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2. Agrégation

2.3. Discussion sur l’homogénéité du greffage

Suivant le pH initial de la réaction d’hydrophobisation, une évolution contre-intuitive de la densité de greffage (Figure 5) ainsi qu’une modulation de la force des interactions entre particules sont obtenues (Figure 6). Ces résultats expérimentaux pourraient s’expliquer en termes de différences d’homogénéité de greffage, schématisé en Figure 8.

Figure 8 : (a) Influence de la stabilité colloïdale sur l’homogénéité de greffage. (b) Influence de l’homogénéité de greffage locale sur le caractère réversible ou permanent de l’agrégation.

A pHinitial 9, le trimethylmethoxysilane est soluble dans le milieu hydro-alcoolique

H2O / EtOH (7/93 vol/vol) choisi et les répulsions électrostatiques assurent la stabilité des

particules de silice, même fortement hydrophobées. Pour rappel, la cinétique de greffage est gouvernée par les vitesses d’hydrolyse et de condensation du précurseur mais aussi par l’accessibilité du précurseur à la surface à modifier. Tout d’abord, la cinétique d’hydrolyse des alkylalcoxysilanes monofonctionnels étant très faible en milieu basique (étape limitante), la réaction d’hydrophobisation a été poursuivie pendant 7 jours afin de s’assurer de la conversion complète du précurseur introduit. S’ensuit alors la condensation du précurseur. En milieu fortement aqueux, l’auto-condensation y est favorisée ce qui explique que le greffage ne soit effectif qu’en large excès d’agent de couplage (R ≥ 30 pour les densités de greffage

Avancement de la réaction - - - - - - - - - - - - -- - - pHinitial= 9 Meilleure densité de greffage pour un système dispersé λD a + + + + + + + pHinitial= 1 Surface inaccessible λD - - - - Diffusion lente du précurseur et

encombrement stérique Réarrangement au cours de l’agrégation ou de la

remontée du pH pour maximiser les interactions

hydrophobes ? pHinitial= 9 pHinitial= 1 + + + + + + + + - - - - - pH = 1 pH = 9 pH = 1 pH = 9 + + + + + + + + - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - b

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maximales). Néanmoins, les particules de silice étant non poreuses et bien dispersées, l’accessibilité du précurseur est aisée. On s’attend donc à une répartition homogène des greffons sur la surface des particules et à une augmentation continue de la densité de greffage jusqu’à des valeurs proches du maximum de recouvrement. Nous avons trouvé expérimentalement une densité de greffage maximale de 1.6 greffons/nm², légèrement inférieure mais cohérente avec les données de la littérature. Cette homogénéité de greffage, où groupements silanols et greffons hydrophobes s’alternent est également cohérente avec l’agrégation faible et réversible lors des cycles de pH effectués en présence de résines échangeuses d’ions. Localement, la force des interactions est faible et l’ionisation de la surface à pH 9 l’emporte.

A pHinitial 1, l’écrantage important des charges de surface conduit à une agrégation du

système au cours de l’hydrophobisation. La surface inaccessible aux précurseurs suivants (porosité intra-agrégats fermée) augmente donc avec le temps. Les zones de contacts entre particules, fortement concaves, où la diffusion du précurseur est ralentie et l’encombrement stérique important, présentent également une prédisposition moindre vis-à-vis du greffage. Aussi, bien que la cinétique d’hydrolyse du trimethylmethoxysilane soit favorisée en milieu acide, la réaction de greffage (condensation du précurseur à la surface des particules), elle, ne l’est pas. L’auto-condensation s’avère alors plus aisée ce qui, combiné à la diminution de surface réactive, pourrait expliquer que la densité de greffage soit toujours plus faible en milieu acide qu’en milieu basique. De ce fait, une répartition beaucoup plus hétérogène des greffons peut être attendue, avec des zones peu denses (faible accessibilité du précurseur) et des zones de densité de greffage maximale (surface convexe des particules). Nous pensons alors que la présence de ces « patches hydrophobes » engendre des interactions hydrophobes locales beaucoup plus fortes qui maintiennent la structure agrégée même lorsque les répulsions électrostatiques sont importantes (remontée du pH de la solution à pH 9).

Remarque 1 : Il n’est pas à exclure le réarrangement des particules afin de concentrer les « patches hydrophobes » dans le cœur des agrégats et de présenter les zones plus hydrophiles au solvant polaire. Ce réarrangement pourrait s’effectuer pendant la réaction de greffage ou lors de la remontée du pH à pH 9 où la surface est ionisée.

Tous ces résultats demeurent indirects quant à une différence de répartition des greffons hydrophobes en fonction du pH. Il s’avère néanmoins très difficile d’en apporter la preuve irréfutable.

Remarque 2 sur l’inhomogénéité de greffage à pHinitial 1 (discontinuité de la courbe de densité

de greffage) : L’évolution de la densité de greffage en fonction du ratio R est continue à pH 9 mais présente un plateau à partir de 0.7 greffons/nm² en condition acide. La cinétique de greffage ne réaugmente significativement que pour de forts ratios introduits (R ≥ 30) (Figure

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5). Afin d’expliquer cette discontinuité observée uniquement à pH 1, nous avons étudié l’efficacité de greffage du trimethylchlorosilane (CH3)3Si-Cl. Partant d’une silice à pH neutre,

la libération de HCl lors de l’hydrolyse de ce précurseur conduit en effet à une forte acidification du milieu. Nous nous sommes inspirés des travaux de Schwertfeger et al. sur l’hydrophobisation d’aérogels en milieu biphasique H2O / (HMDSO + trimethylchlorosilane)

afin d’éviter les étapes de changement de solvant ou de séchage supercritique usuellement entreprises lors de la synthèse d’aérogels21. Le principe est de mettre en contact le gel formé dans l’eau ainsi qu’un mélange HMDSO + trimethylchlorosilane. Lors du greffage, l’eau se trouve progressivement expulsée des pores du gel et est remplacée par le HMDSO, réduisant ainsi très fortement les forces capillaires lors du séchage.

De façon analogue, nous avons mis en contact 5 mL d’une dispersion de silice (10 % massique, pH 7) avec un mélange de 5 mL de HMDSO et du trimethylchlorosilane. Le ratio R, toujours défini comme le ratio molaire entre le précurseur organique et le nombre total de groupements silanols à la surface des nanoparticules, a été varié entre 0 et 24. Après agitation pendant 48 h, les échantillons biphasiques présentent un gradient d’hydrophobicité. La Figure 9-a montre en effet qu’aux faibles valeurs de ratio R, la silice agrégée demeure dans la phase aqueuse (phase inférieure) tandis qu’à partir de R = 18 (*), la silice est suffisamment hydrophobe pour migrer dans la phase organique (phase supérieure). Notons que la phase aqueuse dénuée de silice est jaune, signe d’une très forte concentration en HCl. La silice est ensuite récupérée, lavée par centrifugation / redispersion dans l’éthanol afin d’éliminer l’excédent de sels, puis séchée à 120 °C pendant 48 h.

La mesure de la densité de greffage de ces silices modifiées, en fonction du ratio R introduit, est présentée en Figure 9-b. On retrouve un plateau vers 0.6 greffons/nm², tout comme ce qui était observé lors de l’hydrophobisation en milieu hydro-alcoolique à pHinitial 1.

La différence se situe néanmoins à partir du ratio R = 18 (*) où une brusque réaugmentation de l’efficacité de greffage apparaît en milieu biphasique H2O / HMDSO. Pour ce ratio

justement, la silice hydrophobée se trouve désormais en phase organique où les interactions silice hydrophobée / solvant deviennent plus favorables. On peut donc s’attendre à un état d’agrégation moins important des particules ainsi qu’à une condensation plus efficace du précurseur sur les particules. En phase organique, l’eau nécessaire à l’hydrolyse est en effet majoritairement adsorbée à la surface de la silice ce qui rend cette interface plus active. On en conclut donc que l’apparition du plateau aux plus faibles ratios R est bien reliée à l’augmentation de l’auto-condensation du précurseur par les problèmes d’accessibilité dans des structures agrégées et milieux fortement aqueux.

En résumé, pour le système en milieu hydro-alcoolique à pHinitial 1, une densité de

greffage de 0.6 greffons/nm² conduit à une agrégation forte limitant l’accès du précurseur. L’excédant s’auto-condense alors de façon presqu’exclusive et la densité de greffage stagne. Ce n’est que pour des concentrations très élevées (R ≥ 30) qu’il est possible de franchir

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partiellement cette barrière stérique. Dans le cas non agrégé (pH 9), les encombrements stériques sont plus faibles et aucun plateau n’est observé.

0 0.3 0.6 0.9 1.2 1.5 1.8 0 10 20 30 40 50 pH = 1 (CH 3)3Si-OCH3 pH = 9 (CH 3)3Si-OCH3 (CH 3)3Si-Cl / HMDSO N o m b re d e g re ff o n s .n m -2 ( R M N 1 H ) Ratio R (introduit) b

Figure 9 : (a) Photos des échantillons correspondant au greffage par le trimethylchlorosilane. (b) Evolution de la densité de greffage pour le trimethoxymethylsilane (CH3)3Si-OCH3 en milieu hydro-

alcoolique (pH 1 et pH 9) et pour le trimethylchlorosilane en milieu biphasique H2O / HMDSO (50/50).

2.4. Conclusion

De par sa faible réactivité en milieu fortement aqueux et basique, le mono- alkylalcoxysilane ne permet pas d’hydrophobisation avec un bon rendement. En milieu acide, c’est l’agrégation prématurée des particules qui constitue un facteur limitant et source éventuelle d’inhomogénéités de greffage. L’agrégation se trouve donc favorisée lors du greffage de particules dispersées.