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IV. L’enseignement d’un algorithme de la soustraction

IV.1. Les raisons d’enseigner un algorithme de la soustraction

« Le mot algorithme vient de Al Khwarizmi, surnom du mathématicien arabe Muhammad Ibn Musa (IXe siècle), né à Khwarizem, en Ouzbékistan. Son sens a changé plusieurs fois avant d’en arriver à ses significations actuelles. Un algorithme est une suite finie de règles à appliquer dans un ordre déterminé à un nombre fini de données pour arriver avec certitude (c'est-à-dire sans indétermination ou ambigüité), en un nombre fini d’étapes, à un certain résultat et cela indépendamment des données. Un algorithme ne résout donc

41A propos du glissement métacognitif et didactique, Brousseau (2010) évoque le fait que « lorsqu'une activité d'enseignement a échoué, le professeur peut être conduit à se justifier et, pour continuer son action, à prendre ses propres explications et ses moyens heuristiques comme objets d'étude à la place de la véritable connaissance mathématiques. D’objets d d’études ils deviennent par le même processus objets d’enseignement. » (Brousseau, 2010, p.8).

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pas seulement un problème unique mais toute une classe ne différant que par les données mais gouvernée par les mêmes prescriptions. (Bouvier et al, 2005, p.27).

Cette définition montre que le but d'un algorithme de calcul est de réduire un calcul complexe en une série de calculs plus élémentaires qui peuvent être effectués en utilisant des processus bien établis, ainsi que des règles pour la coordination de ces calculs plus simples. Vu que leur utilisation est largement répandue dans les classes primaires du monde entier, et que, d’après Shuard42 en 1986, 80% du temps consacré à l’enseignement du calcul est réservé au seul enseignement des algorithmes, plusieurs études ont été conduites, notamment au Royaume Uni, aux Etats-Unis, en Australie pour analyser l’impact de l’enseignement d’un algorithme sur l’apprentissage des élèves en mathématiques.

Clarke (2005) dans une conférence donnée en 200543, énonce huit raisons de pratiquer les algorithmes standards :

“▪ algorithms have been traditional primary mathematics content around the world for many years

▪ algorithms are powerful in solving classes of problems, particulary where the computation involves many numbers, where memory may be overloaded

▪ algorithms are contracted, summarising several lines of equations involving distributivity and asscossiativity

▪ algorithms are automatic, being able to be taught to, and carried out by, someone without having to analyse the underlying basis of the algorithm ▪ algorithms are fast, with a direct route to the answer

▪ algorithms provide a written record of computation, enabling teachers and students to locate any errors in the algorithm

▪ algorithms can be instructive

▪ for the teacher, algorithms are easy to manage and assess” (Clarke, 2005,p.93)

La première raison reprend l’idée qu’un algorithme standard est un savoir mathématique qui se transmet de génération en génération. Il fait partie des connaissances communes de base que chacun doit acquérir à l’école, et peut être utilisé hors de l’école.

La deuxième raison évoque la puissance d’un algorithme standard car celui-ci s’applique à n’importe quelle classe de problèmes et ne nécessite pas de mémoriser les nombres en jeu surtout quand il y en a plusieurs.

42 Shuard H. (1986) Primary Mathematics Today and Tomorrow, deputy principal of Homerton College, Cambridge, England

43 Making mathematics VITAL Proceedings of the Twentieth Biennial Conference of The Australian Association of Mathematics Teachers Edided by M. Coupland, J. Anderson & T. Spencer

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La troisième raison est liée à la compacité d’un calcul effectué grâce à un algorithme standard. Celui-ci se présente comme une écriture contractée correspondant en fait à plusieurs lignes d’écritures.

La quatrième raison montre que la force d’un algorithme standard est qu’il peut être enseigné et réalisé par quelqu’un, sans que celui-ci sache expliquer pourquoi il « fonctionne ». Il s’agit de faire automatiquement le calcul, « sans avoir besoin de réfléchir ».

La cinquième raison rappelle que l’utilisation d’un algorithme standard permet d’aller rapidement à la solution en utilisant une démarche « directe ».

De plus, raison six, le compte rendu écrit du calcul effectué en utilisant l’algorithme standard permet à celui qui le lit de le valider (élève où enseignant) et de localiser facilement les erreurs.

La septième raison peut être interprétée de différentes manières. Il est, par exemple, possible et instructif de s’interroger sur le bien fondé au niveau mathématique d’un algorithme.

La dernière raison suggère que pour l’enseignant, l’algorithme standard est facile à présenter en classe et à évaluer. En effet, on peut supposer, que l’algorithme n’est pas facile en soi, mais facile en comparaison aux autres techniques de calcul mental, qui dépendent des nombres en jeu et qui ne sont ni directes ni généralisables.

Thompson44, reprend quant à lui la comparaison entre les techniques de calcul mental et les algorithmes standards en citant Plunkett (1979) :

“Whereas mental algorithms are fleeting, iconic, holistic and not often generalisable, standard written algorithms, on the other hand, are symbolic, automatic, contracted, efficient, analytic and generalisable.”

(Thompson, 1995, p.17)

L’algorithme s’applique de la même manière quels que soient les nombres en jeu alors que certaines techniques de calcul mental vont être plus efficientes dans certains cas. C’est en ce sens qu’il est possible d’associer à l’idée d’algorithme, l’idée de « technique généralisable » alors que le calcul mental est associé à l’idée de « flexibilité ».

Un autre élément important pris en compte est le fait que pour écrire le calcul posé en colonne, on utilise uniquement des chiffres et des signes opératoires ; on opère donc à partir de symboles, alors qu’avec une autre technique de calcul on peut éventuellement réaliser un schéma. De plus, à chaque étape du calcul, on ajoute ou on soustrait des chiffres qui sont

44 Nous n’avons pas la date précise de l’articule. Il est disponible sur le site suivant :

ahttp://www.ianthompson.pi.dsl.pipex.com/index_files/british%20research%20on%20mental%20and%20written %20calculation%20for%20addition%20and%20subtraction.pdf

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placés les uns sous les autres. L'algorithme oblige les utilisateurs, une fois le calcul posé, à se livrer à une pure manipulation de « symboles ». L’algorithme est rarement associé à sa base conceptuelle. En fait, toujours d’après Thompson (1999), une pratique courante dans l'utilisation d'algorithmes exige même que l'on ne pense pas à ce que les chiffres représentent si l'on ne veut pas être confondu, distrait. Les algorithmes « standards » encouragent « la passivité cognitive» de l’utilisateur en ce sens où :

“The decision as to how to set out the calculation, where to start, what value to assign to the digits, etc, are all taken out the individual ‘s hand.” (Thompson, 1999, p.17)

C’est pourquoi ils sont dangereusement séduisants, au point qu’il n’est pas rare de voir des élèves avoir recours à l’algorithme de la soustraction pour trouver le résultat de 100 $ - 99,95 $. Dans ce sens, il est nécessaire de trouver un équilibre dans l’enseignement

des différentes techniques de calcul additif et soustractif à enseigner. Thomson (1999) suggére une idée de progression:

“The framework also describes a clear teaching progression for calculation, starting from mental methods, passing through jottings, informal written methods, formal algorithms using expanded notation, and culminating in the learning of the standard algorithms.”(Ibid., p 18)

Dans cette progression, l’enseignement précoce d’algorithme est évité, étant entendu que les élèves doivent être impliqués dans l’élaboration de techniques mentales, puis écrites, mais élaborées à partir de leurs connaissances des nombres à un chiffre, à deux chiffres et des opérations.

Une autre étude, conduite par Butlen & Charles-Pézard (2007), que nous avons déjà citée, montre aussi les dangers qu’il y aurait à enseigner trop tôt les algorithmes et à ne pas instituer le fait que d’autres techniques permettent, même si elles ne sont pas généralisables mais spécifiques à une classe, d’obtenir rapidement et surement un résultat exact.

En conclusion dans cette première partie, nous avons analysé ce qui caractérise le calcul posé en colonne et montré les avantages ainsi que les limites d’un enseignement précocement et presque exclusivement centré sur une technique puissante, rapide et efficace, mais qui ne permet pas aux élèves d’exercer leur mémoire, de développer flexibilité et adaptabilité, de réinvestir leurs connaissances sur les nombres et les opérations. Dans le

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paragraphe suivant, l’étude permet, grâce à une approche historique, d’aborder les spécificités des différents algorithmes propres à la soustraction.