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A NNIE E C ASEY F OUNDATION

Personne rencontrée :

Robert P. Giloth, Director of Family Economic Success

La fondation Annie E. Casey gère 3 milliards de dollars qu’elle a reçus du fondateur de l’entreprise UPS. Chaque année, la fondation distribue 200 millions de subventions, mais également des prêts à bas taux et des investissements sous forme de capital-risque. La plupart des fondations se contentent de verser des subventions.

Lancé en 1995 par Annie E. Casey, le programme intitulé Jobs Initiative a été mis en oeuvre dans six quartiers de six villes (Denver, Milwaukee, New Orleans, Philadelphie, Saint-Louis et Seattle). Il s’agissait d’un programme expérimental de dix ans. Annie E. Casey a investi 30 millions de dollars de ressources propres. Se sont ajoutés 10 millions de dollars de fonds additionnels levés, chaque année, auprès de fondations locales et de municipalités.

On compte entre 30 et 40 Workforce Intermediaries aux USA pouvant être considérés comme très performants. Le programme Jobs Initiative consistait à investir dans certaines de ces expériences pour démontrer, par des évaluations précises, que biens conçus ces intermédiaires de l’emploi peuvent faire la différence par rapport au système public classique, au bénéfice des employés comme des employeurs. Il s’agissait également de promouvoir des changements plus larges dans le fonctionnement des systèmes publics locaux de formation et d’emploi.

Les six sites retenus pour la mise en oeuvre de ce programme ont été financés aussi longtemps que les résultats paraissaient bons. Dans l’un des six sites (celui de Denver), le programme a été arrêté prématurément. « La seule manière d’être innovant, c’est d’échouer ! estime le directeur du programme. Or, les programmes gouvernementaux n’autorisent pas l’échec… ». Les trois sites les plus performants

(Seattle, Milwaukee et Philadelphie)124, ont réussi à placer 6 655 personnes en emploi. Le salaire

moyen de départ était de 10,14 dollars de l’heure, le taux de maintien dans l’emploi au bout d'un an était de 58%. Quand le projet a pris fin, en 2004, plusieurs des Workforce Intermediaries financés par la fondation Casey ont été en mesure de se pérenniser.

L’expérience de Milwaukee (Wisconsin Regional Training Partnership, WRTP), co-animée par des industries manufacturières et syndicats de salariés (dont l’AFL-CIO), est l’une des plus probantes. Fort de 30 organisations adhérentes, en 1995, WRTP en comptait 125 en 2003. Des liens étroits ont été établis avec les responsables politiques locaux, des fondations, l’University du Wisconsin et le Milwaukee’s Private Industry Council, alors en charge du système public d’emploi et de formation de la ville. Cette dynamique partenariale a permis d’abonder considérablement la mise de fonds initiale de la fondation Casey.

Les secteurs privilégiés par le Wisconsin Regional Training Partnership sont les industries manufacturières, la santé, le bâtiment, les télécommunications et l’hôtellerie. Une part importante de la stratégie mise en oeuvre a reposé sur l’ouverture d’un centre de formation (appelé Worker Training

Center). Des organisations de quartier (dites « communautaires ») se sont associées au fonctionnement

de cet équipement localisé dans le quartier d’affaires, en assurant les opérations quotidienne de formation et de placement. Les candidats ont obtenu des emplois notamment dans les grands projets de développement de la ville en matière de transports, d’énergie et d’immobilier. Un bilan partiel effectué en 2003, faisait état de la préservation et de la création de 1 750 emplois dans les seuls secteurs manufacturier et des télécommunications. De nature à pourvoir aux besoins d’une famille (family-supporting), ces emplois ont été pourvus par des habitants des quartiers pauvres qui sont la cible du dispositif.

Un autre exemple jugé probant est celui de Seattle, où les autorités politiques locales ont joué un rôle prépondérant dans la mise en place du dispositif. Appelé Seattle Jobs Initiative (SJI), ce Workforce

Intermediary est géré par un service municipal, l’Office of Economic Development. Les responsables

locaux ont convaincu la fondation Annie E. Casey de soutenir l’expérience en l’assurant que les règles bureaucratiques habituelles n’allaient pas être appliquées. Le conseil d'administration du Seattle Jobs

Initiative comprend plusieurs entreprises d’importance ainsi que l’Université de Washington.

L’objectif essentiel de SJI est d’assurer l’auto-suffisance économique de jeunes adultes des quartiers pauvres. Sa création est une conséquence directe des débats sur la réforme du welfare alors en cours au Congrès. La ville a considéré qu’elle devait mettre à niveau son offre de formation destinée aux populations défavorisées. Les organisations de quartier sont les principaux partenaires du dispositif. La proximité de ces organisations avec le public visé était un avantage certain. Mais il fallait dans le même temps que ces organisations améliorent leur savoir faire en termes de traitement des cas individuels, de

relations avec les employeurs et de suivi des personnes placées en emploi (pendant un an à deux ans après le placement).

L’approche des demandeurs d’emploi est globale, mais les métiers retenus sont spécifiques (services aux entreprises, nouvelles technologies…). SJI a notamment ciblé l’industrie aéronautique et travaillé avec une université locale pour concevoir un cursus de formation à certains métiers de ce secteur. Quand il est apparu que les taux de placement et de maintien dans l’emploi étaient inférieurs aux prévisions, SJI a engagé une concertation avec des groupes d’employeurs afin de mieux comprendre leurs préoccupations. Les programmes de formation ont été modifiés en conséquence et l’accès à l’emploi des personnes formées a été amélioré. Une réflexion a été engagée en parallèle avec les organisations de quartier pour comprendre leurs difficultés –notamment celle que posent les « barrières multiples » des personnes suivies- et y remédier.

A Seattle, le Workforce Intermediary a contribué à créer des filières permettant aux personnes les moins qualifiées d’accéder à des services de qualité et de bénéficier des liens du SJI avec les entreprises. L’expérience a influencé également la pratique des prestataires de formation et d’accès à l’emploi, désormais accoutumée à travailler selon une logique de résultats. Grâce à la diffusion des bonnes pratiques, l’expérience de Seattle est créditée d’un rôle majeur dans la rationalisation du système local de formation et d’emploi

6. L

ES ENSEIGNEMENTS POUR LA POLITIQUE DE LA VILLE

A l’issue de la mission d’étude aux États-Unis, une réunion avec le département « Emploi, insertion, développement économique » de la DIV a permis d’en tirer des enseignements pour la politique de la ville. Les expériences observées témoignent dans certains cas d’une intervention réelle de l’État, visant par exemple à orienter les comportements privés (épargnants, banques). En outre, au-delà des politiques « place-based » centrées sur la revitalisation économique des quartiers, la notion d’empowerment se traduit tout à la fois par une mobilisation importante d’organisations de quartier dans le champ économique, et par un accent sur la promotion des publics, en termes de formation et de revenus (approche « people-place based »). Enfin, beaucoup d’initiatives américaines prennent en compte les minorités ethniques dans un souci d’efficacité.

Certains des programmes ou initiatives observés dans le cadre de la mission d’étude, sont apparus susceptibles d’inspirer des innovations dans la politique française. D’autres, trop liées aux spécificités américaines, ont semblé difficilement transférables. Enfin, certaines pratiques américaines ont des équivalents en France. Elles sont évoquées ici dans la perspective d’une pérennisation éventuelle du réseau d’échange transatlantique qui s’est créé à l’occasion de la mission d’étude.

6.1 ORIENTER L’EPARGNE VERS LES QUARTIERS DEFAVORISES