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Disparition des effets multipolaires aux petites tailles

Chapitre 5 Effet de la taille et de l’environnement local

5.1 Disparition des effets multipolaires aux petites tailles

Des nanoparticules d’argent, issues d’un mélange de solutions colloïdales de deux tailles différentes, ont été déposées sur un substrat d’alumine poreuse d’indice de réfraction

nporous=1,66. Les diamètres moyens des particules des deux solutions sont <2R> = 80 nm et

40 nm avec des déviations standard respectives de 6,4 nm et 3,2 nm.

L’impact des effets retard, c'est-à-dire le fait que le champ électromagnétique ne soit pas uniforme dans le volume de la particule, se voit clairement pour les grosses particules comme nous l’avons évoqué au chapitre 2. En effet, le mouvement du nuage électronique

soumis à un champ non uniforme est plus complexe qu’une oscillation en bloc comme dans le cas quasi-statique. Ceci correspond à l’apparition de modes de résonance multipolaires qui s’ajoutent au mode dipolaire pour permettre au nuage électronique de « suivre » le champ excitateur. En d’autres termes, par rapport à la partie du nuage électronique qui ressent en premier la propagation du champ électromagnétique, celle qui la ressent en dernier oscille en retard.

Dans le cas de la particule de la figure 5.1, la signature optique de la contribution de ces modes multipolaires correspond à la large aile proche UV du spectre d’extinction [52].

Cette contribution multipolaire se voit déjà sur le spectre de la solution colloïdale, dont l’amplitude du pic a été ramenée à celle calculée par la théorie de Mie pour une particule Figure 5.1 : Spectre d’extinction d’une particule unique d’argent déposée sur de l’alumine poreuse, issue d’une solution colloïdale de particules de 80 nm de diamètre moyen (dont le spectre d’extinction relatif est mis à l’échelle puis reporté, en étant réhaussée de 15000 nm2 par commodité). La comparaison avec la théorie de Mie (par des calculs avec des paramètres choisis « à la main »), avec les valeurs de Palik ou de Johnson & Christy pour la fonction diélectrique, détermine un diamètre moyen de la particule de 78 nm pour un environnement effectif d’indice de réfraction proche de la moyenne entre celui de l’air (valant 1) et de l’alumine poreuse (valant 1,66).

unique de 80 nm dans de l’eau, mais est plus marqué sur celui de la particule unique. L’ensemble du spectre de la solution colloïdale a été décalé vers le haut de 15000 nm2 pour une meilleure lisibilité.

Bien que l’environnement des particules déposées soit inhomogène, de bons ajustements sont là encore obtenus en supposant la particule sphérique dans un environnement homogène. La théorie de Mie reproduit bien la position du pic principal et sa section efficace d’extinction absolue avec les paramètres suivants : diamètre 2R=78 nm, indice de réfraction du milieu effectif nm = 1,32 et valeur du coefficient de diffusion de surface g = 2, lorsque l’on utilise la fonction diélectrique reportée dans Palik. La taille de la particule correspond tout à fait aux spécifications de la solution colloïdale. L’indice effectif vaut quasiment la moyenne entre celui du substrat et de l’air, ce qui tend ici à valider l’approche d’indice moyen souvent utilisée pour des particules déposées, contrairement à ce que nous avions vu dans le cas de la grosse particule d’or en partie 4.2. Le coefficient de diffusion de surface est nécessaire pour reproduire l’élargissement des spectres expérimentaux, sa valeur étant là de l’ordre de celles reportées dans la littérature. Dans le cas d’une particule de cette taille modélisée comme sphérique dans un environnement homogène, ce coefficient est un moyen artificiel de prendre en compte l’élargissement du spectre non polarisé par l’effet de déformation de la particule et/ou d’anisotropie de son environnement.

En utilisant la fonction diélectrique reportée dans Johnson & Christy, il faut donner à l’indice de réfraction du milieu effectif la valeur 1,42. Cette valeur est supérieure à la moyenne entre celles des indices de l’air et du substrat, ce qui géométriquement semble difficile à justifier. Ainsi, on pourrait être tenté de supposer que la fonction diélectrique de l’argent reportée dans Palik est plus fidèle à la réalité que celle de Johnson & Christy, ce qui serait le contraire dans le cas de l’or. Mais il est préférable de rester prudent en attendant des mesures dans un environnement mieux contrôlé, pour une large gamme de tailles et de nombreuses particules ainsi que des simulations plus précises.

Dans notre cas, la déviation entre l’expérience et la théorie du côté rouge est probablement due à une asphéricité de la particule. L’origine de cette anomalie aurait pu être analysée en mesurant la dépendance en polarisation du spectre d’extinction, afin d’obtenir des informations supplémentaires sur la forme de la particule, mais le substrat d’alumine poreuse s’est cassé avant qu’on ait pu le faire.

La structure additionnelle autour de 375 nm est attribuée au terme quadrupolaire, qui doit dominer les contributions multipolaires car la particule est encore de taille assez petite. D’après la théorie de Mie, la contribution quadrupolaire provient pour 7/8ème de l’absorption

et seulement pour 1/8ème de la diffusion, cela souligne l’avantage de mesurer l’extinction pour étudier cette contribution aux propriétés optiques de la nanoparticule. L’amplitude calculée de la contribution quadrupolaire dépend fortement des valeurs de la fonction diélectrique utilisée et peut aussi être influencée par une distorsion de la forme de la nanoparticule.

Des comparaisons plus détaillées entre expérience et théorie demanderaient des simulations numériques de l’effet de la surface [109, 110] et de la forme sur la réponse optique ainsi que des mesures de la dépendance en polarisation du spectre d’extinction.

Ceci n’empêche pas pour autant d’étudier l’influence de la diminution de la taille des particules sur leur réponse optique, illustrée par la figure 5.2.

Figure 5.2 : Spectre d’extinction d’une particule unique d’argent déposée sur de l’alumine poreuse, issue d’une solution colloïdale de particules de 40 nm de diamètre moyen (dont le spectre d’extinction relatif est mis à l’échelle du signal attendu pour une particule d’argent de 40 nm de diamètre dans un milieu d’indice 1,33 et avec les valeurs de Palik ou de Johnson & Christy pour la fonction diélectrique et g = 1,6 ou g = 6, puis reporté). La comparaison avec la théorie de Mie, avec les valeurs de Palik ou de Johnson & Christy pour la fonction diélectrique, détermine un diamètre moyen de la particule de 32 nm pour un environnement effectif d’indice de réfraction proche de la moyenne entre celui de l’air (valant 1) et de l’alumine poreuse (valant 1,66).

Le spectre de la solution colloïdale de diamètre moyen <2R>=40 nm, dont l’amplitude du pic a été amenée à celle calculée par la théorie de Mie pour une particule unique de 40 nm dans de l’eau, est plus large que celui de la particule unique. Ceci provient de la dispersion de taille et de forme dans la solution. Pour cette taille de particule, on note aussi la disparition des effets multipolaires avec un seul pic sans aile dans le proche UV.

Le spectre mesuré sur cette particule unique peut être très bien reproduit par la théorie de Mie avec un diamètre 2R=32 nm, un indice effectif nm = 1,37 et un coefficient de diffusion de surface g=1,6 en utilisant les valeurs de Palik pour la fonction diélectrique. Le diamètre déterminé est bien compris dans la distribution de taille de la solution colloïdale. La valeur de l’indice effectif est là encore proche de celle de l’indice moyen entre celui de l’air et du substrat. La valeur du coefficient de surface est proche de celle utilisée pour la particule plus grosse mais légèrement inférieure, ce qui pourrait correspondre à l’absence de déformation significative. L’ajustement avec les valeurs de Johnson & Christy pour les fonctions diélectriques nécessite cette fois encore des valeurs supérieures pour l’indice de réfraction nm = 1.47 et le coefficient de diffusion de surface g = 6. Ces valeurs sont probablement elles aussi trop élevées et pourraient confirmer que dans le cas de l’argent, on puisse supposer que la fonction diélectrique reportée dans Palik est plus fidèle à la réalité que celle de Johnson & Christy.

Expérimentalement, le passage d’une particule de 78 nm de diamètre à une particule de 32 nm de diamètre correspond donc au passage du régime multipolaire au régime quasi-statique. En effet, en plus des mesures, les calculs de théorie de Mie montrent que les contributions multipolaires deviennent négligeables aux alentours de la trentaine de nanomètres de diamètre, dont en dernier lieu celle du mode quadrupolaire. Pour une particule d’argent de 50 nm de diamètre dans un environnement d’indice effectif nm = 1,66 la valeur de la section efficace d’extinction au pic quadrupolaire calculé seul ne représente déjà que 6% de celle au pic dipolaire lui aussi calculé seul. Pour une particule d’or dans les mêmes conditions, ce rapport ne vaut que 1,6%. Enfin, pour les deux métaux, notons que la valeur de ce rapport diminue lorsque l’indice effectif ou la taille diminuent [52].