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Nom –> adjectif

Dans le document Phonologie et morphosyntaxe du Maba (Page 122-130)

3 Les adverbes et les postpositions

4.5 OPÉRATIONS NOMINALES

4.5.1 DÉRIVATION NOMINALE

4.5.1.2 Nom –> adjectif

Il existe quelques modes de formation dérivant des adjectifs à partir de radicaux nominaux, mais aucun d’eux n’est productif.

Le suffixe ----gggg permet de dénominaliser un nom à finale non vocalique, une voyelle support devant être insérée. Cette dérivation n’a été relevée que pour un petit nombre de termes, des adjectifs indiquant la qualité étant formés à partir de noms dé-crivant une qualité ou une caractéristique physique ou morale (ex 280a). La dérivation à l’aide de ----tigtigtig est réservée aux noms d’animaux (ex 280b). tig

280. (a) kɔ́nɔ́n-ì-g (b) ìríː-tì-g kɔ́nɔ́n-i-g íríː-ti-g

honte-V-SG léopard-SFX-SG

honteux tacheté

La réduplication du radical est une possibilité de former un adjectif à partir d’un nom (ex 281), dérivation très rarement attestée.

281. (a) ɲàmúg (b) ɲàmɲàmú-g

ɲam-ɲamug huile huileux

L’exemple (282a) illustre un cas inhabituel, que nous présentons étant donné la fréquence du terme de base, kàkàkàkàŋŋŋŋ personne. En effet, la consonne finale du radical est modifiée. Cette dérivation est basée sur le sens plutôt que sur la forme de surface comme nnnn et ŋŋŋŋ sont les deux attestés en médiane et en finale dans des contextes vocali-ques identivocali-ques, et ne peuvent être en distribution complémentaire. De ce fait, il n’y a pas d’explication phonologique à cette alternance. L’interprétation que nous avons proposée pour kàkàkàŋŋŋŋ (voir 4.3.2.3) est que ŋŋŋŋ est une coalescence de n+gkà n+gn+g et que nnnn est la n+g consonne sous-jacente apparaissant à la surface dans la forme dérivée, iiii étant la voyelle support. kànígkànígkànígkàníg assume une fonction de déterminant adjectival, du fait de la possibilité d’accord en nombre avec la tête du syntagme (ex 282b).

282. (a) kàlà-g kàní-g l-Φ-ì

enfant\SG-SG humain.V-SG 2S- Φ-DECL

|kaŋ-g|

Tu as des parents. (litt : Tu es la fille de quelqu’un) (M17.15) (b) mìː lútɔ̀ː kàníː Φ-ndrùkùl-ɛ́-r-tɛ́r-ì?

2S chose personne.V TH-2S.abîmer-PAS-IRR-DECL

Toi, as-tu abîmé les affaires appartenant à quelqu’un d’autre? (C5.05.21)

4.5.1.3 Diminutif

Comme il a été mentionné dans la partie 4.3.2.2.1, l’adjonction du suffixe ----gggg à un non animé singulier a une valeur de diminutif (ex 283) ou d’individuatif (ex 284) lorsque la forme non marquée est non singulative. L’insertion d’une voyelle support s’avère quelquefois nécessaire pour permettre la réalisation du ----gggg (ex 283). Cette affixation peut aller de pair avec une modification de l’aperture ou de l’arrondissement vocalique, ainsi que de la structure syllabique (ex 285). Les modi-fications de l’arrondissement et de l’aperture vocaliques sont fréquemment attestées dans la langue, tant dans le système nominal que dans le système verbal et une tendance générale des langues du monde se vérifie en maba, où les voyelles fermées sont les voyelles attestées pour les diminutifs (Ohala 2007:239).

283. (a) ɔ́súr (b) ɔ̀sùrɛ̀-g ~ ɔ̀sìrɛ̀-g

champ champ-SG

284. (a) mɔ̀nsɔ̀ːnɔ́ː (b) mɔ̀nsɔ̀ːnɔ́-g

arachides arachide-SG

arachide une arachide

285. (a) túmdà-g (b) tìmɛ́ːdɛ̀-g

corbeille-SG corbeille\DIM-SG

corbeille petite corbeille

La formation du diminutif n’est pas admise pour les termes se référant à des animés, et elle ne semble pas productive pour les termes non animés dénombrables, bien qu’elle soit assez courante pour les noms massifs. Cette formation est limitée à une classe morphologique et sémantique, celle des termes se référant à des non ani-més dont le singulier est la forme la plus courante pour exprimer la singularité.

Il existe une formation analytique du diminutif, exprimé par l’apposition de kkkkà-à-à- à-làg

làg làg

làg au nom, que la forme de surface soit un nom composé (voir 4.5.2) ou un syntagme appositionnel (voir 7.3.5). Les exemples sont donnés dans les paragraphes suivants. 4.5.2 COMPOSITION ET RÉDUPLICATION

À côté de la dérivation nominale, la composition (4.6.2.1.1) et la réduplication (4.6.2.1.2) sont des mécanismes employés pour modifier un terme.

4.5.2.1 Composition

La composition nominale n’est pas productive, bien que quelques noms compo-sés soient attestés, la plupart étant des noms de petits d’animaux, mais cette classe comprend également le doigt et l’orteil et les termes pour les ascendants.

Le référent des termes composés est précisé par le déterminant entrant dans sa construction, qui correspond au syntagme génitif de sens général marqué par =ná=ná=ná=náːːːː. Sur le plan syntaxique, l’on retrouve une trace du relateur et il n’y a pas de distinction entre un mot composé et un syntagme génitif dans lequel le déterminant est mis en relief, l’ordre des termes étant identique (ex 286a et ex 286b).

286. (a) sìŋgílà-g (b) kàlà-g=náː síláː

sɛg-na-kala-g

chèvre=GEN-enfant\SG-SG enfant\SG-SG=GEN lait

chevreau le lait de l’enfant

En l’état actuel de la langue, ----ŋgálŋgálŋgálŋgálàgàgàgàg, correspondant à =ná+kàlàg=ná+kàlàg=ná+kàlàg=ná+kàlàg, n’est plus transparent, et peut être réanalysé comme ŋgálŋgálŋgálàgŋgálàgàg petit. La structure sous-jacente est àg X-nánánáná + kàlàgkàlàgkàlàgkàlàg, un syntagme génitif dont la tête est kàlàgkàlàgkàlàgkàlàg enfant et le déterminant, le premier terme – chèvre dans (286a), la relation étant marquée par le relateur général. =ná

=ná =ná

=náːːːː a été réduit et son point d’articulation s’est assimilé à celui de la consonne vé-laire. La validité de cette hypothèse est confirmée par le fait que le terme kàlàgkàlàgkàlàg est kàlàg employé comme déterminant dans la construction analytique du diminutif, un syn-tagme appositif (ex 287a et 287b). kkkkààààllllàgàgàgàg ne peut être un adjectif, du fait qu’il ne

s’accorde pas avec le nom le précédant. En effet, si cela était le cas, il serait réalisé *kala

*kala *kala

*kalaːːːː dans l’exemple (287c).

287. (a) káɲáː kàlà-g (b) sùŋgɔ̀-g kàlà-g

hache enfant\SG-SG arbre-SG enfant\SG-SG

petite hache fruit (c) kɔ̀ŋgúr-íː kɔ́l-íː =ká ː dùm Φ-nɛ́r-ì-n

bâton-PL enfant\PL-PL=ADD tous TH-apporter\PL-V-ANT

Ayant aussi apporté les petits bois fourchus, … (T2.24.03)

Il existe néanmoins de nettes différences sur les plans phonologique et morpho-syntaxique entre syntagme génitif et mot composé. Un critère clair est la modification et l’harmonisation des voyelles de la tête (ex 288a) ou du déterminant (ex 288b) du mot composé, harmonisation qui n’est jamais observée au-delà des limites du mot (voir 2.3.1). Ces changements vocaliques résultent d’une part de la propagation de l’arrondissement et d’une fermeture de tout ou partie des voyelles d’autre part.

288. (a) sìŋgílà-g (b) ɲùŋgùlá-g

sɛg-na-kala-g ɲug-na-kala-g

chèvre=GEN-enfant\SG-SG chien=GEN-enfant\SG-SG

chevreau chiot

Cette fermeture vocalique n’est cependant pas systématique, la voyelle de la tête du composé peut être plus ouverte que celle du terme de base, comme dans l’exemple (289), qui ne remet cependant pas en cause l’harmonisation des voyelles du mot.

289. dàŋgálà-g

dɛg-na-kala-g

vache=GEN-enfant\SG-SG

veau

Sur le plan morphologique, les mots composés ne comprennent qu’un mor-phème de nombre, et non deux comme cela est le cas dans un syntagme de détermina-tion appositive (ex 290 et 291).

290. (a) sìŋgílà-g (b) sìŋgílíː

chevreau-SG chevreau-PL

chevreau chevreau

291. (a) kɔ̀ŋgúr kàlà-g (b) kɔ̀ŋgúríː kɔ́l-íː

bâton enfant\SG-SG bâton-PL enfant\PL-PL

petit bois fourchu petits bois fourchus

Du point de vue tonal, les tons de base de chacun des termes ne sont générale-ment pas maintenus (ex 292, où il n’a pas été tenu compte des modifications vocali-ques).

292. tùtùŋgùlág

tɔ̀tág+náː+kàlà-g

couteau+GEN+enfant\SG-SG

Les noms composés sont des formes figées dont les éléments constituants ne sont plus toujours reconnus comme tels. Dans certains cas, comme pour l’exemple (288b), les constituants sont encore identifiés par les informateurs, alors que la forma-tion est plus opaque pour les termes de parenté (ex 293). Il est vrai que des recherches dans le domaine de l’anthropologie et de la parenté permettraient de clarifier la struc-ture de ces derniers.

293. t-úŋgúlà-g

t-uŋ-na-kala-g1

3S-père=GEN-enfant\SG-SG

son grand-père

Les termes désignant le doigt (ex 294) et l’orteil sont des noms composés dans lequel le déterminant est un syntagme nominal, le déterminant étant précisé par un numéral.

294. kàrtúŋgúlá-g

karaː+toː=nu+kala-g

main+un=DEF+enfant\SG-SG

doigt

4.5.2.2 Réduplication

La réduplication totale ou partielle du radical est attestée dans le système nomi-nal, bien qu’elle soit non productive. Elle est, d’une part, la caractéristique des adjec-tifs de couleurs, dérivés de coverbes, et, d’autre part, elle est attestée pour quelques noms d’animaux, les noms de partie du corps, d’arbustes, ainsi que certains adjectifs dérivés de noms. De plus, il a été relevé quelques noms pour lesquels le pluriel est formé par réduplication. Nous ne distinguerons pas entre noms et adjectifs, étant don-né que les mécanismes sont identiques pour les deux classes grammaticales.

La réduplication n’a pas été relevée pour des mots où l’une des consonnes serait une prénasale, alors qu’elle l’est pour les rétroflexes et les palatales, hasard du lexique ou confirmation que la structure des ces consonnes est différente.

La réduplication totale du radical est très rarement attestée dans le lexique no-minal (ex 295). ----gggg, étant un suffixe, n’a pas été répliqué. Elle est plus fréquente pour les adjectifs, notamment dans la formation des adjectifs de couleur pour lesquels le radical est monosyllabique (ex 296). Une voyelle support est insérée à gauche du suf-fixe singulatif. Le radical peut être nominal (ex 295) ou coverbal (ex 296).

295. (a) ɔ̀ndrɔ̀-g (b) ɔ́ndrɔ̀ː-ɔ́ndrɔ̀ː

euphorbe criquet, sp

296. (a) dríː sùŋùː (b) drìdríyà-g

être vert vert

En ce qui concerne la réduplication partielle du radical, il en existe deux types : soit le radical est attesté dans la langue (ex 297), soit il ne l’est pas (ex 298). Dans ce

1 Cette dérivation, hypothétique, donnée également par Trenga (1947), est acceptée par les

dernier cas, des critères phonologiques permettent de conclure à un redoublement du radical et non à une séquence de syllabes identiques, du fait de la répétition de la syl-labe CVCCVCCVCCVC. L’on relève des séquences non attestées par ailleurs dans des radicaux mo-nomorphématiques, -mmmmɲɲɲɲ- et ----kckckckc-. L’on peut aussi rencontrer des phonèmes non attes-tés en médiane à l’intérieur du mot, la rétroflexe par exemple dans (298b).

297. (a) ɲàmú-g (b) ɲàm-ɲàmú-g

huile huileux

298. (a) càk-càk-íɲ (b) trɛ̀g-trɛ́g

ignicolore rollier d’Abyssinie

Quelquefois, seul le pluratif est formé à partir d’un radical rédupliqué (ex 299). La structure du mot est identique à celle des termes rédupliqués, comme l’une des syllabes, la seconde dans le cas considéré, ainsi que l’attaque de la suivante sont répé-tées. Ce type de réduplication, dans lequel la seconde syllabe est reprise, a également été relevé pour un terme singulier (ex 300).

299. (a) àŋgàlà-g (b) áŋgálgálíː

a-ŋgal-ag a-ŋgal-ŋgal-iː crapaud crapauds

300. kàdàldál

petite hauteur

Deux cas de figure sont attestés pour les réalisations tonales des termes rédupli-qués : les tons de base des réduplirédupli-qués sont conservés (ex 301) ou la mélodie tonale correspondant à l’une de celles fréquemment relevées pour une classe de mot – BHB

pour les trisyllabes par exemple – (ex 302) est réalisée.

301. ɲàmúg+ɲàmúg ɲàmɲàmúg huileux 302. lìlíyɔ̀g lìː súŋ noir, sombre

Il existe un cas où la qualité des voyelles du terme rédupliqué a été modifiée, combinant les traits vocaliques des deux syllabes par coalescence (ex 303), ----ssssɛːɛːɛːɛː étant l’un des morphèmes pluratifs.

303. (a) kàrí-g (b) kɛ́rkɛ́sɛ́ː

poule poule

Il a été relevé quelques termes illustrant le fait que la structure sous-jacente d’un mot rédupliqué n’soit pas identique pour tous les locuteurs, cette structure déterminant les réalisations vocaliques. Les voyelles ɛɛɛɛ et ɔɔɔɔ connaissent une réalisation [eeee] et [oooo] respectivement lorsque la syllabe dans laquelle elles se trouvent est une syllabe ou-verte et que la voyelle de la syllabe suivante est une voyelle de premier degré (voir 2.1.2). Si la première condition n’est pas remplie, la voyelle restera [ɛɛɛɛ] ou [ɔɔɔɔ]. Les

trois réalisations suivantes (ex 304) sont possibles pour un terme dénotant une variété d’arbuste.

304. [ʃɛ́lʃɛ́lìː] ~ [ʃɛ́lʃèlìː] ~ [ʃélʃélìː]

variété d’arbuste

Nous proposons les dérivations suivantes pour rendre compte de ces diverses réalisations. Les règles sont identiques, mais leur ordre d’application est différent, comme l’on peut soit rédupliquer le radical avant d’adjoindre le suffixe, ou adjoindre le suffixe puis rédupliquer la base, le radical étant [ʃɛlʃɛlʃɛl] dans tous les cas. L’on pourra ʃɛl représenter la première réalisation de la façon suivante :

ʃɛl réduplication

ʃɛlʃɛl propagation du trait [+fermé] –

ʃɛlʃɛl + iː adjonction du suffixe pluratif ʃɛlʃɛliː effacement vocallique –

[ʃɛ́lʃɛ́lìː]

Pour [ʃɛʃɛʃɛʃɛ́́́́llllʃélʃélʃélʃélììììːːːː], , , , le rédupliquant est toujours ʃɛlʃɛlʃɛl, le suffixe ----iiiiːːːː, adjoint avant ʃɛl l’application des règles d’assimilation, provoque une fermeture du second ----ɛɛɛɛ----, comme les conditions de la fermeture vocalique sont remplies. La seconde dérivation sera la suivante :

ʃɛl réduplication

ʃɛlʃɛl + iː adjonction du suffixe pluratif ʃɛlʃeliː propagation du trait [+fermé] ʃɛlʃeliː effacement vocalique

– [ʃɛ́lʃélìː]

Dans le cas de [ʃélʃélʃélʃélʃélʃélììììːːːː], enfin, le radical rédupliqué est ʃɛliːʃélʃél ʃɛliːʃɛliːʃɛliː, le suffixe étant ad-joint avant les modifications vocaliques. ----iiiiːːːː conditionne alors la fermeture des deux ----ɛɛɛɛ----, réalisés [eeee]. Puis le premier -iiiiːːːː est effacé, comme le nombre de syllabes par mots tend à ne pas excéder trois et que la voyelle médiane est le moins susceptible de se maintenir, d’autant plus que la séquence consonantique résultant de l’élision est ad-mise par la langue. Elle est représentée de la façon suivante :

ʃɛl+ iː adjonction du suffixe pluratif ʃɛliːʃɛliː réduplication

ʃeliʃeliː propagation du trait [+fermé] ʃelʃeliː effacement vocalique

[ʃélʃélìː]

L’on relève ce type de conditionnement et de réalisation pour des mots compre-nant des voyelles arrondies, et l’on peut proposer le même type de dérivation (ex 305).

305. [gɔ̀lgɔ̀lí-g ~ gɔ̀lgòlí-g ~ gòlgòlíg]

tremblote

4.6 CONCLUSIONS

Le maba est une langue à tendance synthétique, dans laquelle les nominaux sont généralement composés d’au moins deux morphèmes, le radical et l’indication du nombre, morphèmes que l’on peut généralement identifier, qu’il s’agisse de segments ou de suprasegmentaux (modification vocalique). Les processus morphologiques in-tervenant dans le système nominal sont la suffixation essentiellement, mais également la modification des voyelles du radical, la composition, la réduplication et la supplé-tion.

La morphologie nominale du maba confirme ce que dit Welmers (1973:239) au sujet des langues nilo-sahariennes :

For sheer complexity or irregularity in nominal morphology, however, it is hard to beat a number of NS languages.

Cette complexité se manifeste avant tout dans le système de marquage du nom-bre. Comme nous l’avons vu, un certain nombre de facteurs morphosyntaxiques et sémantiques interagissent pour déterminer le nombre d’un terme. Comme nous l’avons indiqué, le maba présente les caractéristiques des langues nilo-sahariennes – marquage tripartite, mais également un trait propre aux langue couchitiques, le nom-bre général, bien que ce ne soit que de façon imparfaite.

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