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CHAPITRE 2 La recension des écrits

2. Apprentissage

Plusieurs auteurs (Caplan & Holland, 1990; Taylor, 1990) situent la nature des connaissances scientifiques sur un continuum dont un pôle représente l’objectivité et l’autre la subjectivité. Nous verrons que la définition subjective de l’apprentissage correspond davantage au phénomène d’apprentissages qui mènent à un plus-être. 2.1 Définition objective.

Pour les « objectivistes », seul est reconnu comme apprentissage, l’acquisition de connaissances développées par des experts. Ce savoir est extérieur à la personne et il est évalué selon une perspective, également, extérieure à la personne. L’apprentissage est perçu comme un processus de changement progressif de performance chez l’apprenant qui répond à une situation qui, elle, est contrôlée (Malcuit & Pomerleau, 1980) et qui se caractérise par une transmission d’information. Et l’enseignant assure cette transmission

(Larochelle & Désautels, 1992) d’un produit fini qui existe dans les livres et auquel peu de considération est accordée à sa construction (Dewey, 1938/1997; Larochelle & Désautels, 1992).

Ce processus de transmission des connaissances repose sur l’idée que les

connaissances ont une existence propre, indépendante du sujet, « objectivement », et qu’elles peuvent être transmises et cumulées au fur et à mesure que progresse le savoir humain. (Larochelle & Désautels, 1992) p. 20.

Aussi, ce processus de transmission n’est pas contesté lorsqu’on pense la relation éducative entre un adulte achevé et un enfant en train de grandir (Artaud, 1989). Le formateur s’imagine que l’enfant intégrera les principes généraux de cette information, l’adaptera à des cas particuliers et passera à l’action en la reproduisant, l’adaptant ou la transformant (Coleman, 1977). Ce processus de transmission comporte des avantages : il est rapide, utile, accessible et économique. Plusieurs chercheurs ont pu ainsi démontrer son efficacité, entre autres auprès de la clientèle des infirmières (voir Lindeman, 1988, 1989 pour une révision des études).

La conception objective de l’apprentissage comporte cependant des risques : la passivité de l’apprenant, l’éloignement de la théorie avec l’action, l’aléatoire de la motivation et des habiletés cognitives de l’apprenant (Karolewicz, 1998). De plus, ce processus de transmission, originalement conçu pour des enfants dans un contexte scolaire, ne tient pas compte de l’expérience, des particularités et du contexte de l’apprenant adulte, particulièrement lorsque la santé de la personne est en jeu. Or, ces dimensions, ainsi que la compréhension qu’une personne a de son expérience de santé, peuvent être incompatibles avec les traitements et les activités de prévention de la maladie ou de promotion de la santé (Leventhal & Cameron, 1987; Thorne, 1990). Par ailleurs, dans un contexte de changement rapide des connaissances, l’important ne serait plus le

contenu à apprendre, l’information en soi, mais les habiletés à développer pour en acquérir davantage et la mettre à jour; et ceci, tout au long de la vie (Twigg, 1994). La

participation de l’apprenant est essentielle

[…] dans les maladies chroniques, dans les phases de réadaptation, ainsi que dans tous les états où le patient peut prendre en charge et assumer son traitement. Dans ces cas, l’expérience propre du patient devient un élément capital de l’approche thérapeutique. […] Pour que ce type d’interaction puisse prendre place, il faut que les participants aient à peu près un pouvoir équivalent, soient mutuellement interdépendants, […] s’engagent dans une activité qui apporte une certaine satisfaction à chacun des deux. (Bury, 1988)

En somme, la définition objective de l'apprentissage ne considère pas l’expérience des participants, leur relation, leur interdépendance et leur satisfaction dans la relation éducative. Elle n'est pas orientée vers les choix responsables et le développement du potentiel de personnes afin qu'ils puissent prendre en charge leur vie et leur santé. 2.2 Définition subjective.

Pour les « subjectivistes », les apprentissages sont des consensus obtenus par l’ensemble des personnes à partir d’une réflexion, une reconstruction et une reformulation de leurs expériences (Dewey, 1938/1997; Mezirow, 1994). Même les connaissances acquises par la recherche scientifique seraient en quelque sorte des consensus (Guba & Lincoln, 1989).

Selon Dewey (1916/1975, 1938/1997) les critères d’une expérience éducative sont l’interaction et la continuité : ces critères s’entrecroisent et s’unissent pour former

l’expérience éducative. D’abord, selon le critère de l’interaction, l’expérience est la résultante d’une interaction entre, d’une part, la personne et ses conditions internes (besoins, attentes, valeurs, compétences, etc.) et d’autre part, l’environnement social et physique, à un moment donné dans le temps. Ensuite, selon le critère de continuité, chaque expérience tient compte des expériences antérieures et prépare les expériences

futures. Tout au long de sa vie, la personne va réagir à son environnement et se

construire, tout en contribuant à la construction de nouvelles expériences. Plus elle vivra d’expériences, plus elle pourra puiser dans ses ressources pour en vivre de nouvelles. Plus encore, ces nouvelles expériences lui permettront de relire ses expériences antérieures sous un angle différent de façon à en apprendre davantage. Paterson et Zderad (1976, 1988) reconnaissent avoir subi l'influence de Dewey pour mettre l'accent sur l’expérience des personnes impliquées dans le soin.

Kolb (1984) est aussi influencé par Dewey lorsqu’il définit l'apprentissage comme un processus dialectique continu, ancré dans l'expérience pour s'adapter au monde, dans une échange entre la personne et son environnement pour créer la connaissance. À son avis, cependant, l’apprentissage est d’abord un processus d’adaptation à l’environnement. Les apprentissages proviennent de la transformation de l’expérience dans un cycle

rappelant les étapes de recherche- action de Lewin (cité dans Kolb, 1984) : expérience concrète, observation réflexive, conceptualisation abstraite et expérimentation active.

Concrete experience (CE) competencies enable individuals to become immersed in actual situations. Reflective observation (RO) competencies allow individuals to reflect upon these experiences from different perspectives. Abstract

conceptualization (AC) competencies are used to develop symbolic representations or explanations of what has been experienced. Finally, active experimentation (AE) competencies are employed to test hypotheses derived from the previously developed theoretical explanations in attempts to solve practical problems. (Kolb, 1984, p. 985)

Mezirow (1994), quant à lui, élargit cette conception. Plus qu’une construction individuelle, l’apprentissage est un processus social, une construction reposant sur des valeurs. Ainsi, il n’existerait pas de savoir stable, mais un mouvement continu pour bâtir un sens à partir des expériences vécues, selon la perspective des personnes impliquées qui renoncent à rechercher la Vérité, pour se mettre à la quête d’une vérité à partager avec

leurs pairs, un consensus. « Learning is defined as the social process of construing and appropriating a new or revised interpretation of the meaning of one’s experience as a guide to action » (Mezirow, 1994, p. 222-223).

Entre ces auteurs, on note une différence de conception quant au résultat de l’apprentissage : l'adaptation ou la transformation. Artaud (1989), dans sa recension des écrits sur l'intervention éducative soutient qu’il existe, en effet, une divergence

fondamentale entre une pédagogie de l'adaptation " fondée sur une vision mécaniste de l'homme comme un objet à modeler pour l'ajuster à son milieu " (Artaud, 1989, p. 17) et une pédagogie de révolution " qui considère l'être humain comme un sujet capable de transformer son milieu " (Artaud, 1989, p. 17). Pour les fins de notre étude, nous intégrerons l’ensemble à notre définition.

Ainsi, l’apprentissage sera reconnu comme un processus dialectique continu, ainsi qu’un processus social, ancrés dans l'expérience pour s'adapter au monde ou le

transformer, par un échange entre la personne et son environnement pour créer ou construire la connaissance, puisque les nouveaux apprentissages serviront en apprendre davantage. Ces apprentissages devraient mener à la possibilité de poser des choix responsables, à développer son potentiel dans une quête constante de confort, soit à un plus-être. (Artaud, 1989; Dewey, 1938/1997; Kolb, 1984; Mezirow, 1994; Paterson & Zderad, 1976). Le processus dialectique continu réfère au processus cognitif à l’intérieur des personnes alors que le processus social concerne le dialogue qui comprend les

thérapeutiques de soin. En situation d'apprentissage, on utilise davantage les termes « intervention éducative ». Nous ferons maintenant le lien entre les concepts