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2. Adsorption à température ambiante

2.3. Nature des interactions polymère-silice

Afin d’étudier les modifications d’interactions silice-polymère en présence de groupements hydrophobes à la surface des particules, des mesures de microcalorimétrie de titration (ITC) ont été réalisées afin de remonter aux flux de chaleur lors de la mise en contact du POE avec la silice modifiée ou non. Cette technique, sensible à toute transformation susceptible de créer un échange thermique, nécessite de travailler en milieu dilué où aucune agrégation ne doit se produire entre les différents composés. Pour cette raison, nous ne pourrons effectuer les mesures qu’en présence de POE de masse molaire inférieure ou égale à 200 000 g/mol (pas d’agrégation macroscopique d’après la Figure 5). Nous avons par ailleurs été contraints expérimentalement de modifier l’ordre de mélange lors du titrage ; la solution de polymère est injectée dans la dispersion de silice.

2.3.1. Principe

Un microcalorimètre est constitué d’une cellule de référence et d’une cellule de mesure, de même volume (ici V = 1.435 mL), dans une enceinte adiabatique. Le titrage d’un composé A par un composé B est réalisé en injectant à intervalles réguliers, par l’intermédiaire d’une seringue (ici V = 0.295 mL), une solution de composé B concentrée dans la cellule de mesure contenant initialement une solution de composé A. A chaque ajout, la quantité de chaleur à fournir (positive ou négative) à la cellule de mesure pour que sa

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température reste constante et identique à celle de la cellule de référence est mesurée. Le flux de chaleur obtenu en fonction du temps traduit ainsi la nature des interactions entre les composés A et B. Si l’enthalpie de réaction ∆H est positive, la résultante des interactions est endothermique tandis qu’un signal négatif correspond à un phénomène exothermique.

2.3.2. Protocole

La solution de POE de masse molaire 200 000 g/mol et les dispersions de silice (hydrophile ou hydrophobée) sont ajustées à pH 9 par dialyse contre de l’eau Milli-Q à pH 9 pendant une semaine. Afin d’assurer une parfaite similarité de solvant, les différentes dialyses sont équilibrées dans la même eau qui servira également pour toute dilution éventuelle. La dispersion de silice, à 6 g/L, est placée dans la cellule de mesure tandis que la solution de polymère, à 2.67 g/L, est introduite dans la seringue. La mesure est réalisée à 25 °C, avec des injections de volume 10µ L sur 20 s, espacées entre elles de 600 s. A ce signal est comparé le flux de chaleur dû à la dilution de la solution de polymère en injectant cette dernière dans la cellule de mesure remplie d’eau de dialyse.

2.3.3. Résultats

La Figure 6 présente les flux de chaleur en fonction du temps lors de l’injection du POE 200 000 g/mol dans les dispersions de silice hydrophile et hydrophobée ainsi que le signal de la dilution du polymère dans l’eau de dialyse. Ce dernier est négligeable devant l’enthalpie de la réaction d’adsorption du polymère sur la silice.

-33.33 0.00 33.33 66.67 100.00 133.33 166.67 200.00 233.33 266.67 300.00 9 10 11 12 13 14 15 16 Time (min)

Figure 6 : Flux de chaleur lors de l’injection d’une solution de POE (200 000 g/mol , 2.67 g/L) à une dispersion de silice hydrophile (en rouge) et hydrophobée à 0.70 greffons/nm² (en bleu) (6 g/L).

pH 9 et T = 25 °C. Le signal en noir est celui de la dilution du POE dans l’eau de dialyse. 0 0.015 0.03 0.045 0.06 0.075 0.09 0 F lu x d e ch al eu r (µ ca l/ se c) Temps (min) Γmax–hydrophile = 0.4 mg/m² Γmax-hydrophobe = 0.8 mg/m²

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● Le signal résultant de l’ajout de POE dans la dispersion de silice hydrophile est négatif ce

qui traduit une résultante des interactions exothermiques caractéristique d’un mécanisme d’adsorption gouverné par la formation de liaisons hydrogène2, 3. L’aire des pics diminue progressivement jusqu’à s’annuler lors de la saturation complète des particules par le POE. L’énergie d’adsorption effective calculée à partir de ces résultats est de -1.21 kJ/mol d’unité répétitive. Par comparaison, une valeur de -3 kJ/mol d’unité répétitive 3 a été reportée dans la littérature à pH = 5.5. La différence pourrait être due au pH plus basique de nos expériences où la densité surfacique de groupements silanols SiOH, et donc de liaisons hydrogène formées, est plus faible.

● Par contre, en présence de silice hydrophobée, la résultante du signal est positive. Ce

caractère endothermique global témoigne d’un moteur entropique dominant lors de l’adsorption. Nous l’attribuons à la présence d’interactions hydrophobes entre le POE et la silice modifiée10. L’allure du signal obtenu pour la silice hydrophobée nous révèle enfin une compétition entre les différents sites d’adsorption possibles à la surface des particules. En effet, la résultante positive des interactions présente un optimum vers un ratio massique POE/particule de l’ordre de 0.045 avant de s’annuler lorsque l’adsorption est terminée. Cet optimum a lieu à peu près au Γmax de la silice hydrophile. Il correspond donc à la saturation

des sites SiOH sur lesquels l’adsorption est dominée par la formation exothermique de liaisons hydrogène. Aussi, pour des ratios massiques POE/particule injectés inférieures à 0.045, les groupements silanols constituent des sites d’adsorption similaires dans les deux cas (silice hydrophile ou hydrophobée). Néanmoins, dans le cas de silices hydrophobées, l’adsorption est accompagnée d’une autre catégorie de sites d’adsorption, gouvernée par des interactions hydrophobes cette fois. Durant ce titrage, la proportion de liaisons hydrogène par rapport aux interactions hydrophobes diminue progressivement jusqu’à ce que tous les groupements silanols disponibles soient consommés. Au-delà du ratio massique POE/particule de 0.045, le flux de chaleur positif présente une diminution progressive de son intensité à mesure que les sites d’adsorption restants, où seules des interactions hydrophobes se manifestent, sont consommés.

Le système silice hydrophile-POE 200 000 g/mol présente une saturation de l’adsorption, lorsque le flux de chaleur s’annule, à 0.4 mg/m². Cette valeur est inférieure de moitié à l’isotherme d’adsorption tracé pour un polymère de masse molaire plus élevée (POE 106 g/mol Figure 4) et correspond aux différences de conformation du POE en fonction de la masse molaire mentionnées précédemment (augmentation de la fraction de boucles avec MPOE). En présence de silice hydrophobée, par contre, l’enthalpie de la réaction ne s’annule

qu’à partir de Γmax = 0.8 mg/m² ce qui indique une augmentation de l’adsorption du POE

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Rappels bibliographiques

Le caractère hydrophobe du POE, et donc sa capacité à interagir par l’intermédiaire de ses groupements éthyles, a déjà été mentionné dans la littérature11. En ce qui concerne son adsorption sur des surfaces, il semblerait que ses propriétés amphiphiles soient bénéfiques12. Rubio et al.6 ont étudié l’adsorption du POE sur des silices pyrogénées et précipitées soumises ou non à des traitements thermiques préalables. Leurs expériences indiquent une augmentation de l’adsorption du polymère sur les silices pyrogénées, peu hydroxylées, par rapport aux silices précipitées entièrement hydroxylées. Un traitement thermique jusqu’à 800 °C permet aux silices précipitées de perdre une fraction de leurs silanols de surface et ainsi de rejoindre le taux d’adsorption sur les silices pyrogénées. Par contre, une montée en température supérieure où la déhydroxylation est totale annule toute adsorption. Ces différents résultats témoignent d’une efficacité croissante de l’adsorption du POE sur des surfaces possédant des sites hydrophiles, où des liaisons hydrogènes se forment, séparés par des régions hydrophobes (chaînes alkyles ou liaisons siloxanes Si-O-Si) avec lesquelles les groupements éthyles intermédiaires peuvent interagir. Nous pouvons également citer l’équipe de Killmann7, qui a observé une augmentation graduelle du taux de recouvrement Γmax avec

des masses molaires de POE allant de 20 000 à 900 000 g/mol sur des silices hydrophobées par adsorption d’octanol à leur surface.

Conclusion sur l’adsorption

L’adsorption de POE, qui a lieu par le biais de liaisons hydrogène dans le cas d’une silice hydrophile, est renforcée sur des surfaces partiellement hydrophobées. Dans ce cas, en effet, les groupements éthyles interagissent également avec la surface par le biais d’interactions hydrophobes. Le caractère amphiphile des surfaces partiellement hydrophobées, permettant de stabiliser les atomes d’oxygène et groupements éthyles des chaînes de POE, s’avère ainsi le plus bénéfique pour l’adsorption (Figure 7). Il en résulte une adsorption favorisée du POE et une augmentation du taux de recouvrement à saturation sur les silices greffées, ce que nous avons bien observé en ITC avec le POE 200 000 g/mol (Figure 6). Néanmoins, il semblerait que cet effet s’amenuise avec l’augmentation de la masse molaire du POE puisque les isothermes d’adsorption, effectués sur le POE 106 g/mol, ne montrent pas d’influence significative de l’hydrophobisation des silices (Figure 4). En effet, il est bien établi que pour des polymères de masses molaires élevées, l’adsorption est moins sensible à la nature et densité des points d’ancrage mais dominée par les effets stériques et conformationnels.

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Figure 7 : Schéma de l’adsorption du POE à la surface d’une surface de silice hydrophile et d’une surface partiellement hydrophobée (en rouge interactions hydrophobes).

3.

Etude SAXS du séchage des systèmes composites à température