78

D’après Ariella Masbourgi79, le projet « Île de Nantes » c’est tout d’abord le projet du

« ET/ET au lieu de OU/OU » car il a la vertu de faire coexister ce qui est souvent « intellectuellement opposé »80. Il propose des choix modérés dans des dilemmes où

l’on aurait tendance parfois à se radicaliser, pour exemple les politiques de transport où l’on a souvent tendance à opposer les modes doux à la voiture. Deuxièmement, ce projet est aussi un projet urbain qui n’impose pas une cohérence pensée à long terme et à grande échelle. « Une telle stratégie peut se lire aussi comme une planification implicite, non formulée, avec des secteurs d’intervention stratégique dont la mise en œuvre est difficilement prévisible »81. Cette politique urbaine semble avoir bien

réussi à Nantes et a servi par la suite de modèle.

76 MASBOUNGI, Ariella. Nantes : la Loire dessine le projet. Editions de la Villette ; DGUHC, 2003, Collection : Projet urbain, p. 95.

77 VIOLEAU, Jean-Louis. Nantes, l’invention d’une Ile. Editions Autrement, 2011, Collection : Le Mook Autrement, p. 30.

78 Ibidem.

79 MASBOUNGI, Ariella. Nantes : la Loire dessine le projet. Editions de la Villette ; DGUHC, 2003, Collection : Projet urbain, p. 95.

80 MASBOUNGI, Ariella, ibid., p. 11. 81 MASBOUNGI, Ariella, ibid., p. 13.

« Penser l’Île comme une série de transformations successives qui scandent autant de périodes qui auront vu la ville subir dans son ensemble de profondes transformations. Parce que l’Île est inséparable de la ville, parce que l’Île est un morceau de Nantes, tout en exprimant dans un même mouvement les transformations de la ville entière : une partie pour le tout, une synecdoque. Paris, c’est la tour Eiffel. Et Nantes serait désormais son Île. »

VIOLEAU, Jean-Louis. Nantes, l’invention d’une Ile. Editions Autrement, 2011, Collection : Le Mook Autrement, p.7.

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/ Illustration fantastique de l’Île de Nantes vue par Julien Grataloup. Extrait de : VIOLEAU, Jean-Louis. Nantes, l’invention d’une Île. Editions Autrement, 2011.

Notons que notre deuxième cas d’étude, Lyon, a également utilisé l’outil « plan guide » pour la planification de son projet « Lyon-Confluence ». Cet outil apparaît donc être une bonne méthode à « l’ère de la réorganisation métropolitaine » pour « conduire un projet urbain de manière moderne, souple, ouverte au débat et à la négociation, sans perdre le fil conducteur qui en donne la direction […] ». 82

Par ailleurs, l’absence de projet unificateur tend à accepter une forme d’hétérogénéité. « Le projet n’est pas un grand projet : il est une multitude de petits projets. Ce n’est pas 350 ha mais 350 fois un hectare »83 , selon le point de vue d’Alexandre Chemettof qui

refuse l’idée d’un grand projet rédempteur. Le lien doit se faire par l’espace public. Le projet « Île de Nantes » c’est aussi « lutter contre l’étalement urbain par l’incitation plus que par l’interdit »84. Sans planification dirigiste, la ville a su renforcer l’attractivité de

son centre, en évitant ainsi l’étalement urbain et en contribuant à renforcer la « ville consolidée. »85

A présent, voyons de plus près les éléments qui caractérisent le plan guide :

« Carte de l’île en état futur d’achèvement, à la fois état des lieux et projection de dans l’avenir, le Plan guide est l’outil évolutif de la fabrication urbaine. Plus qu’une représentation du projet, un élément de sa méthode. Il figure l’ensemble des îlots, occupés ou disponibles, fixe l’ambition et en détermine les contraintes. Tout y est dessiné avec une égale précision, ce qui existe, les hypothèses probables, les idées plus prospectives. Document de référence, il guide l’action à court terme, dans le cadre d’une vision du territoire à long terme. Il prend en compte l’ensemble des politiques sectorielles de la ville et de l’agglomération, et récolte toutes les actions entreprises. Ni règle, ni procédure, il s’adaptera aux initiatives qui y trouveront place. […] Le Plan guide devient alors un outil de discussion pour la collectivité »86.

Après cette première étape du plan guide menée par Alexandre Chemettof et Jean- Louis Berthomieu, le projet connaît un tournant avec un changement d’équipe, nous l’avons vu, dès 2009.

82 MASBOUNGI, Ariella. Nantes : la Loire dessine le projet. Editions de la Villette ; DGUHC, 2003, Collection : Projet urbain, p. 13.

83 Ibidem.

84 MASBOUNGI, Ariella, ibid., p. 14. 85 Ibidem.

L’essentiel de la restructuration se concentre sur la partie ouest de l’île, puisqu’il s’agit de l’emplacement où se trouvaient les anciens chantiers navals et les restes du patrimoine industriel. Le programme prévoit des constructions de logements, des bureaux, des commerces et équipements publics sur le secteur. Deux ensembles immobiliers doivent voir le jour avec, en leur centre, un grand parc paysager de 15 hectares. A l’est de ce parc est prévue l’implantation d’une partie des services du Centre hospitalier universitaire (C.H.U) sur 100’000 m2 de SHON87.

Grâce au quartier de la Création, les sciences et techniques des industries occuperont une part importante du programme. La Fabrique, l’école nationale supérieure d’architecture de Nantes, l’école supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole ou encore les Machines de l’île sauront contribuer à l’essor de ce nouveau point de convergence en la matière.

La partie centrale de l’île, la plus anciennement urbanisée, connaîtra de plus modestes changements. Elle doit toutefois accueillir de nouveaux équipements publics, des programmes de logement et un jardin couvert (le jardin des Fonderies), aménagé dans les anciennes halles des Fonderies de l’Atlantique.

La partie est, quant à elle, subira d’importantes transformations avec notamment l’édification du quartier d’affaires « Euronantes ». Ce nouveau quartier sera constitué d’immeubles de bureau, de logements, de commerces et d’hôtels. L’ensemble sera relié par une succession de bassins, de canaux et de jardins d’eau établis en escaliers et descendant vers le fleuve.

Il nous semble important de mentionner que les éléments précédemment énoncés ne sont qu’un résumé succinct des principales actions menées sur les trois secteurs (est, centre et ouest). Elles ne sont en aucun cas pas représentatives de l’ensemble des différents et multiples chantiers menés sur l’Île, qui constitueraient à eux seuls l’objet tout entier d’une étude.

87 La surface S.H.O.N. est la Surface Hors Œuvre Nette, définie en m2 et utilisée en droit de l’urbanisme français jusqu’au 1er mars 2012. Dès lors, cette mesure est remplacée par la surface de plancher.