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II- Genèse de l’addiction

2.2. Traumatismes psychiques

2.2.2. Impact biologique des traumatismes précoces

2.2.2.1. Système de régulation interne de l’excitation

2.2.2.1.1. Niveau anatomique

Ce sont tout d’abord les organes des sens et/ou les récepteurs intéroceptifs et proprioceptifs qui détectent le stimulus menaçant. L’information est ensuite acheminée, via le thalamus, jusqu’aux régions sensorielles correspondantes du cortex (Figure 1), qui permettent la perception consciente.

Figure 1 : Les principales aires sensorielles du cortex

Les cortex somesthésique, gustatif, visuel et auditif (noms entourés) sont représentés sur cette vue latérale de cerveau humain (manquent les cortex olfactif et vestibulaire non visible).

L’information concernant le stimulus détecté est aussi transmise au système limbique (Figure 2) et, en particulier à l’amygdale (Phelps et Ledoux, 2005). Cette transmission se fait à la fois directement en provenance du thalamus (le stimulus reste alors non conscient et son appréciation grossière), et après traitement par le cortex sensoriel. L’amygdale contribue à représenter de manière flexible la valeur affective du stimulus et sa pertinence vis-à-vis des besoins de l’organisme. A son tour, cette structure limbique influence un grand nombre de systèmes cérébraux : le cortex sensoriel pour accroitre la saillance du stimulus et favoriser l’orientation de l’attention vers la source du danger, l’hippocampe pour la mémorisation et l’encodage des évènements émotionnels associés à leur contexte, le tronc cérébral pour

l’éveil, le cortex frontal pour la réponse cognitivo-comportementale et l’hypothalamus en

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noyau

accumbens

cortex

préfrontal

ventromédian

Figure 2 : Le système limbique

C’est un ensemble de structures cérébrales situées à la face interne du cerveau (noms entourés) impliquées dans les processus émotionnels et qui comprend des aires sous- corticales (amygdales, hippocampe, noyau accumbens, septum) et corticales (cortex cingulaire, insulaire et préfrontal ventro-médian) interconnectées entre elles. (Vue sagittale médiane de cerveau humain). Au cours du stress, le système limbique assure l’interface entre les informations sensorielles entrantes et les processus d’évaluation (de Kloet et al. 2005).

Il faut noter ici que c’est dans ce circuit, ayant l’amygdale pour centre, que se forgera au cours du développement l’apprentissage des émotions telles que la peur et l’anxiété.

Lorsque des signaux provenant de l’environnement ou du corps sont interprétés par le système limbique comme une menace pour l’homéostase, l’amygdale déclenche un signal

d’alarme au niveau du tronc cérébral. La réaction d’alarme se déploie alors à partir des

systèmes spécifiques ascendants de cette région, et en particulier, le locus cœruleus. Les neurones de ce noyau peuvent aussi être activés directement par des stimulations corporelles, notamment de nature nociceptives et/ou thermiques, convoyées par les neurones sensoriels de la corne dorsale de la moelle épinière (Samuels et Szabadi, 2008 ; Figure 3), auxquelles ils sont très sensibles.

75 Axe corticotrope SNA Système limbique (Amygdale, Hippocampe…)  Valence affective et mémorisation Cortex sensoriel  Perception danger Médullosurrénale Corticosurrénale Cortex frontal Tronc cérébral (Locus cœruleus… )  Signal d’alarme Glandes surrénales Adrénaline

Cortisol Hormones du stress libérées dans

la circulation sanguine Hypothalamus Hypophyse CORTEX Système nerveux central + +  Vigilance 2 1 3 4 Voies sensitives Système nerveux périphérique

Figure 3 : Régulation de la réponse biologique au stress

La perception du danger (1) provoque l’activation de l’amygdale (2) et du locus cœruleus (3). Ces deux noyaux stimulent la cascade hormonale de l’axe corticotrope (4) conduisant à la libération de cortisol. Le locus cœruleus accroit aussi la vigilance et active le système nerveux sympathique provoquant, entre autre, la libération d’adrénaline par la médullosurrénale. SNA = Système nerveux autonome (ou végétatif).

En retour, le locus cœruleus envoie des projections sur la quasi-totalité du système nerveux, notamment au niveau central, sur le cortex cérébral, le système limbique et l’hypothalamus ; ces projections ascendantes lui permettent, entre autre, de remplir sa fonction de maintien de la vigilance (Figure 3). En direction de la périphérie, ce noyau innervent les neurones pré-ganglionnaires des systèmes nerveux sympathique et parasympathique119 depuis le tronc cérébral jusqu’à la région lombaire de la moelle épinière ; ces projections descendantes assure donc le contrôle de la régulation du système nerveux autonome qui innerve les viscères, c’est-à-dire les muscles lisses, les glandes et le cœur, dont la commande n’est pas volontaire.

119 Les systèmes nerveux sympathique (ou orthosympathique) et parasympathique sont périphériques ;

ils assurent le contrôle modulateur d’un grand nombre d’activité automatique et inconsciente, comme le rythme cardiaque ou la contraction des muscles lisses, pour maintenir l’homéostasie, notamment lorsque l’organisme est confronté à un stress. Leurs effets sont le plus souvent opposés. Ils constituent le système nerveux autonome, appelé aussi système nerveux végétatif.

76 Ainsi, à la périphérie, deux systèmes de réponse biologique permettent de maintenir l’homéostasie pendant l’exposition à un stress : une réponse rapide et de courte durée convoyée par le système nerveux autonome et la médullosurrénale sous le contrôle du locus cœruleus ; l’autre, plus lente (quelques minutes ou heures) mais plus soutenue, met en jeu la corticosurrénale sous le contrôle de l’hypothalamus (Figures 3 et 4). Ces ajustements biologiques rendent possible les réponses comportementales : immobilisation, cris, fuite ou lutte. Il est important de noter ici que l’exposition à un trauma modéré entrainera des réponses défensives actives (fuite ou lutte) avec une réaction importante du système nerveux autonome, alors que l’exposition à des traumas extrêmes sera liée à une réponse défensive passive (immobilisation ou dissociation120) accompagnée d’une diminution de l’activation des deux branches du système nerveux autonome (D’Andrea et al, 2013).

Chez le bébé, les stimuli douloureux ou les situations d’inconfort suscitent une réponse comportementale réflexe associée à des ajustements des systèmes nerveux autonome et endocrine. La sensation douloureuse est suivie de la perception de sa propre action réflexe (cri ou geste de retrait par exemple) et l’entrée sensorielle en résultant est appelée « réafférence ». Certains auteurs proposent que ce processus de plasticité synaptique renforçant l’interconnexion entre deux populations de neurones (celle activée par l’expérience vécue et celle activée par sa propre réponse motrice) serait à la base de l’émergence des neurones miroirs (Keysers et Gazzola, 2015). L’amygdale en développement fait partie des structures stimulées par ce type d’expérience qui déclenche les processus de plasticité cellulaire nécessaires à l’apprentissage associatif et à la mise en mémoire implicite des sensations/affects éprouvés. Peu de chose sont connues concernant le développement biologique du circuit cérébral des émotions, hormis le fait que les temporalités de maturation sont différentes selon les structures. Bien que structurellement et fonctionnellement immature chez le bébé, l’amygdale est capable de détecter les stimuli émotionnellement pertinents. Par contre, sa connectivité fonctionnelle avec le cortex préfrontal se développe tout au long de l’enfance, et n’atteint sa maturité qu’à l’adolescence (Callaghan et Tottenham, 2015). En effet, le cortex préfrontal, qui représente environ un tiers du volume cérébral humain, exerce un contrôle sur le système amygdalien et sur les réponses neuro-hormonales aux stress. Ce contrôle se met progressivement en place au cours du développement par apprentissage issu de l’expérience. Ainsi, à la faveur des expériences

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vécues par le sujet, s’élaborent des programmes cognitifs permettant des réponses plus ajustées à chaque situation. Le cortex préfrontal sera alors en charge d’évaluer la pertinence d’inhiber ou non les réponses automatiques et de leur substituer éventuellement des systèmes de défense plus élaborés.