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II. Etude des savoirs savants de référence

II.1. Nombres entiers et addition selon Bezout (1764) et Reynaud (1821)

précédant la réforme des mathématiques modernes et demeurent utiles à l’enseignement (connaissance des désignations des nombres et des opérations, proposition de technique de calcul). Vu l’absence14 de traité à proprement parler, pour recenser les savoirs de second ordre, liés à la théorie des ensembles et à l’axiomatique de Peano, nous évoquons directement les savoirs de premier ordre qui ont influencé l’enseignement de l’arithmétique élémentaire. Pour finir, nous nous intéressons au point de vue de Lebesgue (1915), mathématicien éclairé du XXème siècle, sur les mathématiques à enseigner à l’école élémentaire.

II.1. Nombres entiers et addition selon Bezout (1764) et Reynaud

(1821)

Pour Bezout :

« Le nombre exprime de combien d’unités ou de parties d’unité une quantité est composée. » (Bezout, 1764, p.1)

Le nombre est abstrait quand la nature de l’unité n’est pas donnée,et concret dans l’autre cas. Au regard de cette définition, le nombre n’existe pas en tant que tel. Il est relié et défini à partir des grandeurs. Bezout indique ensuite que les mots de la langue française qui permettent de désigner chaque nombre sont « familiers ». Il n’en dit pas davantage sur les règles de fonctionnement de la numération parlée. Il consacre par contre un paragraphe à exposer les principes qui permettent de désigner les nombres au moyen des caractères que sont les chiffres (principe décimal et principe de position).

Pour Reynaud :

« Pour former les nombres, on part de l’unité ; l’unité ajoutée à elle même, donne un nombre nommé deux, celui-ci augmenté d’un, compose un nouveau nombre nommé trois ; … . » (Reynaud, 1821, p.1)

La définition du nombre proposée par Reynaud, contrairement à celle de Bezout n’est pas liée aux grandeurs. L’unité ne dépend plus de l’espèce de la grandeur. C’est une entité abstraite

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Chambris (2008,p.19) : « Neyret conclut sa thèse en pointant l’absence de traité, en 1995, et la « nécessité de disposer d’un nouveau traité qui « coiffe » à la fois le collège et l’Institution de formation des professeurs des écoles ».

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qui a cependant une matérialité car elle correspond à un élément quelconque, mais bien identifié d’une collection. Le nombre apparait alors comme le résultat d’un comptage de un en un des éléments de la collection. L’aspect ordinal avec l’idée de successeur est également mis en avant. Les mots qui désignent les nombres sont introduits avec les règles de fonctionnement caractéristiques de la numération orale15.

Dans le traité suivi des notes, les deux auteurs après avoir évoqué la nature des nombres entiers et leurs désignations évoquent les opérations.

Bezout introduit l’addition en ces termes :

« Exprimer la valeur totale de plusieurs nombres, par un nombre, est ce qu’on appelle faire une addition. » (Bezout, 1764, p.9)

Cette opération reste intuitive, la notion de valeur totale n’étant pas explicitée. Le résultat, la somme, peut être trouvée facilement grâce à une « règle » que Bezout énonce. Règle qui correspond à la technique de l’addition en colonne que nous appliquons encore de nos jours. De la même manière16, Bezout introduit la soustraction comme une opération associée à l’action de retrancher, donc à une action concrète et imagée. Les termes choisis pour désigner le résultat, « reste, excès, différence », renvoient d’ailleurs à l’idée de problèmes concrets. La soustraction n’apparait pas « d’emblée » comme l’opération « inverse » de l’addition. Cette caractéristique n’intervient que plus loin dans son exposé quand il donne « une preuve » pour vérifier l’exactitude d’un calcul soustractif. Au niveau de la technique proposée pour effectuer un calcul soustractif, il ne propose pas la technique basée sur la propriété de conservation des écarts mais la technique basée sur « l’emprunt », suivant son expression :

« Comme on ne peut ôter 7 de 6, on ajoutera à 6 dix unités qu’on empruntera en prenant une unité sur son voisin 4, et on dira : 7 ôté de 16, il restera 9 qu’on écrira sous 7. » (Bezout, 1764, p.13)

Reynaud, quant à lui, pour décrire l’addition, n’emploie pas l’expression de « valeur totale ». Il énonce que « le résultat contient à lui seul toutes les unités de plusieurs autres nombres » et donne un exemple de recherche de somme pour étayer son propos. La technique utilisée, une fois encore, correspond à un calcul posé en colonne. En revanche, la définition qu’il donne pour la soustraction s’apparente plus à l’opération inverse de l’addition. Il mentionne d’ailleurs deux techniques pour calculer une différence :

15 Pour une analyse plus précise et complète du système de numération, voir Mounier (2010).

16 « La soustraction est l’opération par laquelle on retranche un nombre d’un autre nombre. Le résultat de cette opération s’appelle reste, excès, ou différence. »

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« La soustraction peut s’effectuer en ôtant du plus grand nombre des deux nombres donnés, toutes les unités du plus petit, ou en cherchant ce qu’il faut ajouter au plus petit des nombres donnés pour obtenir le plus grand. » (Reynaud, 1821, p.7)

Par ailleurs, la technique qu’il mentionne pour effectuer un calcul en colonne est aussi basée sur « l’emprunt »17.

En conclusion, revisiter ces deux approches complémentaires est intéressant pour notre étude. Cela permet de montrer, comme le souligne Chambris (2008), que les nombres dits concrets (rattachés aux grandeurs) et abstraits (à partir desquels le calcul est introduit), qui sans doute ont fondé les programmes de l’école primaire avant 1970, restent latents ou présents dans les savoirs de référence. L’addition et la soustraction servent en premier lieu à anticiper sur le résultat d’opérations concrètes avant d’être des opérations sur les nombres. Les techniques posées en colonne sont introduites pour trouver efficacement, à partir de résultats mémorisés et en appui avec les principes de la numération, la somme et la différence de deux nombres. Le discours technologique donne le mode d’emploi de la technique. Il indique pourquoi et comment gérer chaque étape du calcul. Il n’a pas pour fonction de valider la technique en utilisant le registre des écritures symboliques. Dans le paragraphe suivant, nous présentons en quoi, l’approche du nombre et des opérations vue du côté de la théorie des ensembles est différente.

II.2. Nombre entiers et addition dans la théorie des ensembles (fin du