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Une évaluation fine des AVQ en situation réelle permet de déterminer à quel niveau de l’activité une aide est nécessaire ainsi que la nature de celle-ci et, après analyse des processus cognitifs sous-tendant l’activité, de proposer une intervention réadaptative. Un objectif clinique, mais aussi pédagogique, est de pouvoir mettre en place, après évaluation des capacités résiduelles (mesure du niveau d’indépendance), des conseils de prise en charge spécifique exploitant au maximum ces capacités plutôt qu’une aide généralisée et systématique, tout en évitant de solliciter les capacités déficientes. Autrement dit, il s’agit d’optimiser les capacités fonctionnelles à chaque stade d’évolution de la maladie, en tirant au maximum profit des capacités préservées, et ainsi d’améliorer les conditions de vie (Adam, van Der Linden, Juillerat, & Salmon, 2000 ; Baum & Edwards, 1993). Il s’agit aussi de déterminer quel est le niveau d’accompagnement optimal qui doit être apporté par l’entourage.

Le vieillissement est associé, comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, à un certain nombre de changements physiques et cognitifs. Toutefois, ces changements ne se traduisent pas par un déficit massif des performances cognitives. Les personnes sembleraient en effet pouvoir faire preuve d’adaptation pouvant être optimisée grâce à l’entraînement mais également la présence d’un soutien environnemental, sous forme d’aides permettant de réduire la charge cognitive ou d’inciter à l’utilisation de stratégies adaptées. En particulier, en parallèle du déclin graduel des stratégies de mémoire, internes, on constate un recours sans cesse accru aux aides externes (Angel & Isingrini, 2015). S’intéressant à six personnes âgées ayant un diagnostic de trouble démentiel de type maladie d’Alzheimer, Wherton et Monk (2010) ont évalué leurs capacités à préparer une tasse de thé dans leur environnement familier. Lors de la réalisation de la tâche, il était demandé à l’évaluateur d’intervenir 1) si le participant demandait de l’aide, 2) si une action

compromettant la bonne réalisation de la tâche était observée et 3) après 5 secondes durant lesquelles aucune action n’était réalisée. S’appuyant sur les travaux de Beck, Heacock, Rapp et Mercer (1993) et de Gendron (1993), les auteurs ont utilisé cinq niveaux d’aide :

1) aide verbale relative à l’objectif final de la tâche (Ex. « Préparez une tasse de thé. »),

2) aide verbale portant sur un objectif intermédiaire (Ex. « Faites bouillir de l’eau »), 3) aide verbale portant sur l’action à effectuer (Ex. « Prenez la bouilloire »),

4) association du pointage de l’objet nécessaire à sa réalisation à l’aide verbale, 5) aide physique (l’expérimentateur réalise l’action attendue).

Comme cela était également indiqué par Baum et al. (2007), chaque aide était proposée deux fois avant de passer à une aide de niveau supérieur. Neistadt (1992), dans le Rabideau Kitchen Evaluation-R, prend également en compte, dans le calcul du score, l’assistance fournie à chacune des étapes. La cotation va de 0 point, lorsqu’aucune aide n’est requise, à 3 points lorsqu’une aide totale est nécessaire. Par la suite, Neistadt (1994) a introduit la distinction entre aide verbale (procédure visant à guider le participant à l’aide d’une série de questions) et aide physique et suggère l’utilisation, lors de séances de rééducation auprès de personnes ayant des lésions cérébrales acquises, d’un indiçage progressif afin de faciliter l’exécution de la tâche. Elle recommande de commencer par une aide verbale générale et, si cela n’est pas suffisant, de poursuivre avec une série de questions soutenant le processus de résolution de problème, en commençant par des questions permettant de mobiliser la personne sur la tâche (ex. « Que voyez-vous dans la cuisine ? »), suivies de formulations facilitant la formulation d’un plan d’action (ex. « Quelles étapes allez-vous réaliser pour préparer votre collation ? »). De façon similaire, Baum et al. (2007), dans l’EFPT, prévoient cinq niveaux d’aide allant de 1) l’aide verbale indirecte exprimée sous la forme d’une question ouverte ou d’une affirmation (ex. « Que devriez-vous faire à présent ? ») à 5) la réalisation à la place du participant. Les niveaux intermédiaires correspondent, dans l’ordre, à une aide gestuelle (ex. mimer l’action. N’est pas une participation active à la réalisation de la tâche), une aide verbale directe (indique l’action à réaliser, ex. « Prenez le stylo. ») et une aide physique. Contrairement à l’aide physique de Neistadt, il ne s’agit pas ici de réaliser l’action à la place du participant mais de lui fournir une assistance physique pendant qu’il réalise la tâche (ex. tenir le chéquier pendant que la personne écrit dedans). Se basant sur les travaux de Baum et al. (2007), Serna (2008) prend en compte trois catégories d’aide comprenant différents degrés : les demandes de confirmations (un seul niveau disponible : l’évaluateur renvoie verbalement à la consigne), les incitations (trois degrés allant de la demande de vérification à la demande d’exécution) et le guidage (six degrés). Considérant que les indices donnés doivent servir dans un premier

temps à permettre l’identification des éléments pertinents, le premier niveau de guidage consiste à répéter ce que dit la personne (G0. « Refléter », ex. « Vous me dites que… »), le second à « Poser le problème » (G1. « Comment feriez-vous pour…? »). Si cela ne suffit pas, le guidage suivant doit permettre de soutenir le sujet dans l’élaboration d’une stratégie (G2. « Annoncer la solution », ex. « Pensez-vous que cela pourrait être noté quelque part ? »). Si nécessaire, l’aide apportée va jusqu’à « Donner la solution » (G3. « Prenez le courrier et regardez en haut le numéro de téléphone » et G4. « Aide physique », c’est-à-dire réaliser l’étape à la place de la personne). Une dernière catégorie (IP) est prévue afin de prendre en compte les interventions faisant suite à une difficulté physique et non cognitive. La grille d’analyse Profinteg (Anselme et al., 2013 ; Wojtasik et al., 2010 ; Wojtasik & Salmon, 2007) intègre également la distinction aide verbale et physique dans son évaluation des AIVQ. Quatre aides hiérarchisées, dont trois de nature verbale, peuvent successivement être fournies : aide verbale générale (« Non », « Faites attention »), spécifique (« Ne serait-ce pas noté quelque part ? »), totale (« Vous devez… ») et physique (en distinguant si le patient participe ou non à la réalisation de l’étape). D’une manière générale, les auteurs ont le souci constant de ne fournir que l’aide strictement nécessaire à la réussite de l’étape. Cette proposition est comparable à celle utilisée préalablement par Adam et al. (1999) dans le cadre de la prise en charge d’une personne âgée souffrant d’une maladie d’Alzheimer probable. Afin d’automatiser chez la patiente la consultation et l’utilisation de son carnet mémoire à son domicile, il a été préconisé à son conjoint de recourir systématiquement à l’indiçage progressif suivant : un indice verbal général (« Tu n’oublies rien ? »), un indice verbal spécifique (« N’y a-t-il pas quelque chose que tu dois faire chaque matin ? »), un indice verbal précis (« Tu ne dois pas consulter ton agenda ? ») puis, enfin si nécessaire, une aide physique (donner l’agenda à la personne). Lekeu et al. (2002), dans une situation d’apprentissage de l’utilisation d’un téléphone portable par deux personnes ayant un diagnostic de maladie d’Alzheimer, distinguaient également aide verbale et physique. Les aides verbales étaient données lorsque le participant ne savait pas comment réaliser l’étape en cours. L’information donnée devenait progressivement plus précise (Trois niveaux : « Comment pourriez-vous trouver comment faire ? », « Que pourriez-vous consulter pour savoir quoi faire ? », « Consultez la carte d’instructions. »). Enfin, l’aide physique consistait, par exemple, à désigner la touche sur laquelle appuyer. De façon comparable, les grilles d’analyse fonctionnelles élaborées par Ylieff (2000a) prévoient une stimulation verbale en première intention. Si celle-ci ne suffit pas, l’évaluateur a alors recours à l’imitation puis, si nécessaire, à l’aide manuelle. Serna (2008) propose une analyse différente des aides, toujours organisées de façon hiérarchisée (de la plus générale à la plus complète), elles peuvent apporter une confirmation (demande du sujet), une incitation/ stimulation (sollicitations verbales nécessaires à la réalisation de certaines étapes) ou un guidage/

contrôle (aide à l’élaboration de stratégies). Les aides de type « confirmation » sont envisagées comme liées à la situation d’expérimentation plutôt que comme le reflet de difficultés réelles.

Nous signalerons également les descriptions détaillées de stratégies d’aides variées disponibles dans la littérature relative à la prise en charge des personnes autistes. Ces stratégies utilisent des « incitations » (« prompts » en anglais) présentées de façon hiérarchisée, par exemple de la moins à la plus intrusive (« system of least prompt » SLP). Dans ce cas, la hiérarchisation des aides la plus fréquemment utilisée est la suivante : aide verbale, gestuelle, imitation et guidance physique (MacDuff, Krantz, & McClannahan, 2001). Les incitations peuvent également être visuelles (photographies, dessins) ou textuelles. L’aide verbale est la plus largement utilisée, généralement conjointement aux autres types d’aides. Par ailleurs, il est recommandé de proposer une aide soit après une erreur, soit en l’absence de réponse après un délai de 5 à 10 secondes suite à la présentation d’un stimulus. Le SLP est cité par Engelman, Mathews et Altus (2002) comme une des approches thérapeutiques utilisées auprès des personnes âgées efficace pour améliorer leur autonomie, en particulier en enseignant cette technique au personnel soignant.

Les auteurs semblent s’accorder sur la pertinence de proposer une aide hiérarchisée, allant de l’aide verbale générale jusqu’à l’aide physique si nécessaire. Certains auteurs toutefois considèrent que l’aide verbale peut s’avérer peu adaptée lorsque les capacités de compréhension et de production verbales des personnes sont altérées (E. A. West & Billingsley, 2005) comme cela peut par exemple être le cas dans les troubles neurocognitifs. Ce qui justifierait d’avoir recours à un autre format d’aide (gestuelle ou visuelle par exemple). Les auteurs ont ainsi comparé la procédure du SLP classique avec une procédure révisée dans laquelle l’aide verbale a été remplacée par une aide gestuelle, utilisée avec deux enfants ayant un diagnostic de trouble du spectre autistique. Les auteurs concluent à une supériorité de la version révisée qui nécessitait moins de séances et réduisait le nombre d’erreurs produites (élément essentiel compte tenu du risque de démotivation associé à la production d’erreurs). L’utilisation du SLP auprès de personnes avec un diagnostic de troubles neurocognitifs n’est toutefois pas généralisée. Au-delà des aides verbales et physiques pouvant être fournies, différentes méthodes d’apprentissage et de mémorisation de connaissances nouvelles ont montré leur efficacité chez des personnes présentant des troubles neurocognitifs majeurs (Erkes et al., 2009 ; Van der Linden, Juillerat, & Adam, 2003).