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CHAPITRE 2 La recension des écrits

4. Situation de soin

4.1 Naissance d’un enfant avec une déficience

Dans le cadre du PRIFAM, les infirmières sont intervenues auprès de familles dont l’enfant est né soit avec une fissure labiale (FL), palatine (FP) ou labiopalatine (FLP), soit avec une trisomie 21. Nous définirons ces déficiences, nous survolerons leur étiologie et leur fréquence. Nous verrons ensuite les problèmes et difficultés vécus par l’enfant et sa famille au moment de la naissance ainsi que les craintes possibles reliées à l’avenir de l’enfant.

Fissure L, P ou LP. Une fissure est une ouverture entre les segments de la lèvre (FL) ou du palais (FP) ou des deux (FLP) qui aurait dû se fermer durant les premières semaines du développement du fœtus (entre la 7e et 12e semaine de la grossesse). Il s’agit d’une déficience très fréquente au Québec (Laframboise, 1996). Les fissures sont

évidentes à l’œil, si elles concernent la lèvre. Par ailleurs, lorsqu’elles touchent le palais, l’enfant peut pleurer avec un son caverneux et se comporter difficilement au moment des boires. Sur le plan médical, on considère bénignes la fissure labiale incomplète et la fissure du palais mou. Les plus sévères sont les fissures complètes (touchant le nez) et

bilatérales : dans le langage populaire, ce type de fissure est appelé bec-de-lièvre (Kaufman, 1991).

Les fissures L, P, LP accompagnent plus de 300 syndromes Cette constatation associée au fait que l’apparence joue beaucoup dans le jugement que l’on porte sur la personnalité, sur l’intelligence et même sur le caractère des personnes, peut renforcer l’anxiété des parents à qui le médecin annonce cette déficience (Yetter, 1992).

Les problèmes reliés aux fissures peuvent être nombreux. (Eliason, 1991). Yetter (1992) et Endriga et Kapp-Simon (1999) recensent les problèmes d’attachement, les difficultés pour l’alimentation et, plus tard, pour la dentition, les infections respiratoires ou de l’oreille. Les retards de langage et le retrait social qui en découle compromettent souvent l’apprentissage et la socialisation. À ces problèmes, s’ajoute le stress émotionnel et financier pour l’ensemble des membres de la famille pendant les années au cours desquelles les parents devront amener leur enfant chez les différents spécialistes. L'étude de Pelchat (1989) révèle que ces problèmes sont vécus de la même manière dans les familles québécoises.

Dans leur recension des écrits, Strauss, Sharp, Lorch et Kachalia (1995) notent que le tiers des mères japonaises avaient songé au suicide lorsque le médecin a annoncé que leur enfant avait une fissure. Ils ajoutent que des parents israéliens exprimaient des inquiétudes, et ce pendant plusieurs années, sur les soins de l’enfant, sur la réaction de l’entourage, sur le moment et la durée des interventions, ainsi que sur les capacités intellectuelles de leur enfant.

Chapados (1997) a analysé le fonctionnement de dix (10) familles québécoises dont l’enfant de 3,5 à 12,5 ans est né avec une fissure. Même après des années, les parents se rappelaient clairement les émotions ressenties à l’annonce : le choc, la

culpabilité, l’impuissance, l’angoisse et la tristesse. Ils ont également éprouvé de la colère contre leur maladresse au moment des boires et contre le manque d’aide professionnelle ainsi que le peu d’information claire et simple qui leur a été transmise. Même si les parents ont pu se réconforter mutuellement, les inquiétudes ont continué avec une exacerbation au moment de l’entrée scolaire à cause de la stigmatisation dont les enfants étaient victimes. Ces émotions ont été suffisamment fortes pour remettre en question leur décision d’avoir d’autres enfants. Cette décision n’est pas universelle puisque, selon une étude récente (Andrews-Casal et al., 1998), le nombre d’enfants dans les familles dont un membre est né avec une fissure ne se distingue pas de celui des familles sans antécédent de fissure.

Trisomie 21. La trisomie 21 est le problème, survenant à la naissance, le plus souvent associé à la déficience mentale. L’enfant est porteur de 47 chromosomes dans chacune de ses cellules au lieu de 46 (Hayes & Batshaw, 1993; Timko, Culp, Pindell & Harakal, 1986).

Outre la déficience mentale considérée légère à modérée, ces enfants peuvent présenter certaines caractéristiques physiques particulières, soit une tête ronde, le front haut et plat, une langue qui semble trop large pour la cavité orale et une petite taille. Cette petite taille s’explique, en partie, par leur haut taux de prématurité (20%). On peut noter un pli épicanthique sur la face interne de la paupière, un sillon transversal unique dans la main et un sillon rectiligne à la plante des pieds. Ces enfants sont souvent très flasques. Ils boivent généralement lentement et se fatiguent rapidement. Par ailleurs, la trisomie 21 est parfois associée à une malformation, soit cardiaque (50%), soit du tractus gastro- intestinal (12%). En vieillissant, les enfants nés avec la trisomie 21 sont plus souvent atteints de leucémie et de convulsions épileptiformes (14%), des problèmes sensoriels

(80%) et de l’hypothyroïdie (10-15%) (Hayes & Batshaw, 1993; Timko et al., 1986). On ne connaît pas la relation entre l’anomalie chromosomique et les symptômes

pathologiques.

Konstantareas et Homatidis (1991) ont recensé les effets sur la famille des problèmes de développement, comme la trisomie 21. Ces auteurs rapportent que les parents vivent davantage de stress lorsque le problème est sévère, visible et chronique et qu’en plus, l’enfant ne peut rencontrer les attentes sociales. Le stress est aussi augmenté lorsque les parents s’attribuent la cause de la déficience ou qu’ils la décrivent comme une catastrophe. Les parents qui ressentent ainsi plus de stress souffrent davantage de

dépression et les couples se séparent plus souvent.

Fisman et Wolf (1991) ont comparé trois groupes de familles dont l’enfant, âgé de 9 ans en moyenne, présentait une de ses conditions : la trisomie 21 (n=31), l’autisme (n=31) ou sans problème de développement dont un sous-groupe était apparié en fonction de l’âge chronologique (n=31) et l’autre apparié en fonction de l’âge mental (n=31). Des mesures ont été prises sur les niveaux de stress, de dépression et d’intimité. Les parents d’enfant né avec trisomie 21 se trouvaient toujours dans le groupe du milieu. Ils se sont différenciés sur deux sous-concepts : l’acceptabilité et la perception de leur enfant. Ces parents considéraient leur enfant comme moins « acceptable » socialement, soit moins attrayant, moins intelligent ou approprié. Par ailleurs, « these parents tended to see their children as happier and as a greater source of positive reinforcement than did even the parents of developmentally normal controls ». (Fisman & Wolf, 1991, p. 206). Ces résultats ont été confirmés (Van Riper, Ryff & Pridham, 1992). Même s’ils reconnaissent vivre une expérience enrichissante, les parents ne cachent pas que les besoins incessants de l’enfant entraînent des émotions intenses de peur et de doute, de colère et de

dépression : « We found that periods of anger, depression and resentment appeared from time to time in a most unpredictable fashion as a part of the cost to be paid for the gifts of love, caring and hope. » (Thomas, Thomas & Trachtenberg, 1993, p. 676). Les

chercheurs nomment ces hauts-et-bas, tristesse chronique (chronic sorrow) (Damrosch & Perry, 1989; Seideman & Kleine, 1995). Parce que la trisomie 21 se nomme également

syndrome de Down, les parents américains font des jeux de mots, des Up and Down, pour décrire leurs sentiments changeants.