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1 1 Comparaison des performances d’adultes jeunes et âgés (Étude 1)

1. 1. 1. Introduction

Comme développé précédemment, les technologies de l’information et de la communication (TIC) s’imposent dans tous les domaines de la vie quotidienne, contraignant chacun, quel que soit son âge, à s’adapter et à développer de nouvelles compétences. En particulier, le téléphone, permettant de rester en contact avec la famille ou les amis géographiquement éloignés, est un outil de communication essentiel au maintien de

l’indépendance et de l’autonomie des personnes. Utile à l’organisation des soins ou pour demander de l’aide en cas de besoin, il contribue à assurer la sécurité des personnes (Mitzner et al., 2010) et constitue un moyen de garder un certain contrôle sur sa vie (Murphy, 1999 ; Nygård & Starkhammar, 2003). Par ailleurs, d’après Russell (2011), l’apprentissage et l’utilisation de l’ordinateur augmenteraient le sentiment de bien-être, stimuleraient la compréhension du monde et accroitraient le sentiment d’appartenance des personnes âgées. Toutefois, et alors même que la plupart des aînés aspireraient à les utiliser et seraient capables de le faire, les TIC restent encore peu répandues parmi les adultes âgés, les différences s’accentuant avec l’âge (Anderson, 2015 ; Insee, 2016 ; Ofcom, 2015). Parmi ces technologies, la tablette tactile offre à la fois les fonctionnalités du téléphone et de l’ordinateur, l’écran tactile semblant en outre présenter l’avantage d’une simplicité d’utilisation comparativement à l’ordinateur (Findlater et al., 2013 ; Upton et al., 2011 ; F. Werner et al., 2012). Cet outil est ainsi susceptible de fournir de nouvelles opportunités qui constituent pour les personnes âgées, y compris celles présentant des troubles neurocognitifs, une solution facilitatrice d’accès aux TIC. Cependant, s’il est indispensable de proposer l’accès à des technologies faciles d’utilisation, les utilisateurs âgés doivent également pouvoir bénéficier d’un soutien adapté afin de faciliter la prise en main de la technologie et ainsi encourager son adoption (Alm et al., 2007 ; Bigot, 2006). Or, un soutien adapté et efficace ne saurait exister sans une évaluation fine, à chaque étape de réalisation de l’activité, de la nature des difficultés rencontrées et des aides nécessaires à la réussite de l’exécution de la tâche.

Parmi les différents outils utilisés pour évaluer les AVQ (questionnaires auto ou hétéro-rapportés, observation directe au domicile ou évaluations standardisées en situation), les questionnaires, de type papier-crayon, présentent l’avantage d’être rapides et faciles d’utilisation. Toutefois, ils ont souvent été critiqués pour leur manque de validité écologique : ils ne fournissent pas d’information détaillée sur le contexte dans lequel l’activité est réalisée et ne permettent pas de mettre en évidence les difficultés spécifiques rencontrées par la personne. Enfin, les résultats obtenus avec des mesures auto-rapportées peuvent faire l’objet d’une sur- ou d’une sous-estimation de la part du répondant (Fillenbaum, 1978 ; Suchy et al., 2011). En réponse aux inconvénients des mesures indirectes, des outils d’évaluation en situation ont été développés (Zanetti et al., 1998), permettant le recueil d’informations sur les performances réelles des sujets, dans des situations les plus proches possibles de la vie courante. Bien que présentant différents inconvénients, en particulier une durée moyenne de passation relativement longue (estimée à 1h30) (Luttenberger et al., 2012 ; Sikkes et al., 2009), rendant ces instruments parfois difficilement utilisables dans la pratique clinique (Luttenberger et al., 2012 ; Zanetti et al., 1998), ces outils sont considérés

comme moins influencés par le niveau éducatif et culturel que les outils auto-rapportés. Ils pourraient ainsi constituer des moyens de mesure plus valides et objectifs (Zanetti et al., 1998), permettant le recueil d’informations précises et pertinentes quant au fonctionnement des personnes, particulièrement utiles pour les personnes ne disposant d’aucun soutien familial susceptible de transmettre de tels renseignements.

Afin de proposer une analyse approfondie de la performance, de nombreux chercheurs utilisant des mesures basées sur les performances se sont également intéressés aux types d’erreurs produites durant l’exécution de la tâche. Deux catégories principales ont été distinguées : les erreurs d’omission et d’exécution/commission (Schwartz et al., 1999 ; Schwartz et al., 1998 ; Schwartz et al., 1995). Les erreurs d’exécution concernent toutes les situations où le participant réalise une action de façon incorrecte ou inappropriée, cela peut concerner une substitution d’objet, une addition d’action ou une erreur de séquençage (résultant d’une anticipation-omission, d’une inversion ou d’une persévération). Une omission consiste en l’oubli d’une étape ou d’une sous-étape lors de la réalisation d’une activité, y compris l’oubli du contenu. D’après Giovannetti, Libon, Buxbaum, et al. (2002), les additions d’action, bien que liées aux erreurs d’exécution et d’omission, seraient conceptuellement différentes et devraient être considérées comme une catégorie distincte. Les erreurs ne sont pas uniquement le fait de personnes souffrant de troubles neurocognitifs, les personnes en bonne santé sont également susceptibles d’en produire, bien que dans une moindre mesure et principalement de type erreur d’exécution (Giovannetti, Bettcher, Brennan, Libon, et al., 2008 ; Seligman et al., 2014). Anselme et al. (2013) se sont également intéressés aux erreurs d’initiation, c’est-à-dire lorsque le participant ne commence pas spontanément l’activité. Par ailleurs, Bettcher et al. (2011) ont souligné l’importance de la capacité d’autocorrection comme indicateur de la capacité à vivre seul à domicile. En effet, le nombre d’erreurs n’étant jamais nul, être en mesure de les détecter et de les corriger apparaît comme primordial. Afin d’aider les personnes qui ne sont pas en mesure de se corriger elles- mêmes, différentes aides, hiérarchiquement ordonnées, peuvent être fournies, allant des aides verbales générales (fournissant un soutien à l’aide d’une série de questions) aux aides physiques (Neistadt, 1994). Wojtasik et Salmon (2007), Wojtasik et al. (2010) et Anselme et al. (2013) ont repris cette distinction dans la grille d’analyse de l’outil Profinteg, en y ajoutant les aides verbales spécifiques (« Est-ce que cela ne serait pas écrit quelque part ? ») et totales (« Appuyez sur…. »). L’analyse conjointe des erreurs produites et des aides utiles permet de mieux comprendre la nature des difficultés rencontrées et de déterminer le niveau d’aide le plus adapté aux difficultés du sujet afin de lui permettre d’exploiter au mieux ses capacités restantes.

Dans ce contexte, nous avons donc décidé de préciser la capacité de fonctionnement des adultes âgés en bonne santé à utiliser les téléphones fixe et mobile ainsi que les tablettes tactiles en situation, comparativement à celle de jeunes adultes. Nous avons souhaité évaluer les difficultés de compréhension et d’utilisation de ces trois outils de communication ainsi que la capacité à solliciter et à intégrer les aides humaines fournies au cours de la tâche, à l’aide d’une analyse fine à la fois des erreurs produites et des aides fournies.