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Leur passation nécessite seulement un papier et un crayon et présente l’avantage d’être simple et relativement rapide. Les questionnaires auto-rapportés donnent une information sur la perception que le sujet a de ses capacités. Toutefois, l’anosognosie et le déni peuvent être responsables d’un décalage plus ou moins important entre cette perception et les capacités réelles de la personne. De ce fait l’hétéro-évaluation, permettant le recueil d’informations auprès d’un proche aidant ou d’un soignant, est utilisée le plus fréquemment de façon complémentaire ou subsidiaire (Sikkes, de Lange-de Klerk, Pijnenburg, Scheltens, & Uitdehaag, 2009). Les outils les plus largement utilisés pour évaluer la perte d’autonomie fonctionnelle référencés par Peskine et al. (2006) sont : le Bilan Modulaire d’Ergothérapie (B.E.M. ; Kalfat, Colvez, Othoniel, & Gonzalez, 2003), l’échelle d’autonomie physique de Katz (Katz Index of ADL ; S. Katz et al., 1963), l’échelle de Lawton et Brody évaluant les IADL (Lawton & Brody, 1969), la grille Autonomie

Gérontologie Groupes Iso Ressources (AGGIR) (AGGIR ; Arnaud, Ducoudray, Leroux, Martin, & Vetel, 1993), l’indice de Barthel (Mahoney & Barthel, 1965) et la mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF) (Linacre, Heinemann, Wright, Granger, & Hamilton, 1994). Ces deux derniers seraient toutefois rarement utilisés dans la pratique gériatrique. La même année, Gélinas (2006) répertoriait neuf outils de mesure de l’incapacité fonctionnelle adaptée à une population ayant un diagnostic de trouble neurocognitif de type maladie d’Alzheimer : l’Alzheimer’s Disease Cooperative Study – Activities of Daily Living Inventory (Galasko et al., 1997), la Bayer Activities of Daily Living Scale (B-ADL ; Hindmarch, Lehfeld, Jongh, & Erzigkeit, 1998), la Dementia Scale (Blessed, Tomlinson, & Roth, 1968), la Dependance Scale (Stern et al., 1994), le Disability Assessment for Dementia (DAD ou Evaluation de l'Incapacité Fonctionnelle dans la Démence - IFD, en français ; Gélinas et al., 1999), le Functional Activity Questionnaire (Pfeffer, Kurosaki, Harrah, Chance, & Filos, 1982), le Functional Assessment Staging Tool (FAST ; Reisberg, 1988 ; Reisberg et al., 1984), la Progressive Deterioration Scale (DeJong, Osterlund, & Roy, 1989) et la Psychogeriatric Basic ADL Scale (Laberge & Gauthier, 1994). Sikkes et al. (2009), quant à eux, ont répertorié 12 outils d’évaluation indirecte, spécifiques des AVQ et développés pour être utilisés auprès de patients souffrant d’une pathologie démentielle. Parmi ces outils, ceux évalués par les auteurs comme ayant la meilleure validité de contenu sont l’Activities of Daily Living - Prevention Instrument (ADL-PI ; Galasko et al., 2006), l’Alzheimer Disease Activities of Daily Living International Scale (ADL-IS ; Reisberg et al., 2001), la Bristol Activities of Daily Living Scale (Bristol ADL ou BADLS ; Bucks, Ashworth, Wilcock, & Siegfried, 1996 ; Hughes, Berg, Danziger, Coben, & R.L., 1982), la Cleveland Scale for Activities of Daily Living (CSADL ; M. B. Patterson et al., 1992) et le DAD. Seuls deux outils recevaient une seconde évaluation positive des caractéristiques psychométriques, le DAD obtenait ainsi une bonne mesure de fiabilité et la Bristol ADL une bonne mesure de contenu. Suite à une revue de la littérature visant à identifier les différentes échelles utilisées auprès de personnes ayant un diagnostic de trouble neurocognitif de type maladie d’Alzheimer, Robert et al. (2010) ont identifié 17 échelles couramment utilisées en clinique gériatrique pour évaluer l’évolution des capacités dans la réalisation des activités de la vie quotidienne. Parmi ces outils, cinq étaient également cités dans les études de Sikkes et al. (2009) et / ou de Peskine et al. (2006) : l’échelle de Katz, l’échelle IADL de Lawton et Brody, l’indice de Barthel, l’ADL-PI, la Bristol ADL et le DAD. Ces deux dernières échelles étaient également celles recommandées par Opara et Brola (2011), dans un contexte spécifique de maladie d’Alzheimer, parmi toutes celles disponibles pour l’évaluation des activités fondamentales de la vie quotidienne. D’autres outils existent, développés pour la pratique clinique gériatrique afin de disposer de mesures valides et standardisées, tels que le Système de Mesure de l'Autonomie Fonctionnelle (SMAF) de Hébert, Carrier et Bilodeau (1988) ; Hébert, Eagar, Carrier et

Bilodeau (1988), ou spécifiquement pour les personnes ayant un diagnostic de trouble neurocognitif tels que : le Daily Activities Questionnaire (DAQ ; Oakley, Lai, & Sunderland, 1999 ; Oakley et al., 1992), le Questionnaire des Activités de la Vie Quotidienne (Activities of Daily Living Questionnaire - ADLQ ; Johnson, Barion, Rademaker, Rehkemper, & Weintraub, 2004) et le Caregiver Assessment of Functional Dependence and Caregiver Upset measure (CAFU ; Gitlin et al., 2005). Nous citerons également la Functional Dementia Scale (J. T. Moore, Bobula, Short, & Mischel, 1983), élaborée afin de quantifier les difficultés fonctionnelles associées aux troubles démentiels et comprenant trois sous-échelles évaluant les AVQ, l’orientation et les affects, dont la prise en compte est moins répandue. Cette présentation est toutefois loin d’être exhaustive.

Parmi les nombreuses échelles existantes, nous présenterons cinq outils, quatre fréquemment cités dans les revues de littérature présentées (l’échelle IADL de Lawton et Brody, l’ADL–PI, la Bristol ADL et le DAD) ainsi que l’échelle de Katz. Nous n’inclurons pas l’indice de Barthel, rarement utilisé en gériatrie.

L’échelle d’autonomie physique de Katz ou Index of Independence in ADL (S. Katz et al., 1963) est l’outil le plus ancien et le plus largement utilisé. Inspiré des difficultés observées chez des personnes atteintes de fractures de la hanche, il a été initialement validé auprès de personnes âgées ne présentant pas de troubles démentiels mais une fracture de la hanche, un accident vasculaire cérébral, de l’arthrite, des troubles cardio-vasculaires… Six activités de base sont évaluées : se laver, s’habiller, aller aux toilettes, les transferts, la continence et l’alimentation. Pour chaque domaine, trois descriptions correspondant à trois degrés d’aide sont proposées. Le répondant (un professionnel de santé) choisit celle correspondant le mieux au patient. Les performances globales sont ensuite évaluées à l’aide de huit catégories (A, B, C, D, E, F, G et « autre »). La lettre A est attribuée lorsque la personne n’a besoin d’aide dans aucun des six domaines évalués, G correspondant à un besoin d’aide dans les six domaines. « Autre » s’applique aux situations dans lesquelles la personne évaluée a besoin d’aide dans au moins deux des domaines mais ne peut être classée dans C, D, E ou F.

L’échelle de Lawton et Brody (1969), initialement validée auprès de personnes âgées en bonne santé, est l'outil le plus communément utilisé tant en clinique qu'en recherche pour évaluer les activités de la vie quotidienne (Juillerat Van der Linden, 2008). Axée sur le comportement habituel de la personne et évaluant essentiellement le niveau de dépendance à travers l'appréciation des activités de la vie quotidienne, elle est constituée de deux parties. La première est une adaptation de la Langley-Porter Physical Self-Maintenance Scale (PSMS) (Lowenthal, 1964, cité dans Lawton & Brody, 1969) et de l’échelle d’autonomie physique de Katz (S. Katz et al., 1963) et s’intéresse aux AVQ de base à

travers six questions. Appelée « échelle d’autonomie physique » ou « échelle de soins personnels » dans sa version française, elle évalue la continence, les soins personnels, la capacité à faire sa toilette, à s’alimenter, s’habiller et se mouvoir. La seconde partie explore les AIVQ à travers huit questions (cinq seulement pour les hommes). Cette échelle a été traduite en français, par Israël et Waintraub (1986) et est utilisée pour l'inclusion dans de nombreux essais thérapeutiques. Dans cette version, la distinction homme/femme est supprimée et huit items permettent d’évaluer les IADL : bricoler, utiliser le téléphone, préparer les repas, prendre les médicaments, gérer les finances, utiliser les transports, entretenir la maison, faire les courses et le ménage. Les réponses sont fournies par une ou plusieurs sources (patient, proche, soignant). La passation est courte, environ 10 minutes, mais nécessite un entraînement de l’évaluateur. Pour chaque item 4 à 5 énoncés, décrivant un niveau de réalisation de l’activité, sont proposés. A chaque énoncé correspond la note 0 ou 1, le chiffre 1 reflétant une parfaite autonomie et 0 une certaine dépendance. Le score à la PSMS peut varier de 0 à 6. Plus la dépendance est grande, plus le score est faible. On trouve dans la littérature différentes versions de cette échelle, avec en particulier des variantes dans le système de cotation, un score élevé correspondant selon les cas à une plus grande dépendance ou à un niveau d’autonomie élevé. Cet outil paraît peu sensible pour apprécier des changements chez des sujets non détériorés. Une version abrégée se focalisant sur quatre des huit items des IADL (utilisation du téléphone et des transports, prise des médicaments et gestion des finances) a été proposée par Barberger-Gateau et al. (1992).

Afin d’évaluer les activités de la vie sociale, Derouesné et al. (2002) ont proposé le questionnaire NADL en ajoutant une troisième échelle constituée de six items, issus de l'échelle de M. M. Katz et Lyerly (1963). Le conjoint évalue le niveau d'autonomie du patient à l’aide de quatre niveaux allant de 1 (activité normale) à 4 (perte complète d'autonomie). Le score global du questionnaire varie de 21 à 81, correspondant à une perte totale d'autonomie.

L’ADL-PI (Galasko et al., 2006) comprend 20 énoncés : 15 relatifs aux AVQ et 5 à l’état physique, s’intéressant à une grande variété de domaines (ex. gérer son argent, faire les courses, se souvenir de rendez-vous, communiquer avec d’autres personnes, suivre un programme télévisé ou des films, etc.). Cet outil a été conçu pour pouvoir être complété à domicile ainsi que lors des consultations, en auto-évaluation ou en hétéro-évaluation. Le répondant indique pour chaque item si l’activité est réalisée comme d’habitude/sans difficultés (= 3 points), avec un peu (= 2), beaucoup (= 1) de difficultés ou si elle n’est pas réalisée du tout (= 0). Un score global est calculé en sommant les différentes réponses.

La Bristol ADL (Bucks et al., 1996 ; Hughes et al., 1982) est une échelle d’hétéro- évaluation spécifiquement conçue pour les personnes ayant un diagnostic de trouble démentiel vivant à domicile. La version finale est composée de 20 items évaluant les activités de la vie quotidienne (13 items évaluent les ADL et sept les IADL), cotés 0, 1, 2 ou 3. Les scores varient de 0 (Totalement indépendant) à 60 (Totalement dépendant). Sa passation nécessite une quinzaine de minutes. Cette échelle est facile d’utilisation, présente une bonne sensibilité au changement et est adaptée aux différents niveaux de sévérité des troubles démentiels. Il existe une version en français canadien ; cet outil est toutefois peu utilisé en France.

Le DAD (Gélinas et al., 1999) a été développé simultanément en français et en anglais, avec la volonté pour les auteurs de proposer un outil ayant de bonnes caractéristiques psychométriques, ne présentant pas de biais lié au genre et pratique d’utilisation à la fois pour la recherche et la pratique clinique. Il est communément utilisé pour l’évaluation fonctionnelle. La version finale de cet outil comprend 40 items correspondant à 10 domaines différents relatifs aux AVQ, aux AIVQ et aux activités de loisirs. Au cours d’un entretien avec l’aidant, le clinicien évalue la performance du patient dans l’activité mais aussi l’aide nécessaire à l’initiation, la planification et l’organisation. Les réponses sont de type oui (1 point) – non (0 point). Le total des points est ensuite converti en pourcentage. Plus le pourcentage est grand, meilleures sont les capacités fonctionnelles de la personne. Cette échelle présentant une bonne fidélité et validité est sensible au déclin des performances évalué à 6 et 12 mois d’intervalle (Feldman et al., 2001).

On reproche souvent à cette catégorie d’outils un manque de validité écologique. En effet, de type papier-crayon, ils ne tiennent pas compte du contexte dans lequel sont réalisées les AVQ et ne mettent pas en évidence les difficultés réelles des patients. L’auto- évaluation des compétences présente également certaines limites. En effet, les personnes âgées, sans troubles spécifiques avérés, tendent à sur- ou sous-estimer leur niveau de compétence en comparaison avec des personnes ayant une incapacité reconnue (Fillenbaum, 1978 ; Suchy, Kraybill, & Franchow, 2011). D’après Hilton, Fricke et Unsworth (2001), les résultats des évaluations des activités de la vie quotidienne obtenus de façon auto-rapportée doivent donc être considérés avec précaution. Aussi, on demande fréquemment à un proche aidant, ou à un soignant, d’évaluer dans quelle mesure le patient est capable de réaliser, avec ou sans aide, un certain nombre d’activités. Ainsi, la plupart de ces outils évaluent la performance présumée des personnes et non l’exécution réelle de l’activité, parfois même avec un seul item pour évaluer un domaine. Les questions posées concernent souvent un fonctionnement global dans une tâche et ne permettent pas d'obtenir des informations quant à la nature du problème. Les réponses, lorsqu’elles sont exprimées

en « tout ou rien », ne reflètent pas la nature graduelle du trouble fonctionnel, ni son hétérogénéité (Juillerat Van der Linden, 2008). De plus, les activités sont généralement peu décrites ou la description reste très générale, laissant place à l'interprétation du répondant. Ces outils font par ailleurs appel au souvenir, à la remémoration. Or, pour pouvoir proposer des activités de réadaptation individuellement adaptées, il est particulièrement important de disposer d’une évaluation fine des activités de la vie quotidienne, c’est-à-dire une évaluation précise, à chaque étape caractéristique de la tâche à exécuter, permettant de proposer au bon moment l’aide (prompt) adaptée (suffisante mais non excessive, mesurée) nécessaire à la réalisation de l’action. En outre, certaines études ont mis en évidence un écart entre le jugement des aidants et les performances réelles des patients (Loewenstein et al., 2001), les auteurs ne trouvant une concordance que dans les cas de patients n’ayant pas de troubles cognitifs. D’autres études ont pointé un désaccord entre le jugement des patients, de leurs aidants et celui des professionnels de santé (Zanetti, Frisoni, Rozzini, Bianchetti, & Trabucchi, 1998 ; Zank & Frank, 2002). Ainsi, Zank et Frank (2002) ont montré que les aidants familiaux identifient des difficultés plus importantes dans les activités de la vie quotidienne que le personnel des institutions. Toutes les études ne s’accordent cependant pas, certaines mettant en évidence a contrario une tendance à la sous-estimation des difficultés. Cependant, il est raisonnable d’envisager que la capacité des aidants à évaluer le fonctionnement de leur proche dans les activités de la vie quotidienne est susceptible de souffrir d’un biais d’objectivité, souvent mis en lien avec le sentiment de fardeau (Zanetti et al., 1998 ; Zank & Frank, 2002). De plus, les outils permettant le recueil de données auto- ou hétéro-rapportées donnent peu d’informations sur les causes des limitations rencontrées par les personnes dans la réalisation des activités de la vie quotidienne, que ces causes soient cognitives ou non, liées alors à une interaction avec des facteurs environnementaux comme par exemple la taille des caractères de l’ordonnance, difficulté pour laquelle une compensation peut être aisément proposée (Diehl, Willis, & Schaie, 1995). Enfin, tout le monde n’a pas dans son entourage un proche aidant suffisamment présent pour évaluer précisément ses capacités. Un moyen de dépasser les inconvénients des mesures indirectes, qu’elles soient rapportées par le patient lui-même, par un proche ou un professionnel de santé, pourrait être le recours à l’observation directe (Zanetti et al., 1998).