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Formes marquées

Dans le document Phonologie et morphosyntaxe du Maba (Page 87-96)

3 Les adverbes et les postpositions

4.3 EXPRESSION DU NOMBRE

4.3.2 SUFFIXES DE NOMBRE

4.3.2.2 Formes marquées

Les formes marquées morphologiquement sont celles comportant un morphème de nombre. Nous examinerons les suffixes attestés dans la langue et les modifications éventuellement induites dans le radical par l’adjonction de ces derniers.

4.3.2.2.1 ----gggg

Le suffixe ----gggg a différentes valeurs selon la classe sémantique du terme auquel il est adjoint : le sens de base reste celui de singulatif dans le cas des animés et pour certains non animés, les valeurs périphériques étant celles de diminutif pour les non animés ou d’individuation pour les noms de masse et les collectifs, la forme avec ----gggg étant marquée dans ces deux derniers cas. D’après Trenga (1947:43), le ----kkkk est un élé-ment exprimant le démonstratif. L’opposition singularité / pluralité est claire pour les trois-quarts des termes en ----VVVVːːːː formant le singulatif en ----gggg, alors que le quart exprime un sens massif en ----VVVːːːː, et un diminutif ou un individuatif, en ----gggg. La valeur première du V suffixe ----gggg est le singulatif, s’opposant à un terme exprimant la pluralité, qu’il s’agisse un pluratif ou un pluriel. Pour les animés en -gggg, l’opposition singularité / pluralité est la seule possible (ex 155). Par contre, pour les non animés en ----gggg, il existe deux possi-bilités. Pour les noms dénombrables, la forme en –gggg a pour sens la singularité et s’oppose à un terme exprimant la pluralité ou la non-singularité (ex 156), ces sens étant les valeurs premières des suffixes de nombre, alors que pour les noms pouvant recevoir un sens massif, la forme en –gggg signifie l’individuation ou le diminutif, attes-tées lorsque la forme non marquée exprime la singularité ou le collectif (ex 157 et 158). 155. (a) mbɔ̀rì-g (b) mbɔ̀r-túː esclave-SG esclave-PL esclave esclaves 156. (a) àbàsí-g (b) àbàsíː coloquinte-SG coloquinte

coloquinte amère coloquintes amères

157. (a) kíjíː (b) kìjí-g

tête tête-SG

tête petite tête (C4.03.11)

158. (a) ɛ̀sɛ́ː (b) ɛ̀sɛ́-g

mil mil-SG

mil un grain de mil

tout au moins pour une partie des termes inanimés, pour le choix du singulatif comme forme de base, c’est-à-dire la forme la plus couramment employée. En effet, l’opposition singulatif / pluriel est plus fréquemment attestée pour les termes pour lesquels le référent est clairement dénombrable et distinct de l’ensemble (tel kkkkɛɛɛɛ̀̀̀̀bbbbɛɛɛɛ̀̀̀̀rrrrɛɛɛɛ́́́́gggg

petite gourde) que pour ceux pour lesquels il se fond dans un tout (mmmmɛɛɛɛ́́́́ssssɛɛɛɛ́́́́ːːːː case par exemple).

Des tendances se dégagent en ce qui concerne l’emploi du suffixe singulatif pour les inanimés. Le nom aura une forme singulative et une forme non marquée lors-que le sens le plus courant est un collectif (sùsùsùsùŋgŋgŋgɔɔɔɔ̀̀̀̀gggg, súŋg súsúsúŋgŋgŋgŋgɔɔɔɔ́́́́ːːːː bois), et une forme non marquée pour la singularité et une forme plurative lorsque le sens le plus naturel est la singularité (tàtàtàtàŋŋŋŋ, tàtàtàtàŋtúːŋtúːŋtúː maison). Ceci correspond à ce que disent Dimmendaal et al ŋtúː (2004:25), au sujet de l’emploi du pluriel et du pluratif, tout comme du singulier et du singulatif.

Entities congregating in large numbers or quantities […] or words referring to items naturally occurring in pairs […] tend to be morphologically un-marked in the plural […] the corresponding singular expresses an indi-viduated item from a collective or from a pair. This type of singulative marking is also found in Cushitic and Semitic languages.

Dans les cas où ----gggg est adjoint à un radical à finale vocalique, l’on n’observe au-cun changement segmental, si ce n’est le raccourcissement, du reste conditionné mor-phologiquement, de la longueur de la voyelle finale (ex 158). Par contre, dans les cas où ----gggg est adjoint à un radical à finale consonantique, une voyelle support devra être insérée, voyelle déterminée par le radical (ex 159 et 160) ou la voyelle par défaut /iiii/ (ex 161 et 162). Les règles de formation du nom, permettant de déterminer l’identité de la voyelle insérée, ont été traitées dans le chapitre 2.3.3.3.

159. (a) ɔ̀wún (b) ɔ̀wùnú-g

cendres cendres-SG

cendres un peu de cendres

160. (a) kɔ́múr (b) kɔ̀mùrɛ́-g

menton menton-SG

menton petit menton

161. (a) súmbúr (b) súmbúrì-g

jumeau jumeau-SG

jumeaux un jumeau

162. (a) dìnáŋ (b) dìnìŋá-g

fonio fonio-SG

fonio un grain de fonio, un peu de fonio

4.3.2.2.2 Morphèmes pluratifs

Les morphèmes pluratifs sont au nombre de sept. La fonction de cinq d’entre eux, ----iiiiːːːː, ----tutututuːːːː, ----ɲiːɲiːɲiːɲiː, ----ssssɛːɛːɛː et ----ʃɛːɛː ʃɛːʃɛːʃɛː, est uniquement d’indiquer la pluralité du référent, alors

que deux d’entre eux ont un sens secondaire, soit de pluriel du pluriel, pour ----sisisisiːːːː, ou de dépréciatif, pour ----jjjjɛːɛːɛːɛː. La distribution des suffixes rappelle cependant une classification des noms en fonction de critères sémantiques ou phonologiques, mais dont la perti-nence se serait perdue une grande partie des termes.

Les morphèmes pluratifs ont été considérés comme suffixes plutôt que comme clitiques, du fait de leur interaction avec le radical – une voyelle est élidée dans cer-tains cas et la voyelle finale d’un nominal non singulatif est brève (voir 2.1.2.3.4.1). Ils ne portent pas non plus de ton propre, contrairement à une partie des clitiques.

Le tableau 16 récapitule les morphèmes attestés ainsi que le nombre d’occurrences dans le lexique. Comme il a été relevé plusieurs possibilités de plurali-sation pour certains termes, le total des occurrences de suffixes est plus élevé que ce-lui des termes. Les pourcentages ont été calculés pour les occurrences des morphè-mes. Morphèmes Occurrences % Vː/-g 263 31,64 % -g/.Vː 94 11,31 % -iː 56 6,73 % -tuː 166 19,97 % -ɲiː 43 5,17 % -siː 41 4,93 % -sɛː 12 1,44 % -jɛː 142 16,74 % irréguliers 34 4,09 % -tuː-siː 4 0,48 % Total 855 occurrences (758 radicaux)

Tableau 16 : Morphèmes pluratifs 4.3.2.2.2.1 ----iiiiːːːː

Le morphème ----iiiiːːːː, relevé dans la très grande majorité des cas avec les noms d’animaux, est adjoint au radical singulier quand ce dernier est terminé par une so-nante, cas de loin le plus fréquent (ex 163). Lorsque le nom est attesté au singulatif, ----iiiiːːːː se substitue à la dernière voyelle du radical ou de la base, après effacement du ----gggg (ex 164), cette dernière classe recouvrant essentiellement des noms composés, dont la formation n’est alors plus transparente au pluratif.

163. (a) tàndàm (b) tàndàm-íː

grand.koudou grand.koudou-PL

164. (a) ɲùŋgùlág (b) ɲùŋgùl-íː ɲùg+naː+kàlàg

chien.SG+GEN+enfant\SG.SG chiot-PL

chiot chiots

Il a été relevé quelques noms d’animaux dont la consonne finale est ----nnnn au singu-lier, et pour lesquels le pluratif est réalisé [ɲiːɲiːɲiːɲiː] (ex 165).

165. (a) lán (b) làːɲíː

pintade pintade.PL

pintade pintades

Le suffixe dans ces termes pourrait être ----iiiiːːːː, provoquant une palatalisation du nnnn du radical, ou ----ɲiːɲiːɲiːɲiː, adjoint après effacement du ----nnnn. Un -ɲɲɲɲ sous-jacent pourrait égale-ment avoir perdu le trait palatal en finale de mot, celui-ci réapparaissant lors de la suffixation, phénomène observé pour des séquences NCNCNCNC, mais non les palatales (voir 2.3.3.1.2). Du fait que l’on n’observe pas de palatalisation régulière de la séquence n+i

n+i n+i

n+i dans le lexique ou lors de la suffixation en ----iiiiːːːː, et que la nasale palatale est définie comme phonème, la première interprétation est exclue. Comme l’on ne relève pas de substitution consonantique lors de la suffixation par ailleurs, mais que des séquences -NCNCNCNC- sont réalisées -NNNN- dans certains contextes phonologiques et morphologiques, l’on pourrait retenir la dernière hypothèse. Toutefois, ce type de comportement n’est pas attesté pour les palatales, le fonctionnement de ces dernières étant similaire à celui des unités. De plus, cette analyse obligerait à revoir les interprétations des palatales pour rendre compte de leur comportement dans ce cas exclusivement. La distinction entre la finale de ùsùsùsùsɔɔɔɔ̀̀̀̀nnnn fourmilier et celle de bbbbɔɔɔɔ́́́́ɲɲɲɲ nez est nette, excluant une simplifica-tion de la nasale palatale en finale. L’argument en faveur d’un morphème ----iiii avec une palatalisation du ----nnnn du radical, et non d’une élision du ----nnnn avant le morphème ----ɲiːɲiːɲiːɲiː, est un argument sémantique, celui du conditionnement de la réalisation de ce suffixe, raison pour laquelle nous le retenons. La conclusion que nous tirons a cependant un caractère arbitraire, du fait que l’on relève des noms d’animaux dont la finale est une nasale alvéolaire, et pour lesquels la réalisation palatale après suffixation n’est pas attestée (ex 166), ainsi que des réalisations nasales palatales en finale (ex 167a) s’opposant à une nasale alvéolaire (ex 167b).

166. (a) màːn (b) màːn-íː boa boa-PL boa boas 167. (a) àɲíɲ (b) àlín mouche autruche 4.3.2.2.2.2 ----tututuːːːː tu

Le conditionnement pour le morphème -tutututuːːːː est phonologique, comme il a été re-levé principalement, mais non exclusivement, après des mots dont la finale est une sonante (ex 168), bien que tous les termes à finale sonante ne forment pas le pluratif à

l’aide de -tututuːːːː. Il a été relevé une variante dialectale ----titu tititiːːːː (ex 169) au nord de la région maba. 168. (a) símbíl (b) sìmbìl-túː clochette clochette-PL clochette clochettes 169. ndrɛ̀kɛ̀-tíː vêtement-PL vêtements (Txt3.3)

C’est avec ce suffixe que l’on relève le plus fréquemment les élisions de la der-nière voyelle d’un radical dissyllabique, lorsque la séquence consonantique résultant de l’effacement d’une voyelle est attestée par ailleurs (ex 170). N’ayant pas pu déga-ger de conditionnement phonologique plausible à ce comportement, nous concluons qu’il s’agit d’une particularité de cette classe de radicaux nominaux. Les exceptions (ex 171) ne sont relevées que lorsque la séquence consonantique résultant de l’élision n’est pas admise.

170. (a) kúrà-g (b) kúr-túː

jeune.homme-SG jeune.homme-PL

jeune homme jeunes gens

171. (a) fàkà-g (b) fáká-túː (*-kt-)

manche-SG manche-PL

petit manche de houe petits manches de houe

Du fait que la langue a une préférence pour les nominaux de trois syllabes au maximum, une voyelle sera élidée quand le nombre de syllabes résultant de l’adjonction d’un suffixe pluratif est supérieur à ce chiffre. Toutefois, lorsque des sé-quences consonantiques non admises à l’intérieur du radical résulteraient de l’élision (-*klklklkl---- ou -*lmtlmtlmtlmt- dans l’exemple 172), toutes les voyelles seront maintenues et l’on relève ainsi quelques nominaux pluratifs quadrisyllabiques. Les combinaisons de consonnes admises à la frontière de morphèmes sont beaucoup plus diversifiées que celles relevées à l’intérieur du radical, et la séquence ----mtmtmtmt----, bien que non attestée dans le radical, est admise entre radical et suffixe.

172. (a) bàkàlám (b) bàkàlàm-túː

joue joue-PL

joue joues (c) *baklamtuː, bakalmtuː

Il est possible que la structure morphologique intervienne également dans cer-tains cas d’élision, comme dans (ex 173), où ----iiii- pourrait être la voyelle servant de support au suffixe singulatif ----gggg. La raison pour laquelle nous proposons cette hypo-thèse est que la séquence vocalique ɔɔɔɔ----iiii n’est pas fréquente (voir 2.3.1) et que l’insertion de la voyelle support est attestée par ailleurs dans ce contexte morphologi-que (voir 2.3.3.3).

173. (a) mɔ̀jì-g (b) mɔ́j-túː (c) [mɔ́ccúː]

femelle-SG femelle-PL

femelle femelles

L’exemple (173c) met aussi en évidence une variante phonétique de la réalisa-tion de ----tutututuːːːː, [-cucucuː], relevée après une consonne palatale, conditionnement vrai égale-cu ment pour la nasale palatale (ex 174). De plus, une palatale voisée dans le radical sera dévoisée dans ce contexte, son voisement s’assimilant à celui du suffixe.

174. (a) gàɲ-túː (b) [gàɲtúː] (c) [gàncúː]

tronc-PL

troncs

4.3.2.2.2.3 ----ɲiːɲiːɲiː ɲiː

Les réalisations de ce morphème ne sont pas motivées, que ce soit sur le plan phonologique ou sémantique. On le relève avec tous les types de mots, animés (ex 175) et non animés (ex 176). La voyelle finale du radical est élidée dans certains cas, sans qu’il n’ait été possible de dégager de conditionnement, le suffixe ----ɲiːɲiːɲiː étant ad-ɲiː joint au radical (ex 177).

175. (a) kámbà-g (b) kàmbá-ɲìː garçon-SG garçon-PL garçon garçons 176. (a) kàsì-g (b) kàsì-ɲíː œil-SG œil-PL œil yeux 177. (a) ŋgúrìː (b) ŋgúr-ɲìː (c) |ŋgur| sac sac-PL

sac en cuir sacs en cuir

Dans les cas où le nom est à finale vocalique, cette voyelle, réalisée avec une longueur au singulier, est brève pour le pluratif (ex 178) (voir 2.1.2.3.4.1).

178. (a) njírkàː (b) njìrká-ɲìː

couteau couteau-PL

couteau de jet couteaux de jet

4.3.2.2.2.4 ----sisisiːːːː si

À première vue, le morphème ----sisisisiːːːː n’a pas de conditionnement phonologique ou sémantique, et il est lui aussi adjoint soit au radical (ex 179) ou substitué au suffixe ----gggg (ex 180).

179. (a) kàdúː (b) kàdù-síː

hameau hameau-PL

180. (a) tɔ́rmbɔ̀-g (b) tɔ́rmbɔ́-sìː

chameau-SG chameau-PL

chameau chameaux

Toutefois, ----sisisisiːːːː a une valeur secondaire, quand il est suffixé à un nom massif, in-diquant une grande quantité dans plusieurs contenants ou en plusieurs tas, cette infor-mation étant considérée comme essentielle par nos informateurs (ex 181). Trenga (1947:43) mentionne ce fait en disant que certains collectifs admettent un suffixe plu-riel, donnant comme exemple kkkkɔɔɔɔ́́́́drdrdrdrɔɔɔɔ́́́́ːːːː, kkkkɔɔɔɔ̀̀̀̀drdrdrdrɔɔɔɔ́́́́gggg et kkkkɔɔɔɔ̀̀̀̀drdrdrdrɔɔɔɔ̀̀̀̀síːsíːsíːsíː montagne, pierre, correspon-dant aux formes ainsi qu’aux sens que nous avons relevées.

181. (a) ɛ́njìː (b) ɛ́njí-sìː

eau eau-PL

eau beaucoup d’eau dans plusieurs pots

De même, ce morphème est parfois employé comme ’pluriel du pluriel’, quand il existe un ’singulier du pluriel’1, pour indiquer une quantité particulièrement impor-tante, le singulier du pluriel pouvant être un pluriel (ex 182b) ou un pluratif (ex 183b), le nominal comporte alors deux suffixes pluratifs. Cette formation a été relevée pour des noms non animés ou animés, màndàkàlmàndàkàlmàndàkàlmàndàkàl (ex 184) par exemple, dont le pluratif est formé par supplétion.

182. (a) ɲɛ̀rɛ́-g (b) ɲɛ̀rɛ́ː (c) ɲɛ̀rɛ́-síː

boule-SG boule boule-PL

boule2 boules boules

183. (a) bàráː (b) bàr-túː (c) bàr-tù-síː

chaussure chaussure-PL chaussure-PL-PL

chaussure chaussures chaussures (C5.04)

184. (a) màndàkàl (b) mɛ̀njíː (c) mɛ̀njì-síː

chèvre chèvre.PL chèvre.PL-PL

chèvre troupeau de chèvres chèvres

Cette pluralisation n’est pas unanimement acceptée par nos informateurs, l’une nous donnant ces formes de façon beaucoup plus systématique et régulière que les autres. Il s’agit soit d’une formation marginale dans le système, parallèle à la forma-tion du diminutif, d’une variante dialectale ou d’une lacune dans nos données.

Nous proposons l’hypothèse que ----sisisisiːːːː est un morphème indiquant le pluriel du pluriel (’greater plural’ – Corbett 2000:30) à l’origine, comme c’est le suffixe généra-lement employé avec les massifs inanimés, et que ce morphème est le seul suffixe employé pour cette formation. Bien que le corpus ne comprenne qu’un petit nombre de cas, nous pensons que cette formation pourrait être productive, si l’on trouvait les bons contextes.

1 Terminologie employée par nos informateurs

2 Une autre analyse est envisageable pour ce terme: ɲɛɲɛɲɛ̀̀̀̀rrrrɛɛɛɛ́́́́gggg peut avoir été un individuatif, ɲɛɲɛ ɲɛɲɛ̀̀̀̀rrrrɛɛɛɛ́́́́ːːːː la forme ɲɛ

En outre, il peut être intéressant de remarquer que l’un des morphèmes indi-quant la pluralité verbale est ----ssss, affixé entre le radical et les suffixes TAM (voir 9.6.2.2), bien qu’il n’existe pas de preuve de la parenté des morphèmes.

4.3.2.2.2.5 ----ssssɛːɛːɛːɛː et ----ʃɛːʃɛːʃɛː ʃɛː

Il a été relevé quelques occurrences de ----ssssɛːɛːɛːɛː, connaissant un allomorphe -ʃɛːʃɛːʃɛː après ʃɛː rrrr----, dont le conditionnement est sémantique et servant à la pluralisation de termes de parenté (ex 185 et 186). Bien que la séquence ----rsrsrsrs---- soit attestée dans le lexique, à l’intérieur du radical, il est vrai, le conditionnement sémantique est identique pour ----ssssɛːɛːɛːɛː et ----ʃɛːʃɛːʃɛːʃɛː, à l’exception de mármármármár, mármármármárʃɛʃɛʃɛʃɛ́́́́ːːːː taureau. Le morphème ----sisisisiːːːː n’ayant pas été relevé après ----rrrr, il n’est pas possible de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse de condition-nement. ----ssssɛːɛːɛːɛː a été relevé dans la formation du pluriel de kàrígkàrígkàrígkàríg poule, kkkkɛɛɛɛ́́́́rkrkrkrkɛɛɛɛ́́́́ssssɛɛɛɛ́́́́ːːːː, une formation irrégulière sur laquelle nous reviendrons en 4.5.2.1.2. Il existe néanmoins un argument pour distinguer deux morphèmes, ----ssssɛːɛːɛː et ----ʃɛːɛː ʃɛːʃɛːʃɛː : le fait qu’il soit attesté deux morphèmes pluratifs ----ssss et ----ʃʃʃʃ dans le système verbal (voir 9.6.2.2).

185. (a) m-índí-g (b) m-índí-sɛ́ː

1S-co.épouse-SG 1S-co.épouse-PL

ma co-épouse mes co-épouses

186. (a) m-ír (b) m-ír-ʃɛ́ː

1S-frère 1S-frère-PL

mon frère mes frères

Il aurait été envisageable de poser ----ssssɛːɛːɛː et ----ʃɛːɛː ʃɛːʃɛːʃɛː comme allomorphes de ----sisisiːːːː, si connaissant un conditionnement sémantique pour le premier et phonétique pour le second, bien qu’il soit difficile de rendre compte du changement d’aperture vocalique dans le second cas.

Le suffixe -ʃɛːʃɛːʃɛː a également été relevé avec ɛɛɛɛ́́́́ʃʃɛʃɛː ʃʃɛʃʃɛ́́́́ːːːː épines, de ɛɛɛɛ̀̀̀̀ʃígʃʃɛ ʃígʃígʃíg épine. Il est pos-sible de rendre compte de la réalisation en invoquant une règle d’assimilation phoné-tique d’une part, et une raison morphologique d’autre part. En effet, ɛɛɛɛ́́́́ʃʃɛʃʃɛʃʃɛ́́́́ːːːː illustre la ʃʃɛ seule occurrence de ----ʃʃʃʃʃʃʃʃ-, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’une séquence ʃ+ʃʃ+ʃʃ+ʃ, ou ʃ+ʃ ʃ+s

ʃ+s ʃ+s

ʃ+s dans laquelle ----ssss a été assimilé au point d’articulation de la consonne le précédant. La forme sous-jacente du morphème pluriel est alors soit ----ssssɛːɛːɛːɛː ou ----ʃɛːʃɛːʃɛːʃɛː, soit ----sisisiːːːː, en po-si sant une assimilation vocalique. Il semble plausible que la forme de base est ɛʃɛʃɛʃɛʃ+++gggg, -iiii + étant la voyelle support insérée à la gauche du suffixe singulatif, et non réalisée lors de la suffixation plurative.

4.3.2.2.2.6 ----jjjjɛːɛːɛːɛː

Il a été relevé un morphème, ----jjjjɛːɛːɛːɛː1, que l’on pourrait considérer comme un cliti-que, du fait qu’il ne provoque pas de modification segmentale de la forme du singulier ou du singulatif à laquelle il est adjoint, quel que soit le nombre de syllabes du mot résultant, malgré les restrictions observées pour les nominaux (ex 187 et 188). Ce suf-fixe est adjoint à la forme singulative, ----gggg perdant sa valeur de nombre pour faire partie intégrante du nominal. 187. (a) gúrʃúŋɔ̀-g (b) gùrʃúŋɔ̀-g-jɛ̀ː calebasse-SG calebasse-SG-PL calebasse calebasses 188. (a) tíːlàm (b) tíːlàm-jɛ̀ː calao calao-PL

petit calao à bec noir petits calaos à bec noir

Sur le plan sémantique, ce morphème apparaît généralement avec les mots d’emprunt en voie d’intégration, pour lesquels le pluriel d’origine n’est pas utilisé (ex 189, de l’arabe tchadien hirbehirbehirbehirbe) ou quand le pluriel d’un nom est rarement utilisé (ex 190). 189. (a) hírbɛ̀-g (b) hírbɛ̀-g-jɛ̀ː caméléon-SG caméléon-SG-PL caméléon caméléons 190. (a) wáfárlà-g (b) wáfàrlà-g-jɛ̀ː serpent-SG serpent-SG-PL serpent, sp serpents, sp

Le tableau 17 reprend les occurrences de ----jjjjɛːɛːɛːɛː en détail et donne la structure de ces pluratifs, les uns étant formés à partir soit du singulier ou du singulatif, soit du radical. Les cas les plus fréquents sont ceux où le suffixe est adjoint au singulatif ou au singulier. Les pourcentages sont calculés par rapport au nombre total des termes exprimant la pluralité, donnés dans le tableau 16. ----gjgjgjɛːgjɛːɛːɛː indique que le suffixe singulatif n’est pas effacé, contrairement à RAD-jjjjɛ;ɛ;ɛ;ɛ;, pour lequel il l’est.

Occurrences % -gjɛː 103 11,73 % Vː/-jɛː 25 2,84 % Rad-jɛː 12 1,36 % Total 142 16,74 % Tableau 17 : Pluratifs en –jjjjɛːɛːɛːɛː

Le statut de ----jjjjɛːɛːɛːɛː comme suffixe ou clitique n’est pas aisé à préciser, du fait d’arguments en faveur des deux interprétations. Comme nous l’avons dit, l’adjonction de ce morphème ne conditionne pas de modifications phoniques dans le radical. Tou-tefois, contrairement aux clitiques =g=g=g=guuuu, =nu=nu=nu et =nú=gù=nu =nú=gù=nú=gù=nú=gù, réalisés à la fin du consti-tuant nominal, -jjjjɛːɛːɛː est toujours adjoint au nom, et le morphème de pluralisation est ɛː répété pour les déterminants du nom, le cas échéant, comme dans tout syntagme de détermination. Ce sont les raisons pour lesquelles nous le considérons comme suffixe plutôt que comme clitique, ceci permettant également de l’intégrer au paradigme des morphèmes de pluralisation. De plus, -jjjjɛːɛːɛːɛː semble être en voie d’intégration au para-digme des suffixes de la langue, comme il est attesté quelques cas où le suffixe ----gggg du singulatif est effacé lors de la formation du pluratif en ----jjjjɛːɛːɛːɛː, intégration que confirment les changements tonals relevés dans quelques cas (ex 191 et 192)..

191. (a) drábà-g hyène-SG hyène (b) drábàː-jɛ̀ː (forme possible, à côté de drábáː et drábá-g-jɛ̀ː) hyène-PL hyènes 192. (a) mbɛ́rlɛ̀-g (b) mbɛ́rlɛ́-g-jɛ́ː mangouste-SG mangouste-SG-PL

mangouste rayée mangoustes rayées

Il existe un argument clair en faveur du statut de suffixe, le fait que -jjjjɛːɛːɛːɛː soit em-ployé avec un sens dérivationnel de pluratif dépréciatif, étant dans ce cas adjoint au nom singulatif. Ce sens est attesté pour des mots maba ayant un pluriel ou un pluratif communément utilisé, et non dans le cas où la seule formation du pluratif relevée pour

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