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Les personnes âgées souhaitent bénéficier de formations qui leur permettent de rester actives et engagées dans la poursuite de leurs intérêts personnels (Czaja & Sharit, 2013). Elles sont motivées pour développer de nouvelles connaissances et compétences, en particulier en lien avec les transports, la santé et la sécurité mais également avec les loisirs et les technologies (Boulton-Lewis, Buys, & Lovie-Kitchin, 2006). Les raisons avancées pour participer à des programmes de formation sont diverses, allant du souhait de rester actif et mentalement stimulé (Boulton-Lewis et al., 2006 ; Villar, Triadó, Pinazo, Celdran, & Solé, 2010), à la volonté d’occuper son temps de façon positive, de développer de nouvelles connaissances et avoir l’occasion de contacts sociaux (Leung, Lui, & Chi, 2006 ; Villar et al., 2010), de donner plus de sens à sa vie et étendre ses champs d’intérêts personnels (Leung et al., 2006) ou encore au simple plaisir d’apprendre (Kern, 2016).

Si l’apprentissage et l’acquisition de nouvelles compétences se superposent par certains aspects, ils ne sont cependant pas totalement assimilables (Czaja & Sharit, 2013). Apprendre ne se restreint en effet pas à acquérir des connaissances (Bélanger, 2011), mais implique également de maîtriser différents modes d’acquisition, de récupération, de construction, de mobilisation de ces nouvelles connaissances. D’après cet auteur, il y a eu apprentissage lorsque l’individu retire d’une expérience de nouvelles connaissances mobilisables pour une utilisation autonome dans un nouveau contexte. Ainsi, l’apprentissage est plus général tandis que l’acquisition de compétences fait référence à des performances spécifiques mobilisées dans la réalisation de tâches données. Nous utiliserons toutefois dans le cadre de cette thèse le terme « apprentissage » pour désigner, indistinctement, l’acquisition de connaissances, de compétences ou d’attitudes nouvelles. Nous utiliserons également de façon indifférenciée les termes « formation » et « entrainement » pour désigner les activités pédagogiques mises en place dans le but de favoriser cet apprentissage. L’apprentissage est un processus complexe dans lequel trois étapes sont généralement distinguées (Czaja & Sharit, 2013) : la compréhension, la formalisation et l’automatisation. Lors de la phase de compréhension (des éléments pertinents pour la tâche en cours, des concepts), les performances ne sont pas stables et sont favorisées par la répétition. La formalisation des informations consiste en la création de schémas, c’est-à-dire l’établissement de liens entre les connaissances qui seront ainsi associées entre elles en mémoire. Ces schémas permettent d’utiliser plus efficacement les informations apprises, et ainsi favorisent une performance plus régulière. Les efforts conscients mobilisés sont cependant encore importants. Un entraînement suffisant aide à l’automatisation des règles développées à l’étape précédente, l’exécution devenant alors plus rapide. La qualité de l’apprentissage est influencée par différents facteurs propres à l’individu, tels que l’âge, la

culture, l’éducation, les capacités cognitives (en particulier mnésiques et attentionnelles), la motivation, les émotions (ex. l’anxiété) et les attitudes (sentiment d’auto-efficacité), la fatigue ainsi que l’effort et le coût associés à cet apprentissage mais également par les facteurs environnementaux que sont les facteurs sociaux (disponibilité de soutien) et le format du programme de formation (Czaja & Sharit, 2013).

S’intéresser à l’apprentissage à l’âge adulte, en particulier des plus âgés, implique de s’interroger sur les implications des changements survenant au cours de l’avancée en âge sur les processus d’apprentissage et les modalités de formation adaptées. D’après Merriam, Caffarella et Baumgartner (2007), l’adulte se différencie de l’enfant par son expérience et ses connaissances acquises au cours de la vie, l’apprentissage à ces différents âges se distingue donc par la façon dont l’apprenant, le contexte et certains aspects du processus d’apprentissage interagissent. Les différents changements physiques et cognitifs accompagnant le vieillissement sont à prendre en compte lors de la conception d’un programme de formation. Ainsi, compte tenu par exemple de la présence fréquente de troubles visuels passés 60 ans (voir Chapitre 1), il est important de prendre un temps suffisant en début de formation pour vérifier que l’éclairage de la pièce est suffisant, et, lorsque l’on travaille avec des écrans, supprimer la présence de reflets et effectuer les réglages nécessaires (luminosité). Cela implique également d’utiliser sur tous les supports écrits une taille de police suffisamment grande, sans empâtement et suffisamment contrastée par rapport au support. On peut observer avec l’avancée en âge une diminution des capacités attentionnelles, de la vitesse perceptuelle et de traitement des informations, ainsi que de la mémoire de travail ; ces modifications ont pour conséquence l’apparition de difficultés lorsque les informations à apprendre sont présentées trop rapidement, si trop d’informations sont présentées en même temps ou si l’environnement est trop bruyant (Czaja & Sharit, 2013). Les situations imposant une limite de temps affecteront donc les performances de façon négative. Les personnes âgées ont besoin de plus de temps et d’entraînement pour apprendre de nouvelles compétences, mais également de plus de soutien venant de l’environnement (Czaja & Sharit, 2013). D’autres changements cognitifs affectant les capacités de mémorisation et d’attention sont susceptibles d’interférer avec de nouveaux apprentissages du fait d’une interférence possible liée aux apprentissages antérieurs ou d’une sensibilité accrue aux conditions environnementales (ex. bruit).

L’apprentissage à l’âge adulte est donc en particulier affecté par la vitesse, mais aussi par la signification (Merriam et al., 2007) et la motivation (Czaja & Sharit, 2013), ce qui implique que les adultes seront difficilement enclins à s’engager dans une situation d’apprentissage dénuée de sens pour eux. De plus, un apprentissage basé sur des connaissances antérieures, usant d’analogies entre le nouveau matériel et les

connaissances existantes, sera plus efficace. La confiance en ses capacités est également un facteur critique d’un apprentissage réussi, à tout âge mais en particulier pour les plus âgés. Dans la littérature traitant de l’éducation des adultes, le mode coopératif est par ailleurs présenté comme le style d’enseignement le plus efficace et le plus adapté aux adultes (Conti, 1985). Les adultes plus âgés ont en outre plus de risques de présenter des problèmes de santé pouvant avoir un impact sur les capacités d’apprentissage du fait par exemple d’une fatigabilité accrue et des effets des traitements médicamenteux (Merriam et al., 2007). Enfin, ils sont plus fatigables et éprouvent plus d’anxiété que les plus jeunes en situation d’apprentissage (Czaja & Sharit, 2013).

Ainsi, les plus âgés veulent et peuvent apprendre (Field, 2012), avec suffisamment de temps, de motivation et de pratique (Boulton-Lewis et al., 2006). Toutefois, comme le souligne Kern (2016), il s’agit là d’éléments qui se vérifient également pour d’autres publics, questionnant alors la nécessité de considérer la mise en place de méthodes d’apprentissage spécifiques pour les adultes plus âgés. Définir l’éducation comme « un soutien plus ou moins structuré à un apprenant dans un processus d’apprentissage » (Kern, 2016, p. 56) permet de replacer la personne, avec toutes ses singularités, au centre de ce processus et d’adopter une approche de la formation dépassant la question de la distinction entre les différents publics (enfants vs adultes, adultes vs adultes plus âgés). La prise de conscience de l’entrée dans la deuxième partie de notre vie pourrait par ailleurs modifier notre rapport à la formation (Kern, 2016), également affecté par les expériences accumulées au cours de la vie qui caractérisent l’avancée en âge et peuvent à la fois constituer des soutiens ou des freins à l’apprentissage.

Comme le soulignent Czaja et Sharit (2013, p. 3), l’amélioration des programmes éducatifs destinés aux adultes plus âgés, intégrant leurs caractéristiques, s’avéreront utiles auprès d’un public plus large. Ainsi, il peut paraître pertinent de s’intéresser aux procédures d’apprentissage ayant démontré leur efficacité auprès de personnes aux capacités plus altérées et d’envisager leur utilisation auprès de personnes aux capacités préservées. Une revue de la littérature sur les modes d’instruction ayant prouvé leur efficacité dans l’éducation spécialisée d’adultes et d’enfants a permis de dégager cinq composants principaux de cette efficacité : la pratique répétée, le fractionnement de la tâche, la modélisation par l’enseignant (teacher modeling) qui, de façon répétée et explicite, montre aux apprenants ce qui est attendu, réduisant ainsi le risque d’apparition d’erreurs, l’utilisation de schémas organisateurs permettant de structurer la situation d’apprentissage et comprenant les objectifs visés, le matériel utilisé, ciblant les informations principales…, et les renforcements systématiques (Sohlberg, Ehlhardt, & Kennedy, 2005). Dans un contexte de troubles neurocognitifs majeurs, l’apprentissage sans erreur et la récupération espacée,

considérés comme s’appuyant sur les capacités préservées de mémoire implicite, ont par exemple montré leur efficacité, y compris à des stades avancés de la maladie (Erkes et al., 2009 ; Van der Linden et al., 2003).