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II. Etude des savoirs savants de référence

II.3. Nombres entiers et addition selon Peano (début XXIe siècle)

L’objet de ce paragraphe23 est d’esquisser les grandes lignes de la construction des entiers naturels à partir des axiomes de Peano, et de rappeler les propriétés de l’addition et de la soustraction qui en résultent.

 Axiomes de Peano

L’ensemble des entiers naturels est introduit en postulant l’existence d’un triplet (0, N, S) où N est un ensemble, 0 est un élément particulier de N et S : N→ N une application qui vérifient les propriétés suivantes :

(A1) S est injective. (A2) L’image de S est N.

(A3) Si A est une partie de N telle que et

20 « AUB, réunion de AetB, est l’ensemble de tous les éléments qui appartiennent à A et à B. » Atlas des mathématiques(1997) p.25.

21 Deux ensembles sont disjoints s’ils n’ont pas d’éléments communs.

22 Si A et B sont deux ensembles tels que A soit inclus dans B, le complémentaire de A dans B est l’ensemble des éléments de A qui n’appartiennent pas à B.

23 Nous nous sommes appuyée pour énoncer et établir les propriétés relatives à la construction des nombres entiers naturels et des opérations sur Arnaudies J.-M., Fraysse, H.(1989) chapitre II (p.41-48).

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L’ensemble N est l’ensemble des entiers naturels; l’élément 0 s’appelle zéro ; l’application S s’appelle application successeur : si , est le successeur de . La propriété (A3) s’appelle axiome de récurrence. Si  , d’après (A2) et (A1), est l’image par S d’un unique élément appartenant à N. Cet élément s’appelle le prédécesseur de n. Ainsi 0 est l’unique élément n’ayant pas de prédécesseur. Le successeur de zéro s’appelle un et se note 1. On note encore S(1)=2, C’est en utilisant le théorème qui va suivre, qui découle directement de A3, qu’il est possible d’établir les propriétés de l’addition :

 Théorème dit de récurrence

Soit une assertion dépendant d’une variable avec alors les relations : [P ] et [

L’addition quant à elle est une loi introduite grâce au théorème de récurrence et au théorème suivant qui assure son existence et son unicité :

 Théorème et définition de l’addition sur l’ensemble des entiers naturels N

Il existe une et une seule loi de composition interne, application notée N × N → N, et appelée addition, vérifiant :

1)

2) ( est la somme de p et de q.

Cette loi interne possède un certain nombre de propriétés qui font uniquement appel à ce qui précède et que nous allons démontrer avant d’énoncer et d’établir l’existence d’une relation d’ordre sur l’ensemble des entiers naturels. Relation qui permet d’engendrer une dernière propriété de l’addition connue sous le nom de régularité de l’addition.

 Propriétés de l’addition sur l’ensemble des entiers naturels

 (P1) existence d’un élément neutre : (

Démonstration par récurrence sur n de (l’autre égalité est la demande 1) de l’addition)

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▪ Comme pour tout entier n on a d’après le théorème et définition de l’addition, on a pour La propriété est vérifiée au rang 0.

▪ Supposons la propriété vraie au rang soit , alors donc la propriété est établie au rang

La propriété est vraie au rang 0 et au rang donc la propriété est établie par le théorème de récurrence.

 (P2) expression du successeur d’un entier : ( Démontrons que par récurrence sur

▪ Comme d’après (P1) on a Comme et pour tout , on a

La propriété est vérifiée au rang 0.

▪ Supposons la propriété vraie au rang soit et

- On a d’après (P1) et donc

- On a d’où

La propriété est vraie au rang 0 et au rang donc la propriété est établie par le théorème de récurrence.

 (P3) associativité de l’addition :

Fixons et et démontrons la propriété par récurrence sur .

▪ d’après (P1) et p d’après (P1). On en déduit . La propriété est vraie au rang 0. On peut donc écrire p+q+0.

▪ Supposons la propriété vraie au rang , soit on a :

d’après la définition de d’addition et d’après l’hypothèse au rang r et d’après la définition de l’addition or d’après la définition de l’addition. La propriété est vraie au rang S(r).

La propriété est vraie au rang 0 et au rang donc la propriété est établie par le théorème de récurrence. On notera désormais

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 (P4) commutativité de l’addition : Fixons et démontrons par récurrence sur

▪ d’après (P1) donc la propriété est vraie au rang 0. ▪ Supposons la propriété vraie au rang , soit on a :

- d’après (P2)

- d’après l’associativité - d’après (P2)

- d’après l’associativité

- d’après l’hypothèse au rang - d’après l’associativité

Donc La propriété est vraie au rang

La propriété est vraie au rang 0 et au rang donc la propriété est établie par le théorème de récurrence.

 (P5)

Le sens est immédiat car zéro est l’élément neutre de l’addition (P(1)). Pour démontrer l’autre sens, fixons m et démontrons par récurrence sur

▪ Pour on a est vrai d’après (P1).

▪ Supposons la propriété vraie au rang soit

On a car S est injective. On a bien par hypothèse de récurrence. La propriété étant vérifiée au rang 0 et héréditaire, elle est établie par le théorème de récurrence.

 (P6) : ▪ Supposons et alors d’après P(1).

▪ Pour l’implication réciproque, on fait une démonstration par contraposée.

Supposons alors il existe un unique entier tel que puisque tout élément non nul a un prédécesseur. or car l’image de N par S est N.

▪ Supposons , un même raisonnement et l’utilisation de la commutativité permettent de conclure.

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Afin d’établir la propriété de l’addition connue sous le nom de la régularité, nous allons rappeler et démontrer l’existence d’une relation d’ordre total sur l’ensemble des entiers naturels :

 Théorème et définition relatif à l’ordre total sur l’ensemble des entiers naturels Sur N la relation binaire notée ≤ définie pour tous , entiers naturels par :

(p ( d N / est une relation d’ordre total.

Démonstration :

▪ La réflexivité (pour tout entier naturel , on a : p découle du fait que pour tout entier naturel , on ait (c’est la demande 1) de l’addition).

▪ L’antisymétrie (pour tous entiers naturels et et entraine résulte des propriétés (P3),( P5) et (P6) .

En effet supposons qu’il existe entier naturel tel que et tel que . On a alors d’après (P3) soit ce qui entraine d’après (P5) donc et d’après (P6). On en conclut ▪ La transitivité (pour tous entiers naturels , et , p entraine résulte de l’associativité de l’addition (P3).

En effet supposons qu’il existe d entier naturel tel que et tel que . On a alors d’après (P3).

▪ L’ordre total (soit un entier naturel, alors se démontre par récurrence sur

Pour , on a quelque soit entier naturel, donc Supposons la propriété au rang et montrons la au rang

On a soit (1) soit (2) .

Cas(1) : il existe tel que donc par l’associativité (P(3)) et donc on a

Cas (2) : il existe tel que p .

- Si , alors et par P(2) soit .

- Si est non nul, alors il existe tel que par (P2) et la définition de S. On a donc par la commutativité et l’associativité d’où et donc

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La propriété est donc établie au rang 0 et héréditaire, elle est donc démontrée par le théorème de récurrence. Elle permet avec l’ensemble de ce qui précède d’établir la régularité de l’addition :

 (P7) régularité de l’addition Le sens implique est immédiat.

Supposons

Premier cas : , d’après le théorème relatif à l’ordre total sur N,il existe un entier avec non nul sinon on aurait tel que . On a alors d’après l’associativité et la commutativité. On en déduit que est différent de car si on avait on aurait par (P6) or est non nul ce qu’il fallait démontrer.

On démontre le second cas , de la même manière.

En conclusion, cette approche axiomatique permet de mettre en évidence la notion de successeur et de construire l’ensemble des entiers naturels de proche en proche ainsi que d’établir les propriétés de l’addition. La propriété relative à l’ordre total sur l’ensemble des entiers naturels et la régularité de l’addition permettent de définir la soustraction sur l’ensemble des entiers naturels et d’établir ses propriétés.

 Théorème et définition de la soustraction sur l’ensemble des entiers naturels La soustraction dans l’ensemble des entiers naturels est l’opération qui, à tout couple d’entiers tel que associe l’unique entier naturel vérifiant l’égalité En effet, un tel nombre existe car est un ordre total et il est unique par la propriété de régularité de l’addition (P5). Il est alors noté .

 Propriétés de la soustraction sur les entiers naturels

Puisque cette opération n’est pas définie sur un domaine symétrique, la question de la commutativité ne se pose pas. En revanche la soustraction possède un certain nombre de propriétés sur l’ensemble des entiers naturels qui proviennent directement de celles de l’addition :

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 (S2) : pour soustraire un nombre à une somme, on peut soustraire ce nombre à l’un ou l’autre des termes de la somme.

Cela se traduit, pour et entiers tels que les différences introduites aient un sens, c'est-à-dire et par : .

 (S3) : une différence ne change pas si on ajoute ou si on soustrait le même nombre aux deux termes de la différence. Cette propriété est aussi connue sous le nom de propriété de conservation des écarts.

Cela se traduit pour p et entiers tels que les différences introduites aient un sens, c'est- à-dire pour par : et pour , et par :

 (S4) : pour soustraire une somme à un nombre, on peut soustraire le premier terme au nombre puis le second au résultat.

Cela se traduit, pour et entiers tels que les différences introduites aient un sens, c'est-à-dire pour et et par :

Pour conclure, l’axiomatique de Peano est un puissant moteur pour le développement des mathématiques. Il permet d’établir en « interne », sans référence au réel, les définitions et les propriétés des nombres entiers et des opérations. A ce sujet, un mathématicien du XXème siècle, Lebesgue, s’oppose à un enseignement qui serait précocement centré sur les « mathématiques pures ». Dans le paragraphe suivant, nous présentons quelques unes de ses idées fortes.