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Nanoscopie optique d’une particule unique dans l’approximation dipolaire

Chapitre 4 Nanoscopie optique

4.3 Nanoscopie optique d’une particule unique dans l’approximation dipolaire

Au CPMOH, l’équipe de Bordeaux a associé un système de SMS à une source de lumière large bande de forte luminance pour mesurer le spectre d'extinction de particules d’or individuelles de diamètres inférieurs à 25 nm [56]. Pour obtenir une large bande spectrale c’est un supercontinuum, décrit dans la suite, qui a été utilisé. Ceci permet alors effectivement d’utiliser les calculs de sections efficaces d’extinction d’une particule sphéroïdale dans l’approximation quasi-statique, grâce à la formule 2.65. L’augmentation de la luminance a pu être obtenue avec une source de faible puissance moyenne, car l’important réside dans la concentration directive de la lumière émise. Le supercontinuum est généré par injection du train d'impulsions d'un oscillateur femtoseconde à saphir dopé titane (la durée d’une

impulsion est de 20 fs à 820 nm) dans une fibre photonique non-linéaire. La source obtenue est dépolarisée et couvre la zone visible jusqu’à environ 450 nm, comme schématisé figure 4.23. Une petite partie du spectre, environ 3 nm de largeur spectrale, est sélectionnée par une fente placée au centre d’un système composé d’une paire de réseaux et de deux lentilles identiques. Après avoir été éventuellement polarisée linéairement, elle est utilisée comme source pour le système expérimental.

Les spectres mesurés permettent de déterminer les caractéristiques individuelles des nanoparticules. Pour la plupart des particules, les mesures réalisées en fonction de la direction de polarisation font apparaître deux spectres extrêmes, en position spectrale et en amplitude de la Résonance de Plasmon de Surface, pour deux directions orthogonales de la polarisation incidente. Cet effet indique une faible asphéricité, comme schématisé figure 4.24, qui peut être analysée en supposant la particule elliptique de type prolate (seules les deux directions dans le plan de la surface peuvent être étudiées). Des résultats similaires sont obtenus en supposant la particule elliptique de type oblate.

Les positions spectrales extrêmes du maximum de σext = σabs correspondent aux Résonances de Plasmon de Surface suivant chaque axe principal de l’ellipsoïde. Pour des

réseau Fibre photonique

non-linéaire

Supercontinuum

Figure 4.23 : Génération du supercontinuum par injection des impulsions femstosecondes d’un oscillateur dans une fibre photonique non-linéaire et sélection en longueur d’onde.

Oscillateur femtoseconde Titane - Saphir 100 mW - 780 nm - 20fs 450 nm < λλλλ fente mobile

particules suffisamment petites (D < 25 nm), ce déplacement spectral est déterminé par le rapport d'aspect η = c/a entre les deux axes. Ce rapport peut être obtenu en comparant la mesure à l’approximation dipolaire pour des particules sphéroïdales. Dans l’exemple de la figure 4.25, le rapport d’aspect vaut η = 0,92 avec c = 17 nm et a = 18,5 nm.

A partir des caractéristiques ainsi déterminées, une « image optique » de la nanoparticule est réalisée : on a donc une véritable nanoscopie optique. L’analyse du spectre non polarisé permet de déduire également le volume des nanoparticules ainsi que l’indice de réfraction de leur environnement (comme nous l’avions fait pour la particule de la partie 4.2). Cette dernière apporte des informations sur l'environnement des particules sur une échelle nanométrique de l’ordre de leur taille [102]. La structure de l'échantillon, préparé par

spin-coating sur un substrat de verre en présence de polymère, se traduit par de fortes variations de

εm autour d’une valeur moyenne de 2,1 avec des fluctuations supérieures à 10%. Pour une petite déviation de sphéricité, ces derniers paramètres peuvent être déduits à partir des mesures réalisées en lumière non polarisée. Les résultats obtenus sont quantitativement

Au

Figure 4.25 : Spectres de la section efficace d’extinction σext = σabs mesurés pour une nanoparticule d'or en lumière non polarisée (carrés), et polarisée linéairement selon les deux directions orthogonales correspondant aux spectres extrêmes (cercles et triangles). L'insert montre l'évolution de σext à λ = 550 nm en fonction de la polarisation. Les courbes en traits pleins sont les spectres calculés pour nm = 1,5 avec g = 1 et une particule sphérique de diamètre D = 17,6 nm (ligne continue), ou elliptique prolate avec a = 18,5 nm et

reproduits en utilisant la théorie de Mie pour des particules sphériques avec pour seuls paramètres le diamètre effectif (sphère de volume équivalent à celui de la particule elliptique) et la constante diélectrique εm. Les valeurs obtenues ainsi sont quasi-identiques à celles déduites de l’analyse en lumière polarisée. De légères variations de l’indice effectif ont été observées pour différentes particules, ceci étant attribué à une fluctuation spatiale de l’environnement : une particule située près de l’interface polymère-air ressentira un milieu moins réfringent qu’une particule au sein de la couche de polymère ou à l’interface polymère-silice.

La nanoscopie optique apporte des informations identiques à celles mesurées en Microscopie Electronique à Transmission (MET) : seule la projection de la particule dans le plan d’observation est mesurée (en particulier pour de petites nanoparticules quasi-sphériques en ce qui concerne la nanoscopie optique). Des particules différentes, issues de la même solution colloïdale, étant observées, seules les données statistiques sont comparables. Les images MET montrent que la plupart des nanoparticules possèdent une forme quasi-sphérique, avec une faible ellipticité, en accord avec les observations optiques. Quantitativement, les statistiques d'ellipticité de la figure 4.26 sont en excellent accord, avec le même rapport d’aspect moyen η = c/a = 0,90, des distributions de taille avec des valeurs des diamètres moyens qui diffèrent de moins de 3% (<D> = 16,6 et 16,2 nm, respectivement).

Conclusion : de la détection à la nanoscopie optique

La technique de Spectroscopie à Modulation Spatiale à d’ores et déjà permis de détecter et mesurer directement la section efficace d’extinction de nanoparticules uniques d’or jusqu’à un diamètre de 5 nm. Cette technique est efficace que les nanoparticules soient en environnement homogène ou à une interface. Le principal avantage de la détection de nano-objets individuels par la méthode de SMS est, outre sa relative facilité de mise en œuvre, son caractère quantitatif. En utilisant une source couvrant une large bande spectrale, comme une lampe, cette technique donne accès à la mesure quantitative des spectres d’extinction NUV-visible-NIR. De plus, cela permet la discrimination de différents phénomènes et à terme leurs études indépendantes comme celle des transitions interbandes et bien sûr celle des modes de la Résonance de Plasmon de Surface. La large gamme de taille étudiée, alliée au fait de mesurer la diffusion en plus de l’absorption, permet l’analyse, fondamentale en physique du solide, des valeurs des fonctions diélectriques des métaux utilisées pour les calculs de Mie. Les valeurs testées ont été ici expérimentales, des efforts ayant été faits ces dernières années pour les améliorées tant par des mesures sur des films métalliques [73] que sur des Figure 4.26 : Histogrammes de rapport d’aspect η = c/a et de taille D obtenus par nanoscopie optique (haut) et par Microscopie Electronique en Transmission MET (bas).

Nanoscopie

nanoparticules uniques (comme nous l’évoquerons au chapitre 5) [113], mais ceci pourra tout aussi bien se faire avec des valeurs théoriques.

Enfin, en utilisant une source accordable de forte luminance, il est alors possible de mesurer quantitativement le spectre d’absorption d’une petite nanoparticule métallique individuelle et de l’identifier via sa signature optique. En effet, l’apport méthodologique de la SMS permet, en analysant la dépendance en polarisation de sa réponse optique, de caractériser la taille, la forme et l’orientation dans le plan de l’échantillon d’une nanoparticule unique ainsi que l’indice effectif de réfraction de son environnement local. Une « image optique » de la nanoparticule est réalisée, contenant des informations similaires à celles obtenues en microscopie électronique. On peut donc réaliser de la nanoscopie optique. Cette technique, démontrée dans le cas de nanoparticules d’or, est en principe également utilisable pour la détection et la caractérisation optique d’autres nanoobjets absorbants (boîtes quantiques, défauts,…). Ces travaux constituent le premier pas vers la réalisation d’études optiques des propriétés d’un nanoobjet, présentant de l’extinction, caractérisé in-situ.

Perspectives : de multiples voies à explorer

Les voies ouvertes par les résultats présentés demandent à être explorées plus profondément et offrent en plus la perspective de deux types de développements expérimentaux : certains afin de mener des études de physique plus variées et d’autres afin de préciser celle menées par SMS. Parmi ces deux voies, la première a commencée à être défrichée.

a. Etude de la dynamique ultra rapide d’une particule unique

La connexion entre les propriétés optiques et les propriétés électroniques permet d’étudier la dynamique électronique ultrarapide dans des expériences de spectroscopie femtoseconde [103, 104]. La première voie qui a été couplée à la SMS, à Bordeaux, est l’étude optique de la dynamique électronique dans des nanoparticules uniques d’argent jusqu’à 20 nm de diamètre [105]. La SMS sert alors à caractériser in situ les nanoparticules préalablement aux mesures pompe-sonde. La réponse optique transitoire sondée permet de mesurer le temps de thermalisation électrons-phonons. Ces mesures pourront

avantageusement être complétées par des études de la thermalisation électronnique en fonction de la taille des particules

Les autres phénomènes ultrarapides qui peuvent être étudiés [106] et même contrôlés [107] via des expériences pompe-sonde femtoseconde sont les modes acoustiques de vibration des nanoparticules. Là aussi, il serait avantageux d’utiliser la SMS pour caractériser in situ les nanoparticules préalablement aux mesures pompe-sonde. En effet, les vibrations des nanoparticules dépendent beaucoup de leur forme (triangle, bâtonnet, carré, pentagone,…).

b. Corrélations avec d’autres techniques

Nous montrerons au chapitre 6 qu’il est possible de corréler directement, particule par particule et non plus statistiquement, les spectres d’extinction optique absolus et la Microscopie Electronique à Transmission (MET).

La corrélation entre les mesures d’extinction par SMS et de diffusion en champ sombre par microscopie confocale, sur de « grosses » particules uniques, permettrait d’obtenir une mesure de l’absorption. Cette mesure serait obtenue par soustraction de la diffusion à l’extinction, de la même manière que pour les calculs de théorie de Mie. Ces mesures seraient aisément effectuées sur les mêmes échantillons par les deux techniques. On peut aussi envisager la corrélation avec des mesures d’optiques non-linéaire de type génération de seconde harmonique (en anglais Second Harmonic Generation, SHG) ou de troisième harmonique (en anglais Third Harmonic Generation, THG) [108].

Dans le cas de particules déposées, des cartographies en Microscopie à Forces Atomiques (en anglais Atomic Force Microscopy, soit AFM) avant et après dépôt permettraient de déterminer la hauteur de l’échantillon, avec une grande précision, sous réserve d’un état de surface du substrat assez plan et pour des particules de courbures pas trop accidentées. Cette information supplémentaire rendra alors possible la discrimination des cas où les particules sont oblates ou prolates.

Les particules déposées ou encapsulées étant caractérisées optiquement (et éventuellement en sus par AFM), la corrélation avec des mesures de Microscopie en Champ Proche Optique à Balayage (en anglais Scanning Near-field Optical Microscopy, soit SNOM) permettraient d’améliorer la compréhension de l’interaction entre la pointe SNOM de fibre optique effilée puis métallisée (également caractérisée au préalable lors de sa fabrication, par exemple en Microscopie Electronique à Balayage) et une nanoparticule métallique.

« N’oubliez pas d’être spectateurs ! »

Jean-Jacques Dordain, Directeur de l’Agence Spatiale Européenne