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Participation citoyenne et associative

3.1.3 Le cas exemplaire du sauvetage des bains des Pâquis

Il semble important de parcourir ensemble l’histoire du sauvetage des bains des Pâquis, car elle représente, à notre sens, un bel exemple de réussite de ce que peut offrir la démocratie directe participative.

Tout d’abord, il est important de rappeler que cette opération a pu être menée grâce à l’obstination de quelques personnes, amoureuses des bains et fortement attachées au lieu, prêtes à se battre pour assurer sa sauvegarde et sa pérennité. Dans certains milieux, on entendait que ces bains avaient fait leur temps. On envisageait leur destruction pour reconstruire de nouveaux dispositifs tels que des bassins artificiels tempérés, des solariums et un grand restaurant. « De plus, disait-on, le béton semblait pourri »31.

Les opposants à la destruction ne défendaient vraisemblablement pas les bains pour leur qualité architecturale, mais plutôt « pour ce qu’ils offraient dans leur rapport d’une simplicité extrême à l’eau et l’atmosphère unique qui y régnait »32. En effet, il

s’agissait d’un des rares lieux de Genève où le baigneur pouvait jouir d’installations fonctionnelles pour un prix d’entrée populaire, sans séparation des sexes. Il s’agissait à la fois d’un lieu de retraite et d’observation, de rencontre entre les gens d’un quartier et de l’extérieur. Pour de nombreux Genevois, ce lieu leur rappelait leur enfance, l’expérience des premières baignades et ils y étaient fortement attachés. Ainsi, en 1987, lorsqu’un groupe d’usagers voit apparaître « Reconstruction des Bains » dans la feuille d’avis officielle ( FAO ), il comprend que leur destruction est imminente. Un petit groupe décide au printemps de la même année de fonder « l’Association d’usagers des bains des Pâquis » ( ci-après AUBP ) et dépose un recours contre ce projet. Jusqu’alors, les autorités avaient donné peu d’informations à la population sur le nouveau projet et, à l’époque, les mots « dialogue » et « concertation » avec les citoyens n’étaient pas à l’ordre du jour. Malgré les arguments de l’AUBP, principalement d’ordre émotionnel et esthétique, le crédit du nouveau projet est voté. Aussitôt, l’association lance un référendum contre cette décision et obtient rapidement plus de 9’000 signatures.

Commence alors une grande campagne d’information afin d’obtenir le soutien de la population. Deux membres du comité partent en exploration spéléologique sous les bains afin de vérifier l’état des structures en béton. Après avoir contrôlé l’état de près de cinq cents piliers dans des eaux glaciales en février, les dégâts se révèlent être moins importants que ceux annoncés. L’association affirme donc qu’une restauration est envisageable et moins coûteuse que la démolition-reconstruction projetée, soit moins de dix millions. Il s’agit d’un argument de poids quelques mois avant la votation communale.

31 VILLE DE GENEVE, Département municipal de l’aménagement de constructions et de la voirie. Bains des Pâquis, quai du Mont-Blanc. Genève, Kurz, 1995, p.15.

32 Ibidem.

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De plus, l’AUPB déploie une énergie démesurée dans la communication : publicistes, imprésarios, orateurs, colleurs d’affiches, etc. Ils organisent des fêtes chaque vendredi soir sur la jetée pendant tout l’été avec de la musique et des stands d’information. D’autres associations et mouvements de quartier se joignent à eux pour soutenir les bains. La campagne référendaire connaît un succès sans précédent et l’un des moments d’apothéose est le grand spectacle « Sacrée Foirée » donné sur la jetée des bains. « Dans cet opéra balnéaire, au scénario prémonitoire, il est question d’un royaume des bains menacé par un affreux “ hippopodrame ”. Du haut du phare, Neptune, roi des eaux, exhorte son peuple à la rébellion. Conduites par le preux Roger, les générations du futur humide sacrifient le monstre en peignant sur son corps un immense “ NON ” »33. Ce « non » sera étendu des Genevois, puisqu’ils le

déposeront dans les urnes le week-end suivant, soit le 25 septembre 1988. Ce ne sont pas moins de 72% de votants qui marquent ainsi leur volonté de sauver les bains des Pâquis.

Suite à cette votation référendaire, le conseil administratif demande à l’AUBP de lui soumettre un projet idéal pour moins de dix millions. Ils s’engagent à accepter ledit projet avec pour condition que l’AUPB se charge également de la gestion des bains. L’AUBP accepte la proposition tout en posant elle-même sa propre condition: travailler avec les architectes et ingénieurs de son choix. En effet, elle ne pouvait envisager de travailler avec ceux qui, jusqu’alors, avaient prétendu qu’une rénovation n’était pas possible. Les conditions des deux parties acceptées, l’AUBP passe du rôle d’opposant à celui de partenaire et relève brillamment le défi lancé par le conseil administratif. Ce n’est pas sans sueur, car la responsabilité est assumée bénévolement en plus des activités professionnelles de chacun. Cette fin heureuse n’aurait probablement jamais vu le jour si le Conseil Administratif de la Ville de Genève n’avait pas eu l’audace de lier projet de restauration et de gestion. C’est sans doute la clé du succès de l’opération qui a permis non seulement de débloquer une situation délicate, mais a également contribué à la mise en place d’un nouveau type de partenariat.

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/ Affiche de propagande pour encourager les Genevois à se prononcer contre la déstruction des bains, lors de la votation du 25 septembre 1988.

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3.2 Les associations et leurs désirs pour la pointe de